Le foyer de vie Saint-Amadour de La Selle-Craonnaise, en Mayenne, a organisé un atelier de sculptures à destination de ses résidents souffrant de handicap mental. Mené par une éducatrice et une artiste, ce projet a fédéré l’ensemble du foyer et a abouti à une très belle exposition qui depuis plusieurs semaines connaît un succès inespéré et va sans doute se prolonger.

Mené par une éducatrice et une artiste, ce projet a fédéré l’ensemble du foyer et a abouti à une très belle exposition qui depuis plusieurs semaines connaît un succès inespéré et va sans doute se prolonger.

Trônant devant un étrange assemblage de boîtes de conserves et d’éléments de récupération, Ludo n’est pas peu fier de lui. C’est « son » oeuvre et il tient à nous en expliquer les moindres détails. Chantal André, monitrice éducatrice, l’aide à trouver ses mots. « Cidre ! », s’exclame Ludo en désignant un personnage penché au-dessus d’une barrique. « Ludo participe à l’atelier cidre du foyer, traduit Chantal, c’est l’un de ses moments préférés. »

Il montre sa photo collée sur le personnage et tend le doigt vers son visage. Cette sculpture de métal, c’est lui. Ludo est déficient mental et comme les 28 autres résidents du foyer de vie Saint-Amadour, il a participé pendant 10 mois à un atelier de sculpture pour réaliser une œuvre le représentant. Un projet mené en tandem par Chantal André, monitrice éducatrice du foyer, et Christine David de Vinzelles, intervenante artistique. « J’animais un atelier arts déco, se souvient Chantal, et j’avais envie d’en changer le contenu. C’est à ce moment-là que Christine m’a présenté son projet. »

Christine David de Vinzelles organise depuis de nombreuses années des vacances adaptées autour de l’art pour des personnes handicapées. Elle propose au foyer d’en transposer le principe sur un atelier au long cours, dans le but d’« amener les résidents à réaliser des oeuvres abouties, avec de réelles qualités artistiques ».Le duo se met alors d’accord sur le principe, sur le choix d’un matériau simple, « des boîtes de conserve, qu’on peut facilement se procurer, percer, peindre », ainsi que sur le sujet : mettre en scène son identité et son corps. Jean-Yves Gélinier, directeur du foyer, adhère tout de suite au concept : « Au-delà du plaisir de créer, travailler sur la représentation de soi a un réel intérêt thérapeutique, explique-t-il.Pour une personne souffrant de schizophrénie, morcelée intérieurement, représenter son corps à travers une statue est un travail intéressant. Pour une personne autiste, qui a du mal à communiquer, réaliser une sculpture en sachant qu’elle sera vue, là aussi, il y a un vrai enjeu. » « Toute la difficulté était de savoir si les résidents allaient se prendre au jeu ou pas, se souvient Chantal, mais très rapidement, tous ont voulu participer. »

Christine et Chantal ont laissé les résidents choisir eux-mêmes leur sujet, se contentant de les guider dans leurs idées. Ils ont ainsi récupéré des boîtes de conserve dans les cuisines, décollé les étiquettes et fait appel aux autres ateliers : l’atelier jardinage pour confectionner les « cheveux » en lierre des statues, l’atelier mosaïque pour les motifs, l’atelier bricolage pour des cadres, etc. Cette démarche permet « de valoriser la prise d’initiative, l’entraide et la socialisation », souligne Chantal. « Cela fédère également l’ensemble du personnel, ajoute Jean-Yves Gélinier, c’est très motivant pour les équipes ! ».

C’est ainsi qu’en 10 mois ont émergé 23 sculptures étonnantes, enrichies de multiples petits détails, chaque artiste ayant été invité à y ajouter des objets personnels. Un livre de cuisine pour Rachel, la gourmande, un écran vide pour David, qui « adorerait passer à la télévision ! », tandis que Dominique, lui, s’est représenté en compagnie de Julie, « car il l’aime beaucoup ». « Par ce biais, ils nous parlent d’eux et révèlent beaucoup plus que ce qu’ils pourraient nous dire par la parole », explique Chantal. Les œuvres montrent leur aptitude à créer et communiquer.

Le succès a très vite dépassé l’enceinte du foyer de vie. Destinées à être présentées lors de la fête annuelle des familles en juin dernier, les sculptures ont été réclamées « pour un décor de défilé de mode, pour une exposition dans les jardins de la mairie de Daon (Mayenne), et nous sommes actuellement en discussion pour les exposer dans une galerie marchande », se réjouit Jean-Yves Gélinier, qui voit dans ce cheminement des oeuvres un excellent moyen de poursuivre le travail d’insertion et de socialisation des personnes handicapées. « Les résidents étaient à chaque fois présents pour installer leurs sculptures et assister au vernissage, explique-t-il, c’est très intéressant pour eux et, dans la mesure du possible, on va continuer à faire vivre cette exposition. »

En attendant, Chantal et Christine pensent déjà à leur prochain projet sur le thème de la nature, « avec de vieux troncs d’arbre, explique Christine, pour créer des oeuvres en plein air. » Avant même de démarrer, l’atelier affiche complet ; tous les résidents se sont inscrits d’emblée.

Clarisse Bouillet