Alors que le conflit syrien s’enlise depuis plus de deux ans et demi, la Croix-Rouge française se mobilise aux côtés des autres sociétés nationales du Mouvement, pour venir en aide aux 2,1 millions de réfugiés syriens établis en Irak, en Jordanie et au Liban.

Antoine Peigney, directeur des relations et opérations internationales de la Croix-Rouge française, accompagné de Sylvie Grandin, vice-présidente de la Commission relations et opérations internationales, a passé plusieurs jours sur le terrain. Il dresse un état des lieux des projets d’assistance menés dans ces trois pays d’accueil, qui  visent à répondre aux besoins des populations réfugiées les plus vulnérables avant le début de l’hiver.

Pouvez-vous décrire les conditions de vie des réfugiés sur le terrain ?

La situation sur place est très précaire et on sait que ce déracinement va malheureusement perdurer pour des centaines de milliers de familles syriennes.

En Jordanie, les 560 000 réfugiés sont logés dans des camps ou chez l’habitant et nécessitent de bénéficier d’une offre accrue dans le domaine de la santé.

L’Irak accueille 230 000 réfugiés dont 120 000 se répartissent dans les 11 camps officiels gérés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et 110 000 sont logés chez l’habitant ou rassemblés en petits groupes sur le modèle libanais. Toutes ces personnes sont regroupées au Kurdistan, région autonome qui entretient des liens délicats avec l’Irak, son pays d’attachement. Dans les camps, ce sont les besoins en assainissement qui vont mobiliser nos équipes.

Le Liban est quant à lui le pays qui accueille le plus fort contingent de réfugiés avec plus d’un million de personnes, soit 120 000 familles qui se répartissent au sein de petits groupements ou chez l’habitant. Ces personnes représentent désormais le quart de la population vivant sur le territoire libanais ! Les réfugiés vivent dans des habitats précaires faits de bois, de cartons et de bâches plastiques et c’est justement sur l’amélioration de ces habitations que vont se concentrer nos efforts.

Quel est notre rôle dans la gestion humanitaire du conflit syrien ? A quelles difficultés notre association est-elle confrontée sur place ?

Aujourd’hui la Croix-Rouge française est connue par l’ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontrés sur place. Notre statut d’acteur plurisectoriel capable d’apporter des réponses en eau, assainissement et santé dans une logique intégrée de santé publique, démontre chaque jour son efficacité sur le terrain.

Nous avons également un rôle moteur pour remobiliser les trois sociétés nationales partenaires autour de l’aide aux réfugiés syriens. En effet, nous avons parfois observé un relatif désengagement envers ces populations qui risquent de mettre à mal la stabilité intérieure de leur pays d’accueil. C’est le cas du Liban notamment, qui a toujours entretenu des relations compliquées avec la Syrie et s’est montré extrêmement prudent dans son action vis-à-vis des réfugiés. Dans les mois à venir, nous serons donc particulièrement vigilants sur la prise en compte des besoins des réfugiés comme des problèmes rencontrés par les populations hôtes.

Mais la principale difficulté pour nous reste le financement, par les bailleurs de fonds, des programmes que nous souhaitons mettre en place dans les trois pays concernés. Après un premier programme refusé par ECHO en septembre, nous avons finalement obtenu au mois de novembre un financement des Nations Unies, d’un montant de 370 000 €, qui va nous permettre d’agir durant les quatre prochains mois en Jordanie. Au Liban, notre projet est financé pour trois mois par la coopération autrichienne (250 000 €), la Croix-Rouge française (60 000 €), et nous l’espérons à court terme par l’Unicef (250 000 €). En Irak enfin, le programme qui se déploie dans le camp de Dormiz est financé par le HCR à hauteur de 350 000 €, le Centre de crise du ministère des Affaires étrangères pour 200 000 € et la Fondation Total pour 150 000 €.

Sur cette question de l’accès au financement, la Croix-Rouge française est une fois encore très proactive et compétente. Nous avons d’ailleurs pour objectif de soumettre à ECHO de nouveaux projets pour 2014, l’objectif étant bien entendu d’étendre et d’amplifier notre action. 

Concrètement, quelle est notre action dans ces trois pays ?

La Croix-Rouge française a déployé sur le terrain 3 équipes de volontaires, soit 10 personnes mobilisées. L’urgence pour nous est de mettre en place rapidement les programmes d’aide aux réfugiés avant la période hivernale, très rigoureuse dans ces pays.

En Jordanie, notre action se concentre essentiellement dans le domaine médical, via le déploiement de cliniques mobiles, en collaboration avec le Croissant-Rouge jordanien.

Au Liban, nous mettons en place un projet d’assainissement au profit de 400 familles réparties sur plusieurs sites dans la ville de Zahle, première grande ville de la plaine de la Bekka, quiconcentre l’essentiel des réfugiés les plus vulnérables. Pour bien comprendre les besoins non couverts des réfugiés et pouvoir y répondre, nous avons mené une série d’évaluations auprès des bénéficiaires. Notre action vise à protéger les habitats précaires des inondations tout en les renforçant contre le froid, améliorer les latrines et distribuer des équipements pour l’eau potable.

En Irak enfin, l’aide se concentre pour l’essentiel au profit des 120 000 réfugiés des camps, dont le plus important est celui de Domiz qui regroupe 10 000 familles, soit 60 000 personnes. C’est dans ce camp que la Croix-Rouge française a ouvert son premier espace opérationnel, avec un programme de gestion des eaux usées et de renforcement des conditions sanitaires. Plusieurs autres pistes d’action sont actuellement à l’étude, parmi lesquelles une offre sanitaire pour le camp de Gawilan qui se situe plus au sud ainsi que la mise en place d’une antenne médicale pour 4 500 réfugiés qui seront prochainement accueillis dans une extension du camp de Domiz.

Le conflit syrien est actuellement la crise humanitaire majeure dans le monde et ne montre aucun signe d’essoufflement ni de perspectives de solutions politiques. C’est pourquoi il est impératif que nous restions mobilisés pour venir en aide à ces millions de personnes déracinées dont la précarité ne fait que s’accentuer.

Propos recueillis par Marine Bouniol