Depuis le début de l’année, une fois par semaine, la maraude de podologie part à la rencontre des personnes à la rue afin de leur proposer des soins ciblés. La marche, le froid, la chaleur, le manque d’hygiène… La vie à la rue met les pieds à rude épreuve.

Maraude de podologie

Dimanche 10 avril, 9 heures du matin, sous-sol d’un parking du centre de Paris. La petite équipe de la maraude de podologie vient de se retrouver. En tout, trois personnes se sont portées volontaires pour ce matin : Coralie, podologue, Ange, maraudeuse, et Sébastien, conducteur.

Avant de partir, le trio fait le point sur la matinée, règle les derniers détails et vérifie que rien ne manque dans le véhicule… car leur camion n’est pas comme les autres. Fauteuil professionnel, moyens de stérilisation, matériel spécifique : celui-ci est intégralement équipé pour pouvoir proposer des soins de podologie « ambulants ». C’est en effet le meilleur moyen d’aller à la rencontre des personnes à la rue. Plus de 20% des personnes sans abri sont concernées par des pathologies cutanées. Et sans aller jusqu’à la maladie, prendre soin de ses pieds, quand on n’a pas de chez-soi, relève de la gageure.

Consultations sur rendez-vous

Lancée une première fois en 2012, la maraude de podologie de la délégation départementale de Paris s’est arrêtée en 2013, essentiellement pour des problématiques organisationnelles. Mais le camion était là, et les besoins aussi. L’équipe départementale de l’action sociale a donc relancé le dispositif depuis le début de l’année 2016.

Pour que cela marche, la coordination avec les équipes locales est indispensable. « Les maraudeurs Croix-Rouge expliquent leur démarche aux personnes sans abri durant les maraudes hebdomadaires, explique Christophe Jossa, l’un des référents départementaux de la maraude de podologie. Un rendez-vous pour le dimanche suivant est proposé aux personnes intéressées, avec la garantie d’un soin en toute confidentialité, à l’intérieur du camion. » Depuis le 17 janvier dernier, 10 maraudes de podologie ont ainsi permis d’aller à la rencontre des bénéficiaires signalés par les unités locales.

Prendre soin de soi

Cela peut paraître anodin… Et pourtant. Accepter ce rendez-vous, c’est réaliser que prendre soin de soi, cela peut faire du bien. Et que tout le monde y a droit. « C’est la deuxième fois que je viens me faire soigner ici, explique Fred en ce dimanche matin. Se promener pour combattre l'ennui, marcher pour avoir un peu de sous, pour trouver de quoi manger... On utilise énormément ses pieds quand on est à la rue, et je n’ai jamais l’occasion de m’en occuper... »

_« On utilise énormément ses pieds quand on est à la rue... Il m'est arrivé de marcher 37 heures en 48 heures ! De la tente à la devanture d'un magasin, se promener pour combattre l'ennui ; marcher pour avoir un peu de sous, pour trouver de quoi manger... Je fais un huit sans fin, quotidiennement, entre certains lieux incontournables... Je n'ai tout simplement aucune autre occasion de prendre soin de mes pieds… Où pourrais-je le faire autrement ? »_ _Fred, sans domicile fixe, boulevard des Capucines, à Paris._

Ce matin-là, Coralie, la podologue, soigne les petites plaies, nettoie, ponce, lime les ongles… Avec la marche, la mauvaise alimentation et une hygiène de vie médiocre, ces maux deviennent véritablement handicapants. La présence de la maraude de podologie prend alors tout son sens. Pour finir le soin, la podologue applique une crème en faisant un massage. Fred repart soulagé, content de ce moment où l'on s'est occupé de lui.

Une porte d’entrée

Apporter un soin, soulager la douleur : ce sont évidemment les objectifs premiers de la maraude de podologie. Toutefois, comme l’explique Ange, étudiante en médecine et bénévole dans le 4ème arrondissement,  « le soin du pied est aussi une porte d’entrée pour parler d’autre chose. Un lien privilégié s’installe, qui peut nous donner l’occasion d’échanger, de repérer des besoins particuliers, de proposer des solutions. »

 Pour l’étudiante en médecine ces maraudes sont un vrai « plus », car elles permettent d’être « dans le soulagement », de « se sentir utile autrement ». Une fois le soin apporté, la satisfaction est visible chez les personnes rencontrées, signe de la pertinence de ces dispositifs innovants qui commencent à se multiplier sur tout le territoire.

Texte : Alice Camus****

Photos : Thibault Biju-Duval