Ouvert le 11 mars dernier à Marseille, le dispositif d’hébergement pour les ressortissants ukrainiens affiche presque complet. Signe que l’afflux de personnes fuyant leur pays s’intensifie. Lieu de transit pour les uns, lieu de vie à durée illimitée pour d’autres, l’hôtel réquisitionné a vocation à devenir une grande maison d’accueil. C’est ce que nous raconte Mariam Sidibe, la coordinatrice de ce centre Croix-Rouge.

Le projet se construit au jour le jour et va être enrichi au fil du temps. L’objectif, c’est de faire de cet hôtel un havre de paix pour toutes les familles arrivant ici, souvent en grande détresse et exténuées. Ce qu’elles veulent avant tout, c’est se poser, se reposer.

La parole est rare durant les premières heures, puis elle se libère. Plus que la guerre, ce sont les conséquences de la guerre sur leur existence qui s’exprime. Quitter leur maison, toute leur vie en si peu de temps, c’était impensable il y a encore quelques semaines. C’est pourtant ce qui est arrivé à toutes ces personnes. Une vie rassemblée dans une valise. Une dame âgée nous raconte ainsi qu’elle n’aurait jamais envisagé de devoir, à son âge, se faire une nouvelle vie dans un autre pays que le sien. Elle se voyait passer sa retraite chez elle, cultiver son jardin. Tout a été si brutal. Des adolescents se connectent pour communiquer avec leurs anciens professeurs en visioconférence. Eux ont besoin de rester en contact, de préserver des liens avec leur vie passée. Et quand les mots ne viennent pas, une cellule de soutien psychologique de la cellule d’urgence médico-psychologique est présente sur site deux jours par semaine, avec des interprètes, pour faciliter l’expression. 

La charge émotionnelle est très forte pour nous aussi et tout le monde a envie d’aider. Nous sommes onze salariés engagés sur cette mission, épaulés par des bénévoles qui se relaient. Ils nous apportent énormément de soutien. Ceux qui parlent ukrainien jouent les interprètes et traduisent les besoins des personnes. Les autres participent à toutes sortes de choses très utiles : les distributions de repas, l’installation des personnes dans les chambres, la réparation d’une ampoule, le réglage du chauffage… Ils apportent également des produits d’hygiène, du linge, des vêtements.

L’hôtel peut accueillir 130 personnes. Trois générations s’y côtoient : des personnes âgées arrivées avec leur fille et leurs petits-enfants, des mères seules avec leur(s) enfant(s) en grande majorité et quelques pères de famille. Nous avons complètement réorganisé la vie dans l’hôtel. Des chambres sont converties en cabinet de consultation médicale, en centre de dépistage Covid-19, en cellule de soutien psychologique. Au premier étage, un espace a été transformé en salle de jeu pour les enfants. Nous avons plein d’autres projets comme l’installation d’une vestiboutique sur place qui permettra aux personnes de se fournir en vêtements, en produits de puériculture ou d’autres choses utiles au quotidien. Notre objectif est de faire de ce centre un lieu de vie, de remettre de la normalité dans leur existence. Nous sommes en lien avec des écoles et collèges pour scolariser les enfants, par exemple. Nous allons organiser des sorties à la mer, au musée, dans la ville… Sur ce volet, nous travaillons en partenariat avec la municipalité et d’autres acteurs associatifs.

Je suis impressionnée par la réactivité de tous, la vitesse à laquelle les choses se mettent en place. Des moyens énormes sont déployés pour aider et accueillir comme il se doit les ressortissants ukrainiens. La ville de Marseille est très mobilisée. Les communautés ukrainiennes s’entraident beaucoup également. Une famille a ainsi quitté l’hôtel très rapidement parce qu’on lui a trouvé un appartement. Pour elle, la reconstruction est déjà en marche. Toutes les démarches administratives sont accélérées : nous enregistrons les personnes à l’hôtel dès leur arrivée, nous leur délivrons aussitôt un certificat d’hébergement, puis elles sont recensées à la préfecture, ce qui leur permet de pouvoir se soigner, travailler, être autonomes.

Je suis fière de mener cette mission, de la façon dont on accompagne les ressortissants ukrainiens. Je tends la main comme on me l’a tendue, moi qui suis d’origine malienne. On devrait toujours accueillir les personnes avec la même humanité. Ça permet de réconcilier le monde. Après cette crise, on ne pourra plus faire moins ! En tout cas, c’est mon espoir.

Propos recueillis par Géraldine Drot – Photos de Christophe Hargoues

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