Il y a d’abord eu les livraisons solidaires au printemps 2020, puis se sont mis en place les appels de convivialité et les visites de courtoisie au domicile des personnes qui le souhaitaient. Une démarche « d’aller vers » plus que jamais essentielle, tandis que la crise liée à la pandémie de Covid-19 perdure.

Les équipes de la Croix-Rouge de l’Hérault continuent de développer le dispositif Croix-Rouge chez vous pour lutter contre l’isolement social et proposer de nouvelles formes d’accompagnement.

« Bonjour Madame, c’est Amélie, de la Croix-Rouge française. Est-ce que je vous dérange ? Comment allez-vous depuis la semaine dernière ? » En ce jeudi après-midi, dans les locaux de la délégation territoriale de la Croix-Rouge de l’Hérault (34) situés à Grabels, une petite équipe enchaîne les coups de fil et les messages sur répondeur, consigne les informations dans le tableau de bord des personnes accompagnées. Ces outils innovants leur permettent d’assurer un suivi précis des situations individuelles. Sur la plateforme, Camille Moreno et Amélie Faure, bénévoles engagées dans la mission de lutte contre l’isolement social, initient Marion Foulon et Annabelle Lachal, étudiantes en master 2 de psychologie et stagiaires à la Croix-Rouge française, aux appels de convivialité. Au moins une quinzaine est au programme ce jour-là.

Garder le contact

Réalisés dans le sillage du dispositif Croix-Rouge chez vous, ces appels téléphoniques sont un maillon de la chaîne qui permet de garder le contact avec des personnes en manque de lien social. « En repartant des listes de livraisons solidaires réalisées lors du premier confinement, nous téléphonons à chaque personne pour prendre des nouvelles, voir comment sa situation a évolué, demander si elle souhaite être appelée fréquemment ou si une visite à domicile pourrait lui faire du bien et lui remonter le moral », détaille Camille Moreno. Les appels de convivialité sont donc une première étape, pas toujours facile tant les situations vécues peuvent être douloureuses. « Après m’avoir dit qu’elle n’avait plus de contact avec ses enfants, la dame avec qui j’échangeais a commencé à pleurer, témoigne Marion Foulon, remuée par la détresse de cette femme. Elle préfère être seule et ne souhaite pas qu’on lui rende visite mais, après avoir discuté plusieurs minutes, après l’avoir écoutée, elle m’a dit qu’elle était contente de cette possibilité d’être soutenue par téléphone. Nous avons convenu de la rappeler en début de semaine prochaine. »

S’inscrire dans la durée

Angoisse, solitude, stress face à la pandémie, à la possibilité d’un nouveau confinement, peur de la maladie, absence de perspective, disparition du lien avec la famille, les amis, les voisins… Les personnes contactées sont nombreuses à souffrir au quotidien en raison de la crise sanitaire, qui est parfois venue s’ajouter à d’autres difficultés. Les causes de dépression se multiplient et engendrent parfois le repli sur soi. « Montrer que cet isolement n’est pas une fatalité est l’un des objectifs de notre action, précise Amélie Faure. Notre mission doit s’inscrire dans la durée : des liens se créent avec le temps, une relation de confiance s’instaure. C’est pour cela aussi que nous proposons de rendre visite à celles et ceux qui le souhaitent. » Ces visites de courtoisie sont réalisées dans le strict respect des gestes barrières.

Des visites précieuses pour les personnes seules

Nous accompagnons l’équipe de Grabels au domicile de deux personnes ce jour-là. Camille et Amélie ont rendez-vous dans le centre de Montpellier. Michelle va bientôt fêter ses 79 ans et, en dehors de la visite de son fils chaque dimanche, trouve le temps long, très long. « J’aime lire, écouter de la musique, ranger mon appartement, raconte-t-elle. Je ne suis pas la plus à plaindre, loin de là, mais la visite de la Croix-Rouge ce matin me fait vraiment du bien car je peux échanger avec d’autres personnes. Je me sens exister, je ne suis pas ignorée. » Pendant 45 minutes, les deux bénévoles l’écoutent, répondent à ses questions, identifient ses besoins éventuels pour des trajets, des promenades. En effet, outre les appels et les visites à domicile, l’un des futurs objectifs de Croix-Rouge chez vous est de proposer différents services de proximité, comme accompagner la personne à un rendez-vous ou à des activités de loisirs. Cette expérimentation se poursuivra jusqu’à l’été prochain, parallèlement à la sensibilisation des unités locales sur ces nouvelles actions et à un travail de veille mené en lien avec les centres communaux d’action sociale (CCAS). Mais il faudra bien sûr s’adapter à l’évolution du contexte sanitaire.En attendant, Camille et Amélie poursuivent leur tournée. Elles quittent le domicile de Michelle pour aller voir Anouk, une dame de 51 ans qui n’a pas hésité longtemps quand la visite lui a été proposée par téléphone. « Je suis assez réservée et je n’aime pas trop parler dans une machine, dit-elle. Même en portant le masque, je préfère voir les gens en vrai. » Bien que discrète, Anouk ne cache pas son plaisir de pouvoir parler de son quotidien, de voir du mouvement, d’avoir des personnes en face d’elle. « C’est tellement rare en ce moment », soupire-t-elle. Alors, c’est entendu, des bénévoles reviendront la semaine suivante pour une seconde visite, « en vrai ».

Témoignages

« Nous sommes satisfaites quand on sort d’une visite qui s’est bien passée. C’est d’ailleurs le cas la plupart du temps ! On réalise ainsi que le dispositif est adapté et utile, qu’il répond à un besoin réel. Bénévole à la Croix-Rouge française depuis trois ans et demi, je fais à la fois de l’action sociale et de l’urgence et du secourisme. L’année 2020 a été très intense alors ce type de missions où l’on prend le temps de voir les gens, de les écouter, sans trop de stress, cela fait du bien. C’est une mission qui change, par exemple, des dépistages. Et elle est tout aussi précieuse en matière de service rendu. » Amélie Faure, bénévole à la Croix-Rouge de l’Hérault« Effectuer des appels de convivialité fait partie de mes missions. Aujourd’hui, j’ai notamment échangé avec une personne qui était angoissée. J’ai donc essayé de la rassurer, je lui ai donné des renseignements et j’ai proposé de l’appuyer dans diverses démarches. A l’issue de mon stage, j’envisage de devenir bénévole : il y a de vrais besoins et, en tant que future psychologue, ce type de dispositif de soutien psychologique m’intéresse particulièrement et m’enrichit ». Annabelle Lachal, étudiante en master 2 de psychologie et stagiaire à la Croix-Rouge française.« Les actions de lutte contre l’isolement réalisées par la Croix-Rouge française ne sont pas sans lien avec notre formation de psychologue, dans le fait d’écouter, d’apporter du soutien, d’être réactif quand on sent que la personne est en détresse. C’est intéressant de se former à l’écoute par téléphone car, en raison de l’épidémie, de la distanciation, cette pratique va se développer de plus en plus. C’est très enrichissant et permet de se rendre utile. » Marion Foulon, étudiante en master 2 de psychologie et stagiaire à la Croix-Rouge« En septembre dernier, j’avais décidé de m’inscrire au yoga, de prendre des cours de grec, de travailler l’argile dans un atelier… Bref, de faire des projets. Malheureusement, l’actualité en a décidé autrement. Depuis, je passe le plus clair de mon temps dans mon appartement, seule. Alors j’étais très contente de recevoir la visite des bénévoles de la Croix-Rouge française car j’avais envie de discuter avec des gens. Tout simplement. » Anouk, habitante de Montpellier rencontrée dans le cadre d’une visite de courtoisie

Camille Moreno, bénévole à la Croix-Rouge de l’Hérault et référente Croix-Rouge chez vous :« Durant le premier confinement, nous avons effectué de nombreuses livraisons solidaires chez des particuliers du territoire, dans le cadre du dispositif Croix-Rouge chez vous. A cette occasion, nous avons mesuré à quel point certains d’entre eux étaient seuls, isolés, désespérés, en manque cruel de lien avec l’extérieur. En déposant les colis à la porte, alors que nous devions rester à distance, il nous arrivait de discuter avec la personne. Nous étions parfois son seul contact humain de la semaine. Il ne s’agissait donc pas uniquement d’un soutien matériel.Afin de lutter contre l’isolement social de ces personnes dans la durée, alors que je terminais mon service civique à la Croix-Rouge française, je me suis portée volontaire pour maintenir et faire évoluer le dispositif dans le département de l’Hérault. Avec d’autres bénévoles de la délégation territoriale et le soutien de stagiaires étudiantes en psychologie, nous effectuons des appels de convivialité et, pour ceux qui le souhaitent, des visites de courtoisie. Je m’implique à 100 % dans cette action car j’ai vraiment envie de faire quelque chose de concret pour maintenir le lien et aider ces publics à sortir de leur solitude.L’expérimentation a démarré au dernier trimestre 2020 et les premiers retours confirment qu’il y a un réel besoin. A partir des listes des livraisons solidaires effectuées au printemps 2020, nous appelons chaque personne pour prendre des nouvelles, voir comment sa situation a évolué, demander si elle souhaite être appelée fréquemment ou si une visite à domicile pourrait lui faire du bien, améliorer son moral. Nous établissons à ce moment-là une fiche profil, dans laquelle nous inscrivons les informations importantes. Bien sûr, celles-ci restent confidentielles. Au téléphone, avec un maximum de tact et de gentillesse, nous posons différentes questions : avez-vous des contacts avec votre famille, vos voisins, des amis ? Vivez-vous seule ? Comment vous sentez-vous, moralement, physiquement ? Avez-vous besoin de quelque chose en particulier ? Puis, en fonction des réponses et de la tonalité de notre échange, nous convenons éventuellement d’un prochain rendez-vous : un nouvel appel ou une petite visite, dans le strict respect des gestes barrières évidemment.Quelles que soient les modalités, une grande partie des personnes appelées a envie de rester en contact avec nous. »

Texte Anne-Lucie Acar, photos Christophe Hargoues

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