La préfecture a déclenché une cellule de crise en prévision de chutes de neige. Les secouristes sont sur le qui-vive et ont lancé un appel au renfort d’effectifs. Comme un peu partout en France, le Nord est passé au niveau 2 du plan hiver. En cette soirée du 29 décembre, deux véhicules de la Croix-Rouge française ont été mobilisés pour les maraudes. A bord d’un minibus, Céline Delahalle, adjointe départementale à l’urgence, et Vincent Dhainaut, Directeur local de la délégation de Lille, partent à la rencontre des sans abri.

Alerte verte sur Lille

Pour le cinquième soir consécutif, Céline et Vincent sont sur le pont. Le scénario est parfaitement rôdé. La soirée débute à 19 heures par une escale au bureau de la coordination mobile d’accueil et d’orientation (CMAO), où sont centralisés les appels du 115. Samuel, en service ce jour-là, leur communique plusieurs signalements à commencer par une famille de quatre personnes en attente devant la mairie de Roubaix, à 20 heures. Elle doit être conduite au centre d’hébergement de la Croix-Rouge, ouvert depuis le déclenchement du niveau 2. Une salle de 21 lits a été aménagée, ainsi qu’un coin repas et des douches.

Grégory Goj, le responsable du centre, explique que cet hiver, ils accueillent « en majorité des étrangers, des gens d’Europe de l’Est principalement, comme ces Roumains. Il y a également de plus en plus de jeunes de moins de 25 ans depuis 2 ou 3 ans ». « Le centre est complet chaque nuit depuis le début du plan grand froid. 6 à 8 bénévoles se relaient toutes les deux heures en moyenne». Après une petite collation en compagnie des bénévoles, Céline et Vincent rappellent le 115 pour prendre les signalements suivants. Une personne les attend à un carrefour de Roubaix, non loin de là.

Au fur et à mesure que la nuit avance, les signalements se font rares, la maraude proprement dite peut alors commencer. Jusqu’à 23h30, l’équipage du minibus sillonne les rues et les sorties de métro de Lille, qu’elle connaît parfaitement. Vers 22 heures, la Compagnie des métros et bus signale un homme ivre dans la station située près de la gare. Céline l’aperçoit, couché sur un muret. Mohammed accepte une soupe pour se réchauffer, puis, en insistant un peu, Céline parvient à le convaincre de les suivre jusqu’au centre d’hébergement de l’Armée du Salut. La maraude reprend aussitôt dans le centre-ville, plutôt désert ce soir, sans doute à cause du froid. La chaussée verglacée scintille sous la lumière des réverbères.

La température frise les moins 2 degrés mais, comme ils s’y attendaient, Céline et Vincent retrouvent Olivier et Alain nichés sous le porche d’un bâtiment, emmitouflés sous plusieurs couettes. Devenus amis dans la rue, ils se retrouvent chaque soir au même endroit depuis un an, face au gymnase qui leur ouvre ses douches. Alain touche le RMI et travaille au noir sur un parking le jour : « On n’a pas froid », dit-il. « De toute façon, c’est mieux que de dormir dans les centres où il y a toujours des agressions ou des vols. Heureusement que vous êtes là, vous et les autres associations. Nous avons de la visite tous les jours de la semaine et on ne manque de rien. »

Après avoir passé un quart d’heure en leur compagnie, autour d’un café ou d’une soupe, Céline et Vincent repartent pour la CMAO. Il est presque minuit, la maraude se termine.Céline et Vincent auront parcouru une centaine de kilomètres au total, « la première soirée calme depuis 5 jours», déclare Céline, tout en rédigeant la main courante. La neige n’est pas encore tombée mais elle est attendue dans les prochaines heures. La cellule de crise doit être maintenue encore plusieurs jours et tous les effectifs de la Croix-Rouge restent en alerte, jour et nuit. Dernière mission de la soirée pour Céline, s’assurer qu’un bénévole sera présent à la première heure le lendemain à la préfecture, prêt à activer le dispositif logistique et mobiliser les troupes, si nécessaire.

Reportage : G. DROT - Photo : Y. LE BORGNE