En 2003, la Croix-Rouge française reprenait la gestion du Hameau service, lieu d’accueil pour handicapés mentaux vieillissants et leurs familles situé dans la Vienne à Sommières-du-Clain. Peu à peu, elle en a élargi les missions, jusqu’à le transformer pour moitié en centre d’hébergement de demandeurs d’asile, y compris ceux qui sont handicapés. L’occasion, trois ans après ces transformations, de tirer un premier bilan des actions engagées.

Handicapé mental d’une cinquantaine d’années, Dominique dispose d’une large autonomie, mais il a besoin d’être épaulé dans les différentes étapes de sa vie quotidienne. Arrivée de Bosnie en 2004, Dzevida est une jeune réfugiée politique qui doit trouver ses marques en France. Leur point commun ? Ils vivent tous les deux au Hameau service. A l’origine, cette résidence construite par la Fondation Lejeune était exclusivement destinée aux handicapés mentaux adultes et à leurs familles. Comme elle ne s’inscrivait dans aucune action commune avec l’État ou le Conseil Général, elle a rapidement rencontré des problèmes financiers. Ayant fait de l’aide aux handicapés l’un de ses axes stratégiques, la Croix-Rouge française a été sollicitée pour reprendre la structure à sa charge. En échange, elle a obtenu l’engagement financier des différents partenaires, Conseil général, OPAC (Office public d’aménagement et de construction)…

Préserver l’autonomie

Au fil du temps, le projet initial d’accueillir des personnes handicapées mental et leurs familles a été redéfini. En effet, le public de personnes handicapées, d’abord des adultes accompagnés de parents proches, s’est progressivement transformé en un public de personnes handicapées vieillissantes parfois orphelines. De centre locatif, le hameau est donc devenu lieu de vie. Il ne fournit plus seulement un logement, mais aussi des prestations annexes comme les repas, le nettoyage du linge, les sorties de groupe ou les activités manuelles… Aujourd’hui, ce sont trente-cinq résidents qui bénéficient de cet arrangement.La directrice du centre, Muriel Adélaïde, veut préserver le plus longtemps possible l’autonomie des pensionnaires. Elle les incite à se promener dans les environs et à participer aux activités organisées. Ce n’est pas toujours facile : Dominique, qui séjourne ici depuis les débuts du centre, préfère regarder la télévision. Son colocataire Michel adore les sorties en groupe. « Nous sommes allés au Futuroscope et à la fabrique de confiseries de Montmorillon, c’était formidable » !Si elle essaie de motiver ses patients, Muriel Adélaïde souhaite également faire changer les mentalités de la société. En effet, elle a parfois le sentiment que les prescripteurs (tuteurs, familles, centres d’aide par le travail…) envoient au Hameau service les cas difficiles à traiter, sans pour autant lui donner les moyens de les prendre correctement en charge. « Une personne handicapée n’est pas un numéro anonyme. Comme tout le monde, elle a avant tout besoin d’être écouté, comprise, et ce au-delà des mots ».

La confiance avant tout

Extrêmement différente de la première, la deuxième mission du centre s’est mise en place à partir de 2005. Avec la fermeture très médiatisée du centre de Sangatte, il a fallu créer un nouveau lieu d’accueil pour les demandeurs d’asile. Christelle Largeau, conseillère en économie sociale et familiale, et Fanny Moreau éducatrice spécialisée sont chargées de suivre les dossiers transmis à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). D’emblée, elles insistent sur un point crucial : la confiance. Totalement déracinées, les familles se trouvent parfois dans un état psychologique et médical déplorable. Pour leur rendre l’estime d’elles-mêmes, il faut leur donner les moyens de se reconstruire. Concrètement, il s’agit de procéder à un premier bilan de santé, de donner des cours de français ou d’alphabétisation et de scolariser les enfants dans les écoles de la région. Des ateliers de cuisine et d’activités manuelles sont également organisés pour favoriser le développement d’une solidarité inter réfugiés. « Souvent, c’est le seul repère que les réfugiés trouvent à leur arrivée en France », explique Christelle Largeau. Après des débuts difficiles, Dzevida est heureuse que ses enfants, inscrits à l’école de Sommières, aient si rapidement appris à parler français. C’est une véritable amitié que toute la famille a noué avec le postier et le boulanger du village. Parfois, l’insertion est plus dure, comme dans le cas d’Irina et Zurab. Ces deux Ingouches attendent le résultat du recours qu’ils ont déposé devant la CRR (Commission de Recours des Réfugiés).De fait, qu’il s’agisse de personnes handicapées mental vieillissants ou de jeunes demandeurs d’asile, les démarches administratives représentent une lourde contrainte. En outre, la double mission que s’est fixée le Hameau service est concurrencée par d’autres associations opérant sur le même terrain. Pour autant, Muriel Adélaïde ne baisse pas les bras. Elle espère qu’une synergie associative permettra la mise en place de projets plus ambitieux sur le long terme, et pourquoi pas, la création d’un réseau national. Elle souhaite aussi obtenir davantage de moyens financiers. Quelle que soit l’évolution du Hameau service, elle sait que ce lieu de vie restera toujours placé sous le signe de l’autonomie et de la confiance.

Cyrille Bouliot