Abou est une jeune Guinéen de 14 ans. En mai 2016, après être passé par l’Espagne, il débarque à Paris gare du Nord, avec pour seul bagage un sac, quelques pièces de monnaie et ses médicaments – il suit un traitement contre la tuberculose. Abou doit se débrouiller seul, il ne connaît personne en France.

« Je suis resté près de 5 heures à la gare, je ne connaissais rien et elle était tellement grande pour moi que j’étais désespéré », nous confie-t-il. L’adolescent finit par trouver de l’aide auprès d’un homme qui, après quelques recherches sur son smartphone, lui communique l’adresse de  la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) à Cergy-Pontoise et lui achète un billet de train pour s’y rendre.  « On m’a fait attendre dans le couloir et au bout de 15 minutes, un homme est venu me voir, c’était le responsable de la CRIP, il m’a demandé mes papiers d’identité, s’est inquiété de savoir si j’avais faim. Je lui ai répondu que oui et que j’avais des médicaments à prendre. Il m’a apporté à manger et à boire puis m’a rassuré en me disant qu’il allait me mettre à l’abri. »

Le Dispositif d’évaluation des mineurs étrangers (DEMIE) du Val-d’Oise (95) prend alors le relais et lui procure une chambre à l’hôtel. Fatigué par sa tuberculose, souffrant d’un profond sentiment de solitude, Abou déplore : « J’étais isolé dans ma chambre avec la télé et mon téléphone comme seuls amis… » Le DEMIE lui obtient un rendez-vous au Lieu d’accueil et d’orientation (LAO) de Taverny où un médecin le reçoit en consultation et procède à son renouvellement d’ordonnance pour lui permettre de suivre son traitement.

Après 6 semaines passées à l’hôtel, les équipes du DEMIE reçoivent Abou pour effectuer son évaluation. Durant 3 heures, l’adolescent revient sur son histoire, met des mots sur sa détresse et sa déception en arrivant en France : « J’ai expliqué mon parcours de la Guinée au Mali, du Mali à l’Algérie, de l’Algérie au Maroc, du Maroc à l’Espagne et enfin d’Espagne jusqu’en France qui était le pays de mes rêves (j’ai pu avoir la chance d’y arriver). J’ai expliqué que j’étais malade et que l’hôtel n’était pas adapté à mon traitement. On a beaucoup discuté, ils m’ont donné un pack de lait, des croissants et un ticket restaurant parce qu’ils ont vu que je souffrais beaucoup. Ils ont demandé à un responsable de me ramener à l’hôtel. Ce soir-là n’a pas été comme les autres car j’ai bien dormi, j’étais rassuré. »

Le lendemain matin, il est 9 h quand la femme de ménage de l’hôtel  annonce à Abou que sa prise en charge est terminée et qu’il doit sortir de la chambre : « Je me suis dit ça y est, ils m’ont mis à la porte ! Mon évaluation a échoué ! Qui va me donner mes médicaments pour ma maladie ? » En réalité, à partir de cette date, Abou sera hébergé au LAO de Taverny où il bénéficiera d’un accompagnement thérapeutique approprié, composé des soins nécessaires à sa guérison et d’un soutien psychologique indispensable pour se reconstruire après l’expérience traumatisante de la migration.

Et de conclure : « Sur place, j’ai continué à suivre mon traitement. Aujourd’hui je suis guéri, je vais bien moralement, physiquement et psychologiquement grâce au soutien des équipes du LAO. »

Entretien réalisé en mars 2017.

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