Leurs témoignages, recueillis par le Groupe de recherche historique de la Croix-Rouge française constitué dans les années 1980-1990, racontent leur engagement, parfois au péril de leur vie. Ces récits sont aussi l’occasion de rendre hommage aux 414 membres de la Croix-Rouge française qui, lors de ces évènements ou au cours du conflit, ont perdu la vie.

3 Août 1944, libération de Paris : le poste de secours de la Comédie-Française

Durant les journées de la libération de Paris, les équipes d’urgence de la Croix-Rouge française dressent une centaine de postes de secours permanents, ouverts jour et nuit, pour secourir les blessés et de les évacuer vers les hôpitaux. La Comédie-Française est l’un d’eux, les sociétaires prêtent main forte aux secouristes du Ier arrondissement. Un lieu emblématique où volontaires illustres et anonymes portent secours, côte à côte, aux victimes des combats.

Au début du mois d’août 1944, il règne dans les rues de Paris une atmosphère insurrectionnelle. Emmenée par les FFI, la réaction intérieure grandit : une grève des policiers le 15 août signale l’imminence d’une révolte des parisiens contre les troupes allemandes en poste dans la capitale. Charles Danglade, inspecteur général à la Banque de France, est alors président du comité de la Croix-Rouge française du Ier arrondissement de Paris. En prévision de combats meurtriers, il décide avec le docteur André Meunier, responsable des secouristes du Ier arrondissement depuis 1942, de monter 17 postes de secours répartis dans l’arrondissement. Leur mise en fonction a lieu le 17 août.

On hisse le drapeau Croix-Rouge dans les quelques crèches, dispensaires et écoles de l’arrondissement mais aussi dans le hall de la Comédie-Française, place du Palais Royal. Personnels, artistes et comédiens du célèbre théâtre s’engagent sans tarder auprès des volontaires de la Croix-Rouge. Les nouveaux secouristes s’appellent René Alexandre, Jean Chevrier, Lise Delamare ou encore Jean-Paul Sartre (il fait jouer à l’époque sa pièce Huis clos).

Dans la discrétion, ils assistent les équipes d’urgence, s’occupent de logistique et prodiguent parfois, comme Sartre, les premiers soins aux victimes. Mercanton, artiste-comédien, prend possession d’un autobus qui sert, pendant toute cette période, de transport inter-postes et d’ambulance annexe.

L’insurrection des parisiens débute le 19 août, au lendemain de l’appel lancé par le colonel Rol. Pour améliorer la couverture sanitaire dans l’arrondissement, un nouveau poste de secours est ouvert le 22 août au Théâtre-Français, sur proposition de l’administration de la Comédie-Française. Les combats font rage sur la place du Palais-Royal : médecins, infirmières et comédiens relèvent plus de dix blessés graves par jour, allemands comme combattants des FFI.

« Bien que nous espérions tous l’arrivée rapide des troupes du général Leclerc et le départ de l’occupant, nous portions assistance à tous selon le principe de neutralité, se souviendra André Meunier. Les blessés, d’ailleurs, étaient en majorité allemands. Nous devions le plus souvent arracher aux flammes des soldats presque entièrement brûlés, les amener au Service de Santé de leur armée ou, pour les plus graves, à l’Hôtel Dieu ».

Le poste de secours sera ouvert une semaine, jusqu’au 30 août. Infirmières et volontaires Croix-Rouge, assistés par les comédiens, soigneront pendant cette période 94 blessés et recenseront 18 morts. « C’était l’un des plus actifs des 17 postes de l’arrondissement, dans lequel nous avons relevé plus de 800 blessés et 80 morts » explique le docteur Meunier qui deviendra plus tard maire de l’arrondissement.

« Il est beau de représenter sur le théâtre les actions des hommes illustres, mais il est encore plus beau de s’égaler par le courage et le dévouement aux héros de la fable et de l’histoire », peut-on lire dans une lettre de remerciement de Charles Danglade aux comédiens de la Comédie-Française.

Morts en service humanitaire

Liste partielle des volontaires « morts en service humanitaire » :

  • André Aignant-Jougard Âgé de 31 ans, brancardier des équipes d’urgence de la Croix-Rouge et soldat des FFI tué le 24 août 1944 Place Cambronne au cours d’un engagement qui fit deux morts parmi les Français et sept chez les Allemands.

  • Madeleine Brinet Âgée de 29 ans, aide médico-sociale aux équipes d’urgence de la Croix-Rouge, tuée le 25 août 1944 à l’angle de la rue de Rivoli et de la place de la Concorde alors qu’elle se portait au secours d’un FFI blessé.

  • Pierre Chatenet et Jean Cazard Âgés de 17 ans et 18 ans, membres des équipes d’urgence de la Croix-Rouge du Xème arrondissement, mortellement blessés le 19 août 1944 en tentant de porter secours à Monsieur Duval, conducteur d’une fourgonnette chargée d’armes destinées au groupe Résistance-police que les Allemands venaient de mitrailler devant le café La Flèche d’Or.

  • Jean Caudrelier Âgé de 41 ans, secouriste des équipes d’urgence de la Croix-Rouge du XVIIIème arrondissement mortellement blessé par balle le 19 août 1944 en portant secours à un blessé.

  • André Dhome Âgé de 31 ans, chef de poste adjoint du septième secteur de la défense passive de la Préfecture de police mortellement atteint le 23 août 1944 dans la soirée alors que, porteur du drapeau de la Croix-Rouge, il voulait s’occuper d’un blessé devant le 129 rue de l’Université à Paris VIIème.

  • Jeanine Floquet Âgée de 19 ans, étudiante en cardiologie à la Croix-Rouge, agent de liaison des Milices patriotiques du XIème arrondissement, mortellement blessée le 26 août 1944 à l’angle de l’avenue Parmentier et de la place de la République par les occupants d’une voiture allemande tentant de fuir Paris par l’est.

  • Lucien Gohier Âgé de 21 ans, manutentionnaire, brancardier de la défense passive, volontaire de la Croix-Rouge du Xème arrondissement, mortellement atteint le 19 août 1944 de deux balles dans les reins et d’une dans la poitrine alors qu’il tentait de ramasser des blessés place de la République.

  • Jean-Claude Touche Âgé de 18 ans, pianiste de concert, secouriste volontaire à la Croix-Rouge du VIIIème arrondissement, mortellement blessé le 25 août 1944 lors des combats de la place de la Concorde.

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