Ils traversent l’ouest et le sud de la France en 17 étapes : avec ce dispositif de sensibilisation à la migration, bénévoles et salariés vivent une expérience extraordinaire, celle d’une communauté de volontaires voulant tordre le cou aux préjugés sur la route des vacances. Bienvenue dans la Caravane de l’exil !

C’est l’esprit des colonies de vacances qui rencontre celui du bénévolat. De ce savant mélange est née en 2021 la Caravane de l’exil, un dispositif itinérant qui traverse la France pour sensibiliser les vacanciers à la thématique de la migration.

“Au sein de notre pôle, on faisait déjà de la déconstruction de préjugés, on s’est dit qu’il serait intéressant d'utiliser les grandes vacances, quand les gens ont plus de temps et sont davantage disponibles mentalement, pour approfondir ce travail”, explique Agathe Landel, chargée du dispositif.

C’est ainsi qu’une fine équipe, composée de bénévoles et de salariés, sillonne une nouvelle fois le pays, ses bords de plage et ses festivals pour aborder les juilletistes. Comme ce mardi, à Saint-Jean-de-Luz.

Un été pour briser les préjugés

10h36, les troupes déchargent les camions. En quelques minutes, deux grandes tentes rouges se dressent fièrement square du Maréchal Juin, face à la mer. Tous s’activent pour mettre en place les divers jeux du dispositif, le Jenga ici, les casques de réalité virtuelle là, le jeu de l’Oie géant au sol. Et la roue de la chance, juste devant le stand. Le point commun de ces activités, c’est leur thème, l’exil. Un sujet complexe abordé de façon ludique : la réalité virtuelle plonge en immersion dans un camp de réfugiés en Syrie quand les jeux de société et autres quiz interrogent les curieux sur le droit relatif à la migration, sur les préjugés ou encore la géographie.

Les volontaires sont aussi mobiles et quittent les tentes en binôme, à la rencontre des vacanciers. Une animation sobrement nommée “porteur de parole”. Ainsi, sur le front de mer, les duos questionnent - pancarte à l’appui - ceux qui croisent leur chemin : “Que ressentiriez-vous si vous perdiez le contact avec vos proches ?” “Vous êtes-vous déjà senti étranger ?” “Vivre ensemble, on fait comment ?”. Les questions sont tantôt taxées de philosophiques, d’autres fois surprennent, crispent. Et interpellent, toujours. “L’objectif, c’est d’ouvrir un dialogue, de recueillir la parole des gens, de savoir ce qu’ils pensent de la migration”, témoigne Agathe Landel.

Si les discussions semblent parfois vaines ou trop superficielles face aux enjeux de la migration, cela reste primordial selon Philippe, bénévole et formateur en Droit international humanitaire . “L’échange sert toujours, même si on n’en a pas l’impression sur le moment.” L’image d’une petite “graine plantée” revient d’ailleurs souvent parmi les volontaires.

Car entamer la conversation, c’est se confronter à l’autre, aux idées reçues, au racisme aussi. “Nous, on essaye de rappeler des définitions, des chiffres, les contextes relatifs à l’exil ainsi que nos actions Croix-Rouge”, souligne Agathe Landel, et rappelle que les discussions se sont toujours passées dans la bienveillance jusqu’alors. L’équipe travaille également à déconstruire les “fake news”, souvent très fertiles. Avec ses affiches “info ou intox”,  Sarah fait la peau aux rumeurs les pieds dans le sable. Photo grand format en main, elle montre la poignée de main entre Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge, et le ministre russe Sergueï Lavrov. “Cette photo date d’il y a à peine quelques mois : vrai ou faux ?” “Les gens ont tendance à penser que le cliché est ancien”, constate-t-elle, prenant soin d’expliquer le contexte de la photo et la mission de notre association.

En bande organisée

Si l’aspiration première de la Caravane de l’exil est d’ouvrir un dialogue sur la migration, la deuxième concerne plus spécifiquement les bénévoles. “La création de liens entre eux, c’est l’un de nos objectifs. Ils apprécient la mission, les échanges avec les personnes rencontrées mais aussi avec les autres volontaires”, remarque Agathe Landel.

Et pour cause : la joyeuse troupe - changeant de visage au fil des régions - vit en groupe le temps de quelques jours. “On passe nos matins, nos sommeils, nos journées ensemble, détaille la chargée de mission. C’est ce cadre de colonie, de communauté, qu’on recherche ici”. “C’est une sorte de colo’, oui, abonde Magalie. On se rencontre, on se retrouve entre bénévoles de toute la France, de tous âges, on crée des liens, on se découvre, on échange des filons, des contacts… C’est sympa”.

Allier l’utile à l'agréable prend ici tout son sens. Car si Magalie, Agathe et les autres trouvent la dynamique conviviale, ils sont surtout fiers de participer à une opération de sensibilisation à travers le pays. Kawa, bénévole de 37 ans, pose les mots sur la motivation qui émane du groupe : “Si je devais le refaire mille fois, je le ferais”.

Crédit photos : Alex Bonnemaison

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