Un exercice de mise en situation d’une ampleur inédite s’est déroulé à Valenton, dans le Val-de-Marne, les 12 et 13 mars derniers.

Ces manœuvres s’inscrivaient dans le cadre du programme européen « Sequana EU 2016 », qui a pour objectif de tester la capacité des acteurs franciliens à répondre à une crue majeure. La Croix-Rouge était en première ligne.

Samedi 12 mars, 8h30, parc départemental de la Plage bleue à Valenton. Une agitation inhabituelle règne autour du lac, où un grand nombre de personnes est en train de vérifier les derniers détails des installations avant le démarrage officiel de l’exercice. Sous le commandement général de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP), la Protection civile, l’Ordre de Malte, la Croix Blanche et la Croix-Rouge française du Val-de-Marne se positionnent à leur poste, selon un plan détaillé bien établi. En effet, étant donné la multiplicité des acteurs, une gestion de catastrophe ne s’improvise pas. Car s’il s’agit d’un exercice – et non d’une véritable crue – cette matinée est une occasion formidable pour renforcer la coordination des acteurs associatifs et étatiques. 

Evacuation des victimes

Ce week-end se déroule la phase critique du scénario: la crue virtuelle de la Seine, entamée le lundi précédent, atteint son pic. Premier challenge : évacuer les habitants d’une maison de retraite privée de chauffage depuis 24 heures et secourir des habitants réfugiés sur les toits de leurs maisons en raison de la montée des eaux. Les premiers sont isolés sur une petite île, frigorifiés, certains blessés, en attente de l’arrivée des secours. Les seconds sont sur des plateformes flottantes dispersées au milieu du lac ou même dans l’eau ! En tout, cent fausses victimes – car il s’agit bien de figurants (ou « plastrons ») – doivent être évacuées. Si la nature des blessures est fictive, le dispositif mis en place dans le cadre de l’exercice est lui bien réel. Une certaine tension est palpable sur le site quand l’opération est officiellement lancée. 

Hélicoptères, bateaux, ambulances, véhicules de premiers secours, secouristes, plongeurs, médecins, pompiers… Tous les moyens – aériens, terrestres, nautiques et humains – sont engagés. «  En trois décennies de secourisme à la Croix-Rouge française, c’est la première fois que je participe à une mise en situation de cette ampleur », témoigne Hervé Pilet, en charge des exercices de sécurité civile à la direction départementale de l’urgence et du secourisme du Val-de-Marne. Un exercice d’entraînement ambitieux autant que nécessaire : s’entraîner, pratiquer « en situation » et mettre à jour ses connaissances est incontournable pour tous les acteurs de la chaîne de secours.  « Aux côtés de la sécurité civile et des pompiers, les associations ont un rôle fondamental à jouer en cas de catastrophe », renchérit Guillaume Saintyves. 

Pour la Croix-Rouge du Val-de-Marne, participer à « Sequana » s’inscrit dans une démarche entamée il y a déjà quelques temps. Il y a eu l’opération « Evacrue »* en juillet 2014, l’exercice sur table à la préfecture du département en 2015, les formations… « En cas de crues de la Seine et de la Marne, notre département serait le plus touché de la région : l’anticipation du risque inondation est donc l’une de nos priorités », ajoute-t-il.  En effet, 20 % de la surface du département se trouvent en zone inondable, ainsi que 55 % des communes.  Un habitant sur cinq est donc concerné. 

Se préparer à être prêt

Le déploiement de la Croix-Rouge du Val-de-Marne était constitué de trois véhicules de premiers secours à personnes (VPSP), pour tenir le poste médical avancé (PMA) et assurer les évacuations, un véhicule poste de commandement mobile, des cadres dans la zone de commandement, pour la tenue du PMA et la gestion des évacuations, deux équipes nautiques, avec équipages et camion, dix-huit logisticiens avec leur véhicule logistique, des plastrons…. Soit une soixantaine de volontaires mobilisés, sous la responsabilité de Guillaume Saintyves, directeur départemental de l’urgence et du secourisme. Les actions phares ? Tenir le poste de commandement afin de centraliser les informations et gérer le poste médical avancé, où sont conduites les victimes de la crue. Blessés légers, blessés graves, personnes décédées : les scenarios appelaient une réponse sur mesure, une implication rigoureuse et réactive de l’équipe du PMA.

Dans la journée, la Croix-Rouge française prendra en charge 37 « victimes » au total. Le bilan est plutôt satisfaisant ; pas de dysfonctionnement majeur dans le plan prévu, ni mauvaise surprise dans le déroulement des opérations. S’entraîner, améliorer la collaboration avec ses équipiers et partenaires, passer de la formation théorique au terrain, tester le nouveau matériel et apprendre à l’utiliser en situation… Les atouts de ces exercices « grandeur nature » sont incontestables et indispensables. « Ils permettent également de faire un bon retour d’expérience, de s’autoévaluer, de relever les points positifs et les points négatifs pour s’améliorer à chaque fois, ajoute Hervé Pilet. Car dans la vraie vie, quand la catastrophe est là, on n’a pas le temps de se poser des questions. » 

L’Ile-de-France sous haute surveillance 

Sensibiliser à la « culture du risque inondation » en Ile-de-France n’est pas anodin, loin de là. En raison de la concentration des enjeux humains et socio-économiques, l’inondation est le premier risque naturel majeur dans la région. Une crue d’occurrence centennale de la Seine et de la Marne (type 1910) concernerait 435 000 logements, 830 000 habitants, 100 000 entreprises et 750 000 emplois. De plus, les impacts seraient amplifiés par la vulnérabilité des réseaux structurants (énergie, transport, télécommunications, eau, assainissement), qui ont une incidence durable sur le fonctionnement des territoires. 

Tout l'enjeu est de maintenir pouvoirs publics, opérateurs et citoyens en veille, prêts à faire face à une catastrophe de cette ampleur. L’opération Sequana dure quinze jours et se déroule dans cinq départements franciliens. Elle mobilise 900 sauveteurs et 87 institutions et entreprises (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, EDF, SNCF, opérateurs téléphoniques, Total, Veolia…). 

Exercice d’évacuation à Saint-Maur

Dans la foulée de l’exercice organisé à Valenton, un autre temps fort était prévu le dimanche 13 mars à Saint-Maur. Là, une simulation de crue de la Marne avec évacuations de blessés était programmée, ainsi que l’installation d’un centre d’hébergement pour les personnes évacuées des zones inondées. En tout, une quinzaine de « sinistrés » devaient être pris en charge par la Croix-Rouge locale.

Celle-ci était accompagnée par la réserve communale de sécurité civile, constituée de quatorze agents municipaux volontaires formés aux premiers secours. Saint-Maur est la première et la seule ville du département à être dotée d’une réserve de ce type. Baptisé « CARE 2016 » (pour « Centre d’Accueil et de REgroupement »), cet exercice avait ainsi pour objectif de permettre aux acteurs de travailler ensemble, de tester la chaîne d’alerte entre la mairie et la Croix-Rouge du Val-de-Marne.

Cette dernière compte 19 unités locales dans le Val-de-Marne. Cinq d’entre elles sont très bien préparées au risque inondation, d’autres un peu moins. Cet exercice permettait donc de poursuivre la démarche et de montrer aux collectivités – par l’exemple – que la Croix-Rouge française est un acteur incontournable du secourisme.

* Pour en savoir plus sur « EVACRUE » : http://www.croix-rouge.fr/Mediatheque/Videos/Evacrue-2014

Géraldine Drot