Orientées par le 115, les familles sont accueillies au sein de la « structure familles » de la Croix-Rouge française, située en région parisienne. Un dispositif d’hébergement d’urgence qui se révèle être bien plus que cela.

Venant d’ici ou de loin, mamans d’un ou plusieurs enfants, seules ou en couple, ces femmes ont toutes en commun un parcours chaotique et douloureux. Orientées par le 115, elles sont accueillies au sein de la « structure familles » de la Croix-Rouge française, située en région parisienne. Un dispositif d’hébergement d’urgence qui se révèle être bien plus que cela.

De la rue, on ne se doute de rien. Pas d’indication, ni de détails : compte tenu de la complexité des situations, les femmes accueillies ici ont besoin de préserver leur anonymat. Près de 90 personnes – couples avec enfants, familles monoparentales en situation de grande précarité - sont hébergées au sein de la « structure familles » de la Croix-Rouge française, rattachée au pôle de lutte contre les exclusions du Val-de-Marne (qui comprend également un accueil de jour, un centre d’hébergement d’urgence, un service intégré de l’accueil et de l’orientation – SIAO). Chaque histoire est unique, mais toutes celles et ceux qui sont arrivés en ce lieu ont connu leur lot d’épreuves. Femmes victimes de violences, hébergées chez un tiers, en cours de régularisation, à la rue ou logées provisoirement dans des hôtels sociaux… elles sont orientées par le 115 en fonction des circonstances. « Le point commun de nos résidentes, ce sont de grandes blessures personnelles, qui les empêchent d’arriver à se relever seules, explique Jeanne Werner, la cheffe de service. En danger ou dans une situation d’extrême vulnérabilité, elles ont besoin d’un accueil en urgence car elles n’ont personne vers qui se tourner. »

Un accompagnement personnalisé

« Notre structure n’est pas spécialisée dans la protection de la femme mais dans l’hébergement d’urgence, précise Jeanne Werner. Evidemment, nous sommes particulièrement vigilants sur cette problématique, mais nous proposons un accompagnement global ayant pour objectif la réinsertion sociale. » En moyenne, les résidentes passent une année au sein de l’établissement ; un temps qui permet à l’équipe encadrante d’assurer un suivi personnalisé. Nadia*, jeune femme originaire du Bénin, est venue en France pour tenter de faire soigner sa fille Esther, atteinte d’une maladie congénitale. Grâce à des rendez-vous réguliers avec les travailleurs sociaux, elle bénéficie d’un accompagnement individuel. « Je suis entourée, conseillée, et j’ai des gens avec qui parler », confie-t-elle. Son intégration est bien amorcée : elle garde des enfants et sa « patronne » a accepté de la déclarer. Nadia pourra ainsi bientôt obtenir sa régularisation en France.

Une logique de parcours

Il y a aussi Karine, Amina, Océane, Rama, Marie-Jeanne, Akouvi… originaires de France, du Kosovo, du Mali, de Géorgie, du Togo, du Sri Lanka… « Du jour de leur arrivée à leur sortie, de l’entretien d’évaluation aux démarches administratives concrètes, nous accompagnons les résidentes dans une logique de parcours, dans une perspective d’autonomie », précise Marion Lucas, éducatrice. Leur passage dans la structure Croix-Rouge constitue un sas, un temps de répit bienvenu, jusqu’à trouver une solution de logement ou d’hébergement plus pérenne. Car c’est le souhait le plus cher des résidents. « Mon rêve, c’est de laisser ma place ici à quelqu’un d’autre, obtenir des papiers, ne plus dépendre de personne », témoigne Nadia.

Emploi du temps ordonné

Pour que ces projets d’indépendance deviennent réalité, les journées sont organisées selon un planning bien précis. Objectifs : garder un rythme, avoir un emploi du temps structuré. Ainsi, les chambres doivent être libérées à 10 heures et ne sont de nouveau accessibles à partir de 17 heures. Dans l’intervalle, il y a l’école pour les enfants, les rendez-vous administratifs pour les adultes, les entretiens avec l’équipe encadrante, la préparation des dossiers de relogement, des formations ou des vacations professionnelles à effectuer. Il n’y a pas de temps à perdre. « Le règlement est contraignant, confirme Jeanne Werner. Mais il est le même pour tous, il favorise la vie en collectivité et prépare les personnes à reprendre une vie normale, avec des horaires, des contraintes quotidiennes. » Ainsi, les repas sont pris ensemble dans la salle à manger, des activités sont proposées dans la salle commune… En dépit des chemins tourmentés de chacun, la vie reprend le dessus.

Anne-Lucie Acar

Photos Alix Marnat

*Les prénoms ont été changés

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