La Croix-Rouge française a eu le privilège d’être intégrée à l’organisation des championnats du monde d’athlétisme IPC 2013 qui se sont déroulés du 19 au 28 juillet à Lyon. Pour cette compétition internationale ouverte aux sportifs « handisport » et « sport adapté», une soixantaine de bénévoles venus de sept départements a été mobilisée chaque jour côté stade et côté village. Une expérience mémorable.

Il a fait chaud, très chaud sur le Stade du Rhône. Mais la canicule ambiante n’a pas réussi à entacher les épreuves ni l’ambiance décontractée. A croire que par effet domino, les records de chaleur ont fait tomber les records du monde – pas moins de 52 – et un nombre incalculable de records du championnat. Côté tricolore, le bilan est de 14 médailles dont trois en or. Durant ces dix jours d’entrainement et de compétition, 1 300 athlètes, plus de 700 officiels et staffs venus d’une centaine de nations se sont donc installés dans l’enceinte verdoyante du Parc de Parilly. L’agglomération lyonnaise constituait la première étape pour les athlètes paralympiques avant les sélections pour les Jeux olympiques de Rio en 2016. C’est dire l’importance de l’événement et la motivation des participants : athlètes, public, organisations et associations confondues. Pour tous, ces Mondiaux ont été marqués de moments intenses émotionnellement. En témoigne Loïc Rey, directeur départemental de l’urgence et du secourisme (DDUS) à la Croix-Rouge de Rhône-Alpes depuis trois ans : « C’est incontestablement le plus bel événement que j’ai été amené à couvrir en ma qualité de DDUS ou de conseiller technique national opérationnel !, avoue-t-il. Tous les bénévoles ont été impressionnés par les performances physiques des athlètes, mais également par leur aisance  dans leur handicap. Nous avions de l’appréhension au départ, peur de notre maladresse, de notre regard. Je pense que notre vision du handicap a complètement changé aujourd’hui. » La plupart des bénévoles mobilisés expriment le même sentiment d’humilité et d’admiration. A l’instar de Cindy, coordinatrice du dispositif animations sur le village Handisport et santé : « Les personnes porteuses de handicap sont très libres, communiquent très facilement avec beaucoup d’humour, voire d’autodérision. Finalement, ce sont elles qui nous ont mis à l’aise et ont fait disparaître nos craintes.»  

Côté stade

Le dispositif prévisionnel de secours a été conçu en collaboration avec l’équipe médicale de la Fédération Française Handisport. La Croix-Rouge française était donc pleinement intégrée dans la prise en charge des athlètes et du public présent sur l’événement. Un dispositif constitué de deux postes de secours disposés de part et d’autre de la piste d’athlétisme, de trois équipes terrain en binômes, d’une équipe présente au centre médical, d’un véhicule de premiers secours à personne (ambulance) et d’un poste de commandement commun avec l’organisation. Un dispositif classique, si ce n’est la particularité du public et une vigilance particulière portée sur la prise en charge des athlètes. « Nous devions faire très attention à ce que le soin ne soit pas gênant pour la compétition », précise Loïc Rey. Et puis, nous avons beaucoup appris sur certaines pathologies liées aux différents handicaps. Par exemple, les personnes tétraplégiques n’ont pas la fonction de sudation. De ce fait, elles ne sentent pas toujours la nécessité de s’hydrater et sont sujettes aux coups de chaleur. » Chaque jour, 25 secouristes étaient présents sur le site de 7 heures à 20 heures.

Bilan : 210 interventions (dont des soins, une soixantaine de malaises dus à la chaleur et environ 30 traumatismes) et 12 évacuations. 

Côté village

Ouvert au public, le village Handisport et santé attenant au stade proposait toutes sortes d’animations en lien avec le handicap. A l’entrée des stands Croix-Rouge, une banderole : « mon handicap ne m’empêche pas de sauver des vies ». Pour ceux que le message intriguait, il suffisait d’observer ce qui se passait sous les tentes : les formateurs Croix-Rouge étaient là pour dispenser des initiations aux gestes de premiers secours au public, qu’il soit valide ou porteur de handicap. La formation Croix-Rouge « autrement capable », adaptée aux différents handicaps, était en effet testée à grande échelle sur ces Mondiaux. Et le résultat est très convaincant, comme l’explique Xavier, jeune formateur de 22 ans : « Chacun est en mesure d’effectuer les gestes qui sauvent. En cas d’incapacité physique, la personne peut donner l’alerte et des consignes à une personne valide. Par exemple, une personne sourde et muette peut taper le 114 sur un téléphone mobile pour appeler le Samu. Il y aura ensuite échange de messages écrits. Pour une personne en situation de cécité, tout passera par la parole. Finalement, nous adaptons simplement notre pédagogie aux types de handicap, mais les gestes, eux, sont les mêmes et la prise en charge tout aussi efficace qu’avec une personne valide. »

Et ce n’est pas Philippe Croizon qui démentira, étonné par la facilité de l’exercice. L’auteur de la traversée de La Manche sans bras ni jambes se sent tout à fait apte à sauver des vies ! A l’issue de l’initiation, il a dicté à une tierce personne les gestes à accomplir - appeler les secours, aller chercher un défibrillateur, effectuer un massage cardiaque… - « Fais ce que je te dis, sois mes mains ! », ordonne-t-il. Comme lui, ce sont 120 personnes porteuses de handicap qui ont été sensibilisées aux gestes qui sauvent durant ces Mondiaux, 600 personnes au total.

Adossé au stand des formateurs, les bénévoles de la Croix-Rouge jeunesse de Rhône-Alpes accueillent le jeune public et le mettent à l’épreuve : écrire de la main droite si l’on est gaucher, plier une feuille de papier en quatre d’une seule main et la glisser dans une enveloppe, ou encore rendre de la monnaie en ayant les yeux bandés… A travers tous ces exercices, l’objectif est de faire prendre conscience aux enfants des difficultés quotidiennes vécues par les personnes porteuses d’un handicap. A la fin du test, ils sont invités à laisser un message au tableau. « Courageux », « respect », « tolérance », « on est tous pareil », « Etre gentil, les aider »…

Quel est le point commun entre les athlètes de haut niveau et les personnes en situation de handicap en général ? Sans doute cette soif d’apprendre, de découvrir ; cette envie de se dépasser, de contourner son handicap. C’est sans doute la grande leçon de vie que retiendront tous les bénévoles mobilisés sur cet événement international où eux aussi ont contribué à changer le regard sur le handicap.

Géraldine Drot