Yassin a 34 ans. Il vit à Paris avec sa compagne dans 10 m2, au sixième étage sans ascenseur. Dans ce lieu insalubre et mal chauffé, les fuites d’eau sont fréquentes et la plomberie fait un bruit parfois si assourdissant qu’ils sont réveillés en pleine nuit. Les toilettes sont sur le palier et régulièrement utilisés par des personnes peu scrupuleuses.

Après avoir passé son BAFA, Yassin a été animateur pendant 15 ans pour la mairie de Paris. Passionné par son travail au cours des 5 premières années, la lassitude s’installe progressivement et il décide de réorienter sa carrière. Il a été un temps livreur, puis s’est tourné vers la restauration, où il occupe plusieurs postes : runner, serveur, barman… Bien qu’ayant fait ses preuves depuis longtemps, Yassin se sent mal traité par sa hiérarchie et constate des injustices flagrantes au sein du personnel, notamment en ce qui concerne les salaires, les horaires, les congés, etc. Il n’en peut plus et fait une demande de rupture conventionnelle.

Malheureusement, le moment est mal choisi, car c’est au mois de mars et le couperet du confinement tombe sur l’ensemble de la profession. Tout se fige et sa situation bascule rapidement, car son employeur refuse de lui permettre d’accéder au chômage partiel. Il essaie de se faire engager comme livreur par une entreprise de restauration à emporter, mais, là encore, ce n’est pas possible car il est toujours lié contractuellement au restaurant qu’il souhaite quitter.

Il ne parvient pas à bénéficier d’une aide sociale, en partie à cause de la paralysie sociétale généralisée caractéristique du premier confinement, et ne va pouvoir toucher l’allocation de retour à l’emploi qu’à partir du mois de décembre.

En attendant, c’est le « système D » : sa compagne, elle aussi sans emploi, a quelques économies qu’ils épuisent assez vite. Ensuite, Yassin n’a pas d’autre choix que de se tourner vers sa famille, dont sa mère qui ne peut l’aider qu’à la hauteur de ses moyens. Le moral est au plus bas, Yassin ne sait plus comment il va pouvoir s’en sortir et sa santé en pâtit.

Au mois d’août, conseillé par les services sociaux, il pousse la porte de l’épicerie sociale de la Croix-Rouge française. Depuis, il peut survivre et s’alimenter correctement. C’est une véritable bouée de sauvetage qui lui permet de garder la tête hors de l’eau en attendant des jours meilleurs.

« À l’épicerie sociale, il y a tout ce qu’il faut pour s’en sortir, les produits qu’ils vendent, c’est vraiment top ! Et pour 8 €, on peut tenir une bonne semaine. Dans des situations comme la mienne, je me dis qu’avec toutes les épiceries sociales qu’il doit y avoir à Paris, ça doit quand même aider beaucoup de gens. En tout cas, je sais que ça va m’aider à tenir le coup jusqu’à ce que je retrouve un travail. »

Benjamin Lagrange

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