Depuis plusieurs mois, cinq jours sur sept, l’unité locale de Saint-Omer (Pas-de-Calais) dédie une partie de ses actions aux migrants installés dans le camp de Tatinghem. Un havre de paix dans le quotidien de ces hommes privés de tout.

11 heures, mercredi 15 mars 2017. Des rires fusent de la cuisine. Des odeurs de plats épicés se font sentir. Comme tous les matins de la semaine, une partie des locaux de l’unité locale de Saint-Omer est destinée à l’accueil des exilés afghans, dans une ambiance joyeuse et conviviale.

En lien avec d’autres associations – Médecins du Monde et Emmaüs -, la Croix-Rouge française offre ses services à de jeunes migrants installés dans le camp de Tatinghem, situé à proximité de la ville, au milieu des champs. Depuis 2008, ce campement insalubre ‘’abrite’’ entre 25 et 40 personnes originaires d’Afghanistan. Quelques baraques de bois ou de tôle, des palettes posées par terre pour éviter la boue et les flaques d’eau, une citerne d’eau endommagée… Les conditions de vie sont vétustes.

C’est pour apporter une réponse humaine à cette misère que les bénévoles de la Croix-Rouge ont décidé de se mobiliser. L’unité locale enregistre des dizaines de visites par mois. « Depuis que je suis arrivé à Tatinghem, je viens ici tous les jours : c’est notre unique solution, le seul endroit où l’on puisse aller en dehors de la jungle », témoigne Faqiri, un jeune Afghan de 23 ans, souriant mais le visage marqué par la fatigue.

Des besoins fondamentaux 

Les locaux ont été rénovés, les activités sociales adaptées aux besoins des migrants avec l’implication très forte des bénévoles et l’appui d’un volontaire en Service Civique engagé à temps plein. L’organisation a été repensée pour que les personnes accueillies se sentent bien, dans des espaces adaptés : salle de bain, cuisine équipée, lave-linge et sèche-linge, espace cyber-café, salle de consultation médicale…

« Nous voulions qu’ils aient accès à tout ce dont ils manquent dans le camp : prendre une douche, préparer un repas dans des conditions normales, laver leurs affaires ou écrire à leur famille et amis », explique Marie-Jo, responsable de l’action sociale. « Il s’agit des besoins fondamentaux de tout un chacun, complète Thomas, secouriste et volontaire en service civique depuis janvier 2017.

Les migrants qui viennent ici n’ont absolument rien ! » Thomas passe 90 % de son temps à peaufiner l’accueil des jeunes Afghans : préparation de kits d’hygiène, nettoyage des chaussures, visites sur le camp pour recenser les besoins… Il est parfois soutenu par Camille et Marine, deux stagiaires. 

Les mercredis après-midi sont devenus un rendez-vous incontournable, depuis que l’unité locale de Saint-Omer a mis en place une consultation médicale. « Nous accompagnons les migrants sur le volet santé depuis plusieurs années, en donnant des médicaments ou en nous rendant au camp, raconte Anne-Marie, infirmière et bénévole depuis six ans. Mais, depuis la fin de l’année dernière, nous avons souhaité structurer ce dispositif.

Nous accueillons désormais les patients dans un cabinet tout équipé. » L’équipe est composée d’un médecin, d’une infirmière et d’un traducteur - indispensable pour bien comprendre les maux et les pathologies dont souffrent les patients. Problèmes dermatologiques, douleurs articulaires, malnutrition… Les pathologies sont multiples, et pas toujours faciles à soigner.

En effet, « comment peuvent-ils faire attention à leur santé dans de telles conditions ? Comment assurer une continuité dans les traitements quand on ne sait pas s’ils seront là la semaine prochaine ? », s’interroge Anne-Marie.

Un peu de paix 

Cet après-midi-là, sept patients se succéderont dans le cabinet médical, silencieux dans leur peine. Gentillesse, tranquillité, compréhension… Anne-Marie et Denis, le médecin, prennent le temps nécessaire pour les écouter et parvenir à un diagnostic. Une fois que celui-ci est établi, les médicaments adéquats sont donnés au patient et des analyses peuvent être prescrites. Faqiri est obligé de consulter régulièrement : la luxation de son épaule est un problème permanent et compliqué à régler. « La seule solution serait l’opération, mais il faudrait alors envisager de rester en France pour la réaliser et avoir les moyens de la financer ! », précise le docteur. Arrivé il y a près d’un an, Faqiri a renoncé à partir pour l’Angleterre et vient de déposer sa demande d’asile en France. « J’ai essayé plusieurs fois de passer mais, avec une épaule démise, ce n’est plus possible, dit-il. Aujourd’hui, j’ai sincèrement envie de rester en France. J’ai été contraint de fuir mon pays et j’ai ‘’voyagé’’ durant des mois. Je suis fatigué ; fatigué aussi de vivre dans la jungle. » Malheureusement, accéder à une certaine stabilité lui semble encore loin. En attendant, il trouve à la Croix-Rouge française un peu de paix et un vrai soutien.  

Reportage d’Anne-Lucie Acar et Pascal Bachelet