Dès les premières minutes qui ont suivi l’attentat perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo, le mercredi 7 janvier, la Croix-Rouge française a été mobilisée en tant qu’un des acteurs majeurs des secours en situation d’exception. Le déclenchement immédiat du Plan « Vigipirate » a entraîné la mise en œuvre de mesures spécifiques liées à la menace terroriste. Ainsi, durant cinq jours, les équipes de secours de la Croix-Rouge française ont été omniprésentes sur les sites des attentats et des rassemblements populaires organisés partout en France. Retour sur le film des événements.

Mercredi 7 janvier : attentat contre Charlie Hebdo

A 11h30, deux terroristes lourdement armés font irruption dans les locaux de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, rue Nicolas Appert, dans le 11ème arrondissement de Paris. Une fusillade éclate et les assaillants prennent aussitôt la fuite. Douze personnes ont été abattues et dix autres sont grièvement blessées.

La préfecture de police sollicite immédiatement l’intervention de la Croix-Rouge française pour les secours. La direction départementale de l’urgence et du secourisme de Paris dirige les opérations sur place, tandis que la direction nationale de l’urgence et du secourisme ouvre son centre opérationnel au siège de la Croix-Rouge française pour assurer la coordination des interventions, des informations et des moyens de renforts éventuels.

A 12h15, les équipes de secours sont sur place. Deux centres d’accueil des impliqués sont installés, le premier au Théâtre Nicolas Appert pour une quarantaine de personnes, le second dans un hôtel du boulevard Richard Lenoir, pour accueillir les familles. Au total, 70 secouristes sont présents. Nos équipiers participent par ailleurs au transfert des personnes impliquées vers l’hôpital de l’Hôtel Dieu.

Alors que le plan « Vigipirate alerte attentats » est déclenché en Ile-de-France, la direction de l'urgence et du secourisme organise en fin d’après-midi une téléréunion avec tous les directeurs départementaux  de l’urgence et du secourisme (DDUS) de la région, en prévision d’autres actions terroristes. A cette occasion, il leur est rappelé les différentes modalités opérationnelles, consignes de sécurité et mesures d’anticipation à mettre en œuvre. « Les événements qui vont suivre prouveront malheureusement que nous avions raison d’anticiper », déclare Alain Rissetto, directeur des opérations au niveau national.  Les  fuyards sont en route vers l’Aisne…

De plus, un appel à une marche silencieuse a été lancé pour le soir même, Place de la République, des équipes parisiennes participent au dispositif de secours. De nombreux rassemblements spontanés sont organisés sur le territoire. 

Jeudi 8 janvier, fusillade de Montrouge et instructions opérationnelle

Un homme cagoulé et en gilet pare-balles a tiré sur une policière à Montrouge avant de prendre la fuite. La Croix-Rouge française assure l’accueil des impliqués, tandis que la direction départementale de l’urgence et du secourisme  des Hauts-de-Seine supervise la coordination des actions. On ignore s’il y a un lien entre cette attaque et l’attentat de la veille, dont les deux auteurs sont toujours en cavale, mais localisés dans l’Aisne. Le plan « Vigipirate alerte attentats » est maintenu dans la région Ile-de-France et déclenché en Picardie.   Une nouvelle téléréunion est organisée par la DUS avec les acteurs concernés.

Vendredi 9 janvier : Dammartin-en-Goëlle et Porte de Vincennes

Les événements s’enchaînent. Les auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo sont retranchés dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële, en Picardie, cernés par les forces de l’ordre. Ils détiennent le patron en otage. Quelques heures plus tard, vers 13h15, une fusillade éclate à la Porte de Vincennes. Un homme armé a pénétré dans une épicerie casher et pris en otages une vingtaine de personnes. On apprend qu’il s’agit de l’homme qui a tué une policière à Montrouge, la veille.

Là encore, la Croix-Rouge française participe aux deux dispositifs de secours. Le centre opérationnel national ouvre une cellule régionale composée des  huit directions départementales de l’urgence et du secourisme d’Ile-de-France. Tous les échelons sont donc réunis dans un même lieu, dans un souci d’efficacité, comme cela est prévu dans le plan ARAMIS (plan d’actions régional sur accidents multi-sites avec interventions spécifiques) de la Croix-Rouge française. « Nous nous mettons à ce moment-là en mesure de répondre immédiatement à toute demande de renforts et de faire face à d’autres événements, explique Alain Rissetto, grâce à un dispositif unique de collecte et de gestion de l’information, de coordination et de direction des opérations sur Paris, l’Ile-de-France et partout ailleurs ».

Dans le cadre du plan ARAMIS plusieurs notions sont essentielles :

  • le risque de sur-accident potentiel suite à un événement sur un site ;

  • la possibilité de voir surgir plusieurs incidents en simultané sur plusieurs sites ;

  • l’éventualité d’une interruption des moyens de télécommunication usuels (photo ci-dessus)

Au regard de ces paramètres, la Croix-Rouge évalue les conditions de son intervention. En effet, « la question essentielle à se poser avant toute mobilisation, explique Alain Rissetto, est celle de la sécurité des équipes d’intervention que nous devons systématiquement apprécier avec les autorités publiques avant tout engagement, même si le risque zéro n’existe pas, évidemment. » 

Au final, lorsque l’assaut est donné par les deux frères Kouachi vers 17 heures à Dammartin-en-Goële, suivi quelques minutes plus tard par l’intervention des forces de l’ordre à Vincennes, ce sont 300 équipiers secouristes qui sont mobilisés sur le terrain pour assurer à la fois les secours aux blessés et l’accueil des personnes impliquées. A noter par ailleurs que le 92, le 94 et le 95 ont mis à disposition leur SAMU en cas de besoin. Bilan de cette folle journée : les trois terroristes sont abattus.

Samedi 10 et dimanche 11 janvier : marches silencieuses partout en France

Au total 650 intervenants secouristes – dont 300 en province - seront mobilisés sur ces rassemblements de soutien aux familles et victimes des attentats organisés partout en France. Par chance, aucun débordement n’a eu lieu, les interventions se limitant à des prises en charge de personnes victimes de malaises pour la plupart (environ 110 prises en charge effectuées le dimanche 11). Néanmoins, la direction nationale de l’urgence et du secourisme avait, d’une part, envoyé ses instructions opérationnelles à l’ensemble des départements, demandant le recensement des moyens mis en œuvre pour ces marches silencieuses, d’autre part, placé les délégations départementales limitrophes à la région Ile-de-France en alerte verte. Alerte levée à 20h30.

Texte : Géraldine Drot - Photos : Adrien Rozes, Romain Nicolas, Xabi Lamothe