Selon les sources officielles (OIM ou HCR), le nombre de Syriens déplacés au Liban varie de 1,1 à 1,5 million. Concrètement, le pays qui compte 4 millions d’habitants, a accru de 50 % sa population. La Croix-Rouge libanaise est présente aux côtés de ces déplacés depuis le début de la crise en 2011. Quatre ans plus tard, elle fait face à des besoins exponentiels, tout en s’efforçant de maintenir ses missions quotidiennes auprès de la population. Entretien avec Georges Ketaneh, Secrétaire général de la Croix-Rouge libanaise, et le Docteur Antoine Zoghby, président de l’association médicale des équipes de secourisme de la Croix-Rouge libanaise.

Le Liban est le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens, et ce depuis le début de la crise en 2011. Comment gérez-vous cette situation ? Quelles sont vos priorités ?  

G.K. : Les déplacés sont répartis sur tout le territoire. Il n’y a pas de camps à grande échelle. Une 20aine de Sociétés nationales est engagée à nos côtés, dont la FICR et le CICR. Pour nous, le principal défi consiste à pouvoir mener de front les réponses à l’urgence et nos programmes de développement en parallèle. La Croix-Rouge libanaise est leader sur les programmes santé (ambulances, banque du sang, cliniques mobiles) et soutient les activités de relief (distributions d’aides, Support psychologique , assainissement des Eaux , renfort pour l’hiver etc. ). L’autre enjeu aujourd’hui, c’est de parvenir à un équilibre entre les aides apportées à la population libanaise et aux personnes déplacées. Il faut prendre en considération les besoins des communautés hôtes qui elles aussi ont besoin de médicaments, d’aides financières, d’aide alimentaire, d’accéder aux soins dans les hôpitaux, etc. et revendiquent les mêmes droits que les personnes déplacées.

Comment faites-vous face au nombre de réfugiés syriens sur le territoire ? 

G.K. : Objectivement, le Liban est dépassé par l’afflux massif de Syriens. Imaginez, il y a aujourd’hui près de 1.5 millions de Syriens au Liban, un pays qui a ses propres difficultés ! Ils sont arrivés par vagues successives. Dès le début de la crise il y a quatre ans, la Croix-Rouge libanaise a réagi spontanément, assurant le transport des blessés et des malades de la frontière. Ils avaient besoin d’aide, nous sommes intervenus dans le cadre de notre mission, tout simplement. Aujourd’hui, nous devons gérer une situation qui perdure, sans entrer dans des considérations politiques. Parmi les réfugiés, il y a beaucoup de familles et de jeunes syriens. Ils n’ont pas beaucoup de travail et sont moins payés que les Libanais. Il en découle un phénomène de paupérisation. Nous mettons en place des aides financières actuellement, à travers des programmes de transfert d’espèces (cash transfert ), avec la Croix-Rouge britannique et le Comité International de la Croix-Rouge ; nous distribuons chaque jour du pain pour 6 000 familles avec l’aide du Croissant Rouge Koweitien ; En d’autres termes, nous adaptons sans cesse nos missions aux besoins de la vie quotidienne. Mais il est clair que nous ne pouvons pas couvrir tous les besoins ! 

Vous bénéficiez du soutien de nombreuses sociétés nationales (norvégienne, allemande, française…). Comment coordonnez-vous l’ensemble des acteurs présents sur place ?

G.K. : Nous avons des réunions régulières avec les Sociétés nationales partenaires, sous l’égide de la Croix-Rouge libanaise. Avec les partenaires profondément engagés, nous avons des réunions hebdomadaires, et tous les 15 jours avec les autres partenaires du Mouvement. Avec les autres acteurs, nous partageons des informations régulièrement, pour ne pas reproduire nos activités . Nous travaillons donc en toute transparence et en toute confiance avec tous les acteurs concernés comme avec les autorités et nous maintenons cette clarté par des réunions et contacts ininterrompus.

Il existe aussi une plateforme régionale d’échange avec les Sociétés nationales des pays voisins (Turquie, Syrie, Irak, Jordanie, Egypte). Nous préparons une stratégie régionale et nous avons mis en place une matrice qui nous permet de travailler en bonne coopération. 

Comment est perçue votre mission dans le pays ? 

Dr A.Z. : La Croix-Rouge libanaise est solidement ancrée dans la société libanaise. Au quotidien, nous intervenons dans les accidents qu’ils soient routiers ou autres et en temps de crise lors des attentats, des situations de conflits et de violences. Notre mission de protection et de secours est reconnue par tous et s’étends sur tout sur le territoire ! La Croix-Rouge libanaise est le pourvoyeur principal d’urgence et de transport des blessés dans le pays. Nous étions les seuls à passer les points de contrôle durant la guerre civile… au nom de nos principes de Neutralité et d’Impartialité, et nous le sommes toujours . Ces principes sont déployés et éprouvés chaque jour sur le terrain. 

G.K. : Nous avons un plan de contingence visant à réduire les risques de désastres. Car les crises se succèdent, qu’elles soient militaires, politiques, économiques, sociales. L’instabilité est permanente donc nous composons avec cette instabilité. La préparation et la réponse aux catastrophes sont pour nous prioritaires et permanentes. Nos volontaires sont bien préparés avant de commencer leur intervention au sein de à la Croix-Rouge. Ils ont également une période d’essai d’un an avant d’être formellement engagés. 

Avez-vous des contacts avec le Croissant Rouge arabe syrien ? 

G.K. : Nous avons des contacts réguliers avec la Croix-Rouge Syrienne. Je rencontre le président de la société nationale et j’ai souvent le directeur général au téléphone. Nous discutons coordination dans le cadre humanitaire et opérationnel. Cette guerre a la particularité de durer dans le temps. On n’a jamais vécu ça ! Jusqu’alors, les conflits duraient quelques mois, pas plus. Nous n’avons aujourd’hui aucune idée de l’évolution de la situation pour cela nous nous tenons tout le temps préparés à entamer une réponse. 

Quel est l’objet de votre visite à la Croix-Rouge française ? 

Dr A.Z. : Comme dit précédemment, la Croix-Rouge libanaise, auxiliaire du service médical de l’armée et leader sur les programmes santé (ambulances, banque du sang, cliniques mobiles) et soutenant les opérations de relief (distributions d’aides), porte assistance aux victimes, qu’elles soient militaires ou civiles. Compte tenu du nombre considérable de réfugiés sur notre territoire, la situation est devenue délicate, difficilement contrôlable. Nous avons donc souhaité venir à Paris pour mieux comprendre le fonctionnement du dispositif de premiers secours en France, prendre connaissance du Plan d’Urgence , et comment se fait l’articulation entre les différents opérateurs, et surtout la manière dont la Croix-Rouge française s’y intègre notamment dans la gestion des crises. Le but est de pouvoir initier des échanges de bonnes pratiques et de renforcer nos capacités opérationnelles, et de bénéficier de notre expertise afin d’assurer les secours dans la mesure du possible avec une sécurité optimale . De plus, nous souhaiterions aller plus loin dans la formation de nos infirmiers avec la direction de la formation de la Croix-Rouge française.

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