Marioupol, 2019
Amiens, 2024

Valery

"Je voudrais créer un groupe de musique pour les enfants ukrainiens."

Valery vient de la ville de Marioupol, aujourd’hui sous occupation russe. Il est venu en France il y a presque deux ans avec son épouse. Il vit à Amiens où il espère enseigner aux enfants la musique, comme il le faisait en Ukraine.

Avant la guerre, j’enseignais la clarinette et le saxophone dans une école de musique de Marioupol. J'avais aussi monté un groupe de jazz. Nous donnions des concerts dans toute l'Ukraine.

La situation à Marioupol a été très vite terrible. Nous avons été sous le feu des tirs pendant deux mois. Nous avons décidé de partir fin avril. Ma femme et moi avons eu la chance que notre voiture n'ait pas été réquisitionnée. A cette époque, les déplacements se faisaient uniquement avec des laissez-passer. Il y avait déjà des postes de contrôle sur l’autoroute. Les Russes ont tout vérifié et supprimé dans mon téléphone toutes les photos où on voyait des maisons brûlées, des corps gisant dans les rues… 

Nous avons traversé la Russie, nous sommes remontés par Rostov,  Voronej, Moscou, et finalement nous sommes arrivés en Lituanie. Nous sommes redescendus ensuite par la Pologne, l'Allemagne et enfin la France où nous vivons désormais. Un grand nombre d’Ukrainiens originaires de Marioupol vivent à Amiens. On peut se parler, se comprendre, c’est réconfortant.

Kyiv, 2014 © Larry Towell / Magnum Photos
Kyiv, 2014 © Larry Towell / Magnum Photos

Au bout de onze mois, on nous a attribué un appartement. Je ne sais pas comment la situation va évoluer. Marioupol est désormais sous contrôle russe. Sera-t-elle libérée un jour? Même si elle est libérée, la ville est détruite, rasée de la surface de la Terre. Je n'ai rien réussi à emporter avec moi. Tous mes instruments et partitions sont restés à l’école, ils ont probablement déjà été saisis par des soldats russes. 

Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos
Amiens, 2024 © William Keo / Magnum Photos

Depuis que je suis ici avec ma femme, j'ai contacté une école de musique. Je voudrais créer un groupe de musique pour les enfants, notamment ukrainiens.  Mais même si on m’a promis de revenir vers moi,  personne ne m'a appelé ou écrit encore.

Je suis généralement optimiste de nature. Dire que je ne suis sûr de rien désormais, cela signifierait pour moi perdre complètement la foi. L'essentiel pour moi est que ma femme et moi soyons ensemble. Je ne peux pas imaginer comment je serais sans mon épouse.

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