Depuis plusieurs années, le Niger est devenu le couloir de transit incontournable pour les migrants vers le Maghreb et l’Europe. Selon le gouvernement nigérien, plus de 150 000 migrants originaires d’Afrique de l’Ouest ont transité par Agadez en 2016. Au péril de leur vie, ces hommes et ces femmes sont poussés sur les routes par l’espoir d’une vie meilleure.

« Moi, j’ai un métier : je suis carreleur en bâtiment. Il paraît que c’est bien payé en Europe, ce qui me permettrait d’améliorer mes conditions de vie et d’aider ma famille. Au pays, le seul moyen de survivre, c’est de cultiver la terre, mais elle n’est plus assez productive. »

Damba Y., ressortissant sénégalais âgé de vingt ans, rêve de rejoindre son oncle en Italie pour démarrer une nouvelle vie. Son parent a pris la route de l’exil il y a huit ans et a eu la chance d’arriver sain et sauf à destination. Combien y parviennent et à quel prix ? Comme Damba Y., des centaines de migrants originaires d’Afrique de l’Ouest (Mali, Sénégal, Nigeria, Gambie…) affluent chaque semaine à Agadez.

Autrefois haut lieu du tourisme, la ville a changé de visage depuis les dernières rebellions touarègues dans les années 2007-2009 et la menace terroriste qui plane sur la région sahélienne. Puis, la chute du colonel Mouammar Khadafi en 2011 a ouvert la voie libyenne. Le trafic des migrants est alors devenu la principale activité.

Le rallye Paris-Dakar, qui contribua à faire la gloire de la cité, a été supplanté par une autre course contre la montre : celle des passeurs qui rallient l’Afrique du Nord. Depuis le sommet de la Valette , en novembre 2015, des mesures visant à mieux contrôler les flux migratoires en Afrique sont mises en œuvre : contrôles renforcés aux frontières et répression de ceux qui cherchent à tirer profit de la situation.

La vie en transit

Deux catégories de migrants se croisent à Agadez : les candidats à l’exil et les «retournés», ceux dont la route s’est arrêtée en Algérie ou en Libye, où ils ont la plupart du temps été confrontés à des violences physiques, psychologiques ou à diverses formes de maltraitances. L’échec est alors extrêmement douloureux, car ils ont tout perdu : argent, dignité, espoir.

Sitôt quitté leur pays d’origine, tous les migrants se retrouvent dans des situations de grande vulnérabilité. Conscients des dangers, ils restent néanmoins déterminés à partir.

Arriver jusqu’à Agadez est déjà une gageure, comme en témoigne Mamadou, un Guinéen de 28 ans : « Nous sommes frappés, victimes d’humiliations de toutes sortes de la part des passeurs mais aussi des forces de sécurité dans les pays traversés. On nous place en garde à vue aux postes frontières alors que nous sommes dans l’espace CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) qui autorise les ressortissants d’Afrique de l’Ouest à circuler librement d’un pays à l’autre! Et puis, on doit payer à chaque point de contrôle… Ceux qui n’ont pas assez d’argent sont battus. »

Les migrants sont en majorité de jeunes hommes de 20 à 35 ans. Les passeurs les déposent dans des concessions de la ville, louées à cet effet, communément appelées ghettos ou foyers. Massés entre quatre murs, ils sont condamnés à l’attente, dans la clandestinité, l’insécurité et la peur ; peur des rafles régulières, du racket, des gardes à vue. Leurs conditions de vie sont très précaires.

Dépouillés de tout, ils sont contraints de trouver du travail ou de solliciter leur famille pour recevoir de l’argent. Les femmes, quant à elles, sont poussées à la prostitution, un autre marché parallèle très lucratif.

Des besoins humanitaires criants

« Sans encourager ni décourager les projets des migrants, les équipes de la Croix-Rouge cherchent à apporter assistance et humanité aux populations dans cette épreuve qu’ils traversent », explique Salia Sanogo, chef de délégation au Niger.

Le soutien psychosocial est un pan essentiel de nos activités. Depuis 2013, la Croix-Rouge mène un programme « d’assistance médicale et d’accompagnement psychosocial aux migrants en transit » soutenu financièrement depuis 2016 par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), lui aussi très présent dans la région (voir les activités du CICR en faveur des migrants).

La Croix-Rouge française et la Croix-Rouge nigérienne (CRN) assurent la prise en charge médicale gratuite des migrants au sein d’une salle de soins, ainsi qu’au travers des cliniques mobiles qui se déplacent sur les sites de regroupement des migrants et dans les maisons closes.

Le travail de soutien psychosocial s’effectue sous forme de groupes de paroles ou d’entretiens individuels avec un psychologue. Depuis quelques mois, face à l’augmentation des accidents de la route, des initiations aux gestes de premiers secours sont également dispensés aux migrants.

L’emblème de la Croix-Rouge prend ici tout son sens. Les équipes bénéficient de la confiance des migrants, assurés de leur neutralité, de leur impartialité et de leur protection. La présence historique de la Croix-Rouge française au Niger et les liens étroits de la Croix-Rouge nigérienne avec les autorités locales et la population favorisent les relations avec les institutions du pays.

Bien que très médiatisée aujourd’hui, la crise migratoire n’est pas nouvelle. Comme hier Gibraltar, le Niger est devenu au cours de ces dernières années l’une des principales portes d’accès vers l’Europe. Nul ne sait pour combien de temps. Les flux migratoires bougent au gré des fermetures des frontières, des politiques européennes, des situations économiques ou politiques des pays d’origine... C’est toute la complexité du phénomène migratoire. Aussi imprévisible que mouvant.

Géraldine Drot

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