Yolande a été formée par des pionnières, il était logique qu’elle en devienne une elle-même. La Croix-Rouge française lui doit notamment ses équipes d’urgence et ses secouristes.

Premiers pas en guerre et formation

Née Vittu de Kerraoul, Yolande, à 17 ans, trop jeune pour être infirmière, s’engage néanmoins au service de l’Hôpital auxiliaire n°4 de Poitiers (SSBM), classé de grande chirurgie, de novembre 1917 à février 1919. Elle y fait ses armes auprès des douze infirmières qui assurent le service des blessés et des salles d'opérations. De retour à Paris, aguerrie par son expérience, elle entame sa formation au dispensaire SSBM de l’Espérance, 48 rue de la Convention (Paris 15). Rattaché depuis 1912 à la SSBM, la société en a fait un dispensaire-école, avec un enseignement axé sur la lutte contre la tuberculose, le cancer et la mortalité infantile. Elle y reste un an (1920-1921) pour y préparer son diplôme simple d’infirmière. Elle suit en parallèle des études classiques et obtient une licence ès lettres en 1920.Pour obtenir son diplôme supérieur, elle s’inscrit dans la foulée aux cours de Léonie Génin à l’hôpital-école des Peupliers (Paris 13), qui a pour mission de former l’élite des infirmières de la Croix-Rouge française. Yolande suit ses stages obligatoires à la clinique Baudelocque, à Beaujon, Cochin, à l’Hôpital des Enfants malades et sort de sa formation en 1924 diplômée du nouveau diplôme d’Etat d’infirmière. Ce diplôme, créé par l’Etat en 1922, reconnaît enfin la formation et la profession d’infirmière-visiteuse. Les écoles de la Croix-Rouge française sont habilitées à le délivrer et les infirmières qui disposent déjà d’un diplôme supérieur Croix-Rouge obtiennent l’équivalence.

Engagée dans l’action sociale

Yolande choisit de se spécialiser dans l’action sociale. En 1924, elle devient visiteuse de la Croix-Rouge pour les Groupements de jeunesse et d’Entraide administrative. Deux ans plus tard, elle trouve le temps de se marier avec Henry Bonnet de Paillerets, dont elle aura quatre enfants.De 1929 à 1932, elle fait un séjour à l'École d’action sociale de Levallois, l’une des premières en France. L’école a été fondée par Marie Diemer, qui a participé, au sein de la Croix-Rouge américaine, à la formation des visiteuses de l'enfance. Le métier d’assistante sociale est en pleine reconnaissance, avec la création en 1932 d’un diplôme d’Etat qui permet désormais de porter ce titre.Forte de son expérience, elle prend en 1932 la tête du Service social de l’Oeuvre de la Croix Saint-Simon. Fondée par Marie de Miribel dans le quartier particulièrement pauvre de Charonne (Paris 20ème) en 1907, l'œuvre est rattachée à la SSBM depuis 1910.

La Seconde guerre mondiale : urgence et équipes de secours

Toujours à la tête de ce service, Yolande décrit en 1942 sa fonction, sa mission, et l’aide que ce Service social apporte aux populations en ce temps de guerre. La Croix-Rouge étant associée à la Défense passive, elle est adjointe au chef de secteur du 20ème arrondissement. Elle organise aussi, dans l’Yonne, le service départemental  Et, discrètement, elle s’engage dans la résistance.En parallèle, en 1941, la Croix-Rouge française lui confie sa jeunesse. Il lui faut peu de temps pour créer les premières Équipes Croix-Rouge de Secours (ECRS), qui interviennent pour la première fois lors du bombardement de Boulogne-Billancourt en mars 1942. Des équipes sont créées au sein de quasiment tous les comités locaux de la Croix-Rouge. Composées d’un chef et de son adjoint, de 4 infirmières, de 4 brancardiers et de secouristes, ces équipes seront très actives malgré le peu de moyens dont elles disposent et le danger qu’elles encourent. Yolande ne s'arrête pas là. En 1943, sous son égide, la Direction des Équipes d’Urgence voit le jour. Elles sont constituées pour les « coups durs » : bombardements, évacuations, convois, mais aussi accidents ou calamités publiques. Elles rassemblent toutes les compétences de l’association : secouristes, IPSA, infirmières, conductrices. Tous sont là, sous les bombardements, comme lors des combats de la Libération. Elle est sur le terrain, avec ses équipes, lorsque la division Leclerc entre dans Paris.A la fin de la guerre, on compte 60 000 secouristes dans les rangs de la Croix-Rouge française. C’est ce bilan qu’elle expose elle-même en 1949 au Ministre de la santé publique, invité au premier congrès national des Équipes secouristes .

Une administratrice toujours sur le terrain

Forte de son expérience, elle est nommée inspectrice générale des équipes secouristes, conseillère auprès de la Direction du personnel technique de la Croix-Rouge française en 1946 et entre au conseil d’administration en 1948.En outre, elle représente l’association au sein du Conseil supérieur du service social, créé en 1950.Elle n’en délaisse pas moins son engagement sur le terrain, du côté de Charonne. En 1949, élue présidente du comité local du 20ème arrondissement , elle y développe des dispensaires et œuvre pour l’aide aux personnes âgées. Pour améliorer les conditions de leur prise en charge à domicile, elle fait introduire, dans le programme Santé au foyer, des sessions de formation dédiées aux aides ménagères de l’association, en commençant par celles de son arrondissement.Du côté de la mairie, déléguée technique de coordination des services sociaux de l’arrondissement depuis mars 1940 (elle milite pour une coordination des actions sociales des secteurs public et privé), elle est nommée en 1960 membre titulaire de la Commission d’hygiène et de salubrité.

Reconnaissance

En 1963, elle reçoit la médaille Florence Nightingale, plus haute distinction attribuée par le Mouvement international de la Croix-Rouge, décernée par le CICR aux infirmières dont les actions et l’engagement ont été particulièrement marquants.La même année, elle est promue officier de la Légion d’honneur , 10 ans après avoir reçu la croix de chevalier. Elle arborait déjà la Croix de guerre (1947) et l’Ordre de la santé publique (1948).Lorsqu’elle décède, en mai 1966, la Croix-Rouge française lui rend un hommage appuyé. A titre posthume, elle lui remet la grande médaille d’honneur. L’année suivante, l’association donne son nom au dispensaire de la rue Sorbier , dans le 20ème arrondissement de Paris et place sous son égide le XIIème congrès de ses secouristes, celui du 25ème anniversaire de leur création.

Une histoire de famille ?

SI Yolande est la plus engagée, dans la famille Vittu de Kerraoul, comme dans beaucoup d’autres, les femmes “font leur Croix-Rouge” comme les hommes leur carrière militaire. Sa sœur, Christiane d’Abbadie de Barrau, obtient son diplôme simple en 1932 et son diplôme supérieur d’infirmière (diplôme d’Etat) en 1934. Sa tante, déjà membre de la SSBM bien avant la guerre, fait partie du Comité des dames (instance qui seconde le conseil d’administration) de 1928 à 1939.  Enfin, la seconde épouse de son père, Emma , diplômée de la SSBM en 1908, après s’être illustrée sur le terrain durant la Grande guerre puis la guerre du Rif, réaffirme son engagement en passant son diplôme d’Etat en 1928, toujours au sein de la Croix-Rouge.

Fiche d’engagement de Christiane Vittu de Kerraoul, ép. d’Abbadie de Barrau Archives nationales,Fonds Fichier des infirmières bénévoles de la Croix-Rouge française (cote 20200062/12)© Archives nationales / Croix-Rouge française

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