La vie d’étudiant est pour beaucoup un moment de transition où il faut bien souvent savoir accepter une existence assez frugale. C’est un temps qui pour certains est une sorte de sacrifice, mais avec la perspective d’une vie meilleure une fois le bon diplôme en poche. Quand une crise sanitaire, telle que celle de la pandémie de Covid-19, vient tout bousculer, cet équilibre précaire peut se transformer en un véritable parcours du combattant. Cela peut même tourner au cauchemar, surtout quand d’autres facteurs fragilisent la personne.

Parti du Burundi en 2015 pour faire des études d’informatique à l’Université de Lille, Marcel a aujourd’hui 25 ans et prépare un master.

En 2018, alors qu’il revient de vacances d’été passées au pays natal, la crise politique qui dure depuis trois ans au Burundi s’intensifie. Cette situation le contraint à faire une demande d’asile auprès de l’Ofpra en 2019, son titre de séjour arrivant à expiration en octobre de cette année-là.

En tant que demandeur d’asile politique, il touche une aide mensuelle de l’État de 400 €, dont il déduit 300 € pour payer la location de la chambre qu’il occupe dans une résidence étudiante, un espace exigu et qui, comme le reste du bâtiment, est infesté de cafards. Avec un reste à vivre de 100 € par mois, Marcel peine à s’en sortir. Néanmoins, grâce à un job qu’il a pu décrocher pour l’été 2019, il a mis un peu d’argent de côté, ce qui lui permet de survivre tant bien que mal. Toutefois, il est quand même obligé de s’endetter pour pouvoir s’en sortir.

À cela s’ajoute les difficultés liées aux cours en distanciel dus au confinement instauré en mars. Certains cours sont diffusés en direct, avec une possibilité d’interaction entre l’étudiant et l’enseignant, mais la connexion internet de la résidence universitaire est sous-calibrée et sature très rapidement, donc Marcel ne peut pas ou très difficilement se connecter. D’autres sont asynchrones : l’enseignant envoie des vidéos et si Marcel a des questions, il doit envoyer un mail, avec des réponses qui viennent souvent tardivement.

Son cursus comprend un stage en entreprise rémunéré devant débuter à partir d’avril 2020. En février, il a déjà obtenu la réponse favorable d’une start-up prête à l’accueillir. Entretemps, le confinement lui fait comprendre qu’il va devoir repousser la date de son stage. La situation générale est confuse. L’entreprise le rappelle en avril pour savoir s’il est en mesure de commencer son stage. À ce moment-là, l’administration universitaire annule les stages des étudiants, qu’elle autorisera un peu plus tard, tout en précisant qu’ils ne sont plus obligatoires pour valider la licence que prépare Marcel. Au mois de mai, Marcel recontacte l’entreprise, malheureusement elle n’est plus en capacité de prendre de stagiaire.

Il recommence alors des recherches afin de trouver un autre stage. Elles s’avèrent toutes infructueuses. Étant demandeur d’asile, il ne peut pas non plus prétendre à un emploi rémunéré classique, car il n’a plus de titre de séjour.

Dans cette situation transitoire, Marcel passe un été 2020 très difficile. Il a le moral au plus bas, se sent coincé de toutes parts et reste dans sa petite chambre d’étudiant à ne rien faire, si ce n’est suivre quelques cours en ligne pour parfaire sa formation.

Fin août, il obtient une réponse positive de l’Ofpra, lui permettant de prétendre à une bourse et à une aide pour son logement. Cependant, rien n’est immédiat, il lui faut donc trouver une solution en attendant.

Il rencontre une assistante sociale qui l’informe de l’ouverture prochaine d’une épicerie solidaire à l’université fonctionnant en partenariat avec la Croix-Rouge française. Pour y avoir accès, il doit compléter un dossier devant être validé par les services universitaires. Cette étape rallonge à nouveau un processus qui rend la vie de Marcel, déjà difficile, encore plus compliquée. Heureusement, l’assistante sociale lui indique qu’il peut aussi se rendre à l’épicerie sociale de l’unité locale de la Croix-Rouge française à Lille. Il y va en octobre et peut se procurer de quoi se nourrir convenablement.

Marcel obtient finalement une bourse début novembre et peut enfin demander une aide au logement. Le 16, il reçoit aussi un mail pour lui annoncer que son dossier pour l’épicerie solidaire de l’université a été accepté.

À l’heure actuelle, Marcel va mieux, mais selon ses propres termes : « Je reste préoccupé par le fait de n’avoir pas pu faire de stage en 2020, car cette expérience aurait pu me permettre de décrocher plus facilement un stage en Master 2 et, de manière plus générale, rendre plus fluide mon avenir professionnel. »

Benjamin Lagrange

La situation de Marcel n’est pas un cas à part. Nombreux sont celles et ceux qui vivent actuellement des moments très durs. Aidez-nous à soutenir toutes ces personnes vulnérables, pour leur permettre de se nourrir et leur apporter un réconfort nécessaire, surtout dans cette période difficile. Faites-un don