Le 22 septembre 1992, de terribles inondations ravagent le département du Vaucluse et, plus durement encore, la commune de Vaison-la-Romaine, dévastée par la crue brutale de l’Ouvèze. Le bilan est de 38 morts et 3 disparus. Les pertes matérielles se chiffrent à 500 millions de francs (plus de 76 millions d’euros). A partir de cette catastrophe exceptionnelle, la Croix-Rouge française s’imposera comme un acteur majeur de l’urgence sur le territoire national.

Le lundi 21 septembre, Météo France émet un bulletin très inquiétant. Le préfet du Vaucluse met les forces d’intervention disponibles en état d’alerte maximum. Le lendemain matin, le déluge s’abat sur Vaison-la-Romaine.

A 17 heures, le plan ORSEC est déclenché. La Croix-Rouge française mobilise aussitôt les équipes du Vaucluse et des départements limitrophes : Bouches-du-Rhône, Gard, Var, Hérault… Quelques jours seulement après leur création, les forces de l’Unité nationale d’intervention rapide - UNIR*- sont sur le terrain pour la première fois. Ce sont ainsi 1 500 secouristes provenant de 28 départements qui vont se relayer durant dix jours sur le terrain. 

Personne n’était préparé à cette catastrophe. Malgré tout, la réponse va être à la fois rapide et efficace.

Alain Rissetto, alors directeur départemental de l’urgence et du secourisme du Val-de-Marne, assure la coordination opérationnelle, tandis que Georges Métayer, délégué national du secourisme, gère la coordination nationale, au niveau du siège parisien de la Croix-Rouge française. Cette organisation à deux niveaux est nouvelle ; elle deviendra ensuite systématique.

Le matériel déployé est important, à la mesure de la tragédie : trois semi-remorques arrivent chargés de tentes gonflables, de l’équipement nécessaire pour installer des centres d’hébergement d’urgence, des cuisines mobiles permettant de préparer 1800 repas par jour sont installées, ainsi que les moyens de transmission ad hoc.

Et puis, pour la première fois, la Croix-Rouge française assure, grâce à deux stations de traitement de l’eau – un équipement de pointe qu’elle est la seule à détenir avec l’armée -, la distribution de 10000 litres d’eau potable par jour aux personnes sinistrées, grâce à un système de berlingots. C’est aussi le début des opérations de nettoyage des maisons, « Coup de main coup de cœur ». 

L’association, très médiatisée, acquiert sans doute ici sa légitimité en tant qu’acteur majeur de secours d’urgence. C’est d’ailleurs à la Croix-Rouge française que le gouvernement – via le ministère de l’Action humanitaire - va confier des fonds pour assurer la distribution de l’aide financière aux familles sinistrées durant cette phase de première urgence.

Près de 8000 familles vont ainsi pouvoir subvenir aux besoins les plus urgents et recouvrer un minimum d’autonomie matérielle. La Communauté économique européenne (CEE) va également faire confiance à la Croix-Rouge française pour la distribution des aides financières, comme elle l’a fait quelques mois plus tôt après le drame de Furiani (Corse). En parallèle, l’association participe aux recherches des personnes étrangères disparues, en lien avec les Sociétés nationales Croix-Rouge concernées. 

De l’urgence à la post-urgence 

Les actions de la Croix-Rouge française vont se prolonger durant des semaines. Il faut aider près de 2600 familles meurtries à se maintenir dans leur logement ou à retrouver un toit, en priorité. Grâce à l’extraordinaire générosité du public (près de 64 millions de francs collectés) et aux fonds débloqués à nouveau par la CEE, 15 mobile home et 40 caravanes sont mis à disposition des bénéficiaires.

Il faut également réhabiliter les infrastructures sociales et culturelles (écoles, crèches, transport scolaire, maisons familiales, etc.). La vie locale a du mal à reprendre. Six mois après la catastrophe, la Croix-Rouge organise des classes vertes, des classes de neige et des colonies de vacances pour 900 jeunes. Tout comme les inondations de Nîmes, en 1988, ont marqué un tournant pour la Croix-Rouge française qui jusqu’alors ne participait pas aux plans d’urgence, le drame de Vaison-la-Romaine confirme le rôle essentiel de l’UNIR.

La Convention de Strasbourg, quelques mois plus tôt, avait déjà posé des jalons, en mettant en place des règles et procédures pour les interventions de première urgence. Objectifs : être désormais présents sur toutes les catastrophes majeures, mettre en place des formations à l’urgence, avoir un outil adapté, à savoir l’UNIR. La série d’inondations qui va marquer l’année 2013 attestera de cette nécessité. 

*L’UNIR est le précurseur du centre opérationnel pour les opérations de secours au niveau national et international. Il est dissous en 2002 pour laisser place aux équipes de réponse aux urgences (ERU) humanitaires.

Par Virignie Alauzet