Ils ont entre 7 et 12 ans et ont grandi dans la violence, la peur et les restrictions. En Cisjordanie, où la moitié de la population n’a pas quinze ans, la Croix-Rouge française et le Croissant-Rouge palestinien travaillent auprès des « enfants de l’intifada ». Un programme de soutien psychosocial qui leur permet d’exprimer leur vécu à travers le jeu et de développer des relations basées sur la confiance et la tolérance.

Les enfants sont exposés à la violence de manière quasi-quotidienne dans les Territoires Palestiniens. La violence militaire d’abord, à travers l’occupation, les opérations militaires et les check-points qui quadrillent le territoire : depuis le début de la seconde Intifada en septembre 2000 près de 20% des personnes tuées et 35% des blessés avaient moins de 15 ans. La violence entre factions palestiniennes aussi, de plus en plus fréquente, ajoute à la déchirure dans une communauté déjà meurtrie. La violence, souvent taboue, qu’ils subissent également dans les écoles, et parfois même au sein de leur foyer.Les enfants paient donc cher le prix de la guerre. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui développent les symptômes d’une détresse psychologique : peur, anxiété, inhibition, manque de confiance et difficulté à faire confiance, auto-dévalorisation, désinvestissement scolaire, dépression, …S’efforcer de répondre à cette détresse, accroître le bien-être et l’équilibre des enfants et de leurs parents comptent donc parmi les objectifs prioritaires de la Croix-Rouge française qui est présente dans les Territoires Palestiniens depuis 2001. Outre la réhabilitation de ludothèques, la CRF accompagne un programme de soutien psychosocial mené par le Croissant-Rouge palestinien auprès d’enfants âgés de 7 à 12 ans. Inspiré d’expériences menées après la guerre en Bosnie-Herzégovine par la Croix-Rouge danoise, ce projet financé à 80% par le service d’aide humanitaire de la Commission européenne, repose sur l’organisation d’ateliers ludiques et pédagogiques spécialement conçus pour apporter un soutien psychosocial à près de 1600 enfants, dans 10 écoles situées entre Naplouse et Jenine, au Nord de la Cisjordanie. En parallèle de ces ateliers sont organisées des réunions d’information et de soutien aux parents qui s’avèrent essentielles à la réussite du projet.

Des résultats encourageants

La méthodologie et les activités proposées permettent aux enfants d’exprimer leur vécu et leurs sentiments face aux situations de violence qu’ils rencontrent à travers le jeu, le théâtre, la danse, l’écriture, ou encore le dessin. Le second objectif est de les aider à développer des mécanismes de protection pour faire face à cette violence. Les ateliers permettent également aux écoliers de renforcer la confiance en eux-mêmes et de développer des interactions avec leurs pairs basées sur la confiance et la tolérance. Enfin ils représentent une opportunité, trop rare pour ces enfants, de jouir de ce droit essentiel reconnu par l’article 31 de la Convention sur les droits de l’enfant, « de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à leur âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique ».Depuis le début du projet, en août 2006, les résultats sont encourageants. Lors des réunions organisées mensuellement, parents, professeurs, et directeurs d’écoles témoignent des changements perceptibles qu’ils constatent auprès des enfants : « ils ont plus confiance en eux, s’expriment facilement en classe. L’absentéisme a chuté. Ils sont aussi plus attentifs et font plus attention aux locaux et au matériel de l’école. Les relations avec les professeurs se sont beaucoup améliorés», explique Mohammad Saleh, directeur d’établissement.

La force du mouvement

Ici comme ailleurs, la Croix-Rouge française ne se substitue pas aux acteurs locaux mais épaule et accompagne la stratégie de sa société sœur, le Croissant-Rouge palestinien (PRCS) qui possède à travers son département Santé mentale, une expérience de 13 ans dans le domaine psychosocial. Outre un soutien dans le domaine administratif et financier, la CRF apporte un appui technique précieux à travers l’expertise de Maureen Mooney , psychologue et coordinatrice des programmes psychosociaux au sein de la Direction des relations et des opérations internationales. « Les professeurs ont une place centrale dans notre dispositif. Car leur rôle au sein de la société palestinienne en manque de repère va au-delà de leur mission d’enseignant : ils sont une fenêtre ouverte vers l’extérieur. Ils sont ceux par qui le changement peut arriver. Nous assurons donc leur formation à la résolution de conflit et à la tolérance, ainsi que celle des volontaires du PRCS. Nous allons également initier des formations de formateurs afin de démultiplier l’action. »Reposant sur une écoute attentive des besoins et des priorités fixés par le Croissant-Rouge palestinien, ce programme a aussi pour caractéristique une collaboration étroite avec la Croix-Rouge danoise (CRD) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). La CRD, qui accompagne un projet similaire dans les Territoires depuis trois ans déjà, apporte une expérience reconnue dans le domaine psychosocial. Le CICR, quand à lui, facilite les déplacements, contribue à la sécurité des travailleurs humanitaires, et participe également à la rénovation de deux des dix écoles inscrites dans le projet. Dans cette région conflictuelle, incertaine et meurtrie, c’est donc l’ensemble du mouvement Croix-Rouge qui est à l’œuvre auprès d’une génération d’enfants qui sera, peut-être, celle de la paix.

Jérôme Grimaud - délégué Croix-Rouge française