Le 10 novembre, en Conseil des ministres, le secrétaire d’Etat au Logement, Benoist Apparu a présenté une batterie de mesures en faveur des personnes sans-abri. L’idée : créer un véritable "service public de l’hébergement" et de "l’accès au logement".

Les mesures présentées reflètent l’essentiel des propositions consensuelles émises par les différents acteurs concernés. Le secteur associatif a été entendu et impliqué dans cette réflexion.

Didier Piard, responsable de la Direction de l’action sociale à la Croix-Rouge française, nous livre la position de l’association sur cette annonce.

Comment avez-vous accueilli ces propositions ? Répondent-elles à vos attentes ?

La Croix-Rouge ne peut que se satisfaire de toute avancée dans le domaine de la prise en charge des personnes sans-abri. La plupart des mesures annoncées prennent en compte les travaux amorcés par Mme Boutin, le prédécesseur de M. Apparu, ainsi que les propositions faites par les différents acteurs associatifs concernés. Nous avions lancé un appel aux pouvoirs publics, dès février 2009, afin que chaque personne démunie soit accompagnée dans son parcours de vie. Nous avions demandé plusieurs choses :

  • Un véritable contrat d’objectifs et de moyens qui engage les pouvoirs publics et l’association sur des missions précises ;

  • Le renforcement des équipes mobiles tout au long de l’année avec, au préalable, leur recensement sur les territoires ;

  • La mobilisation du secteur sanitaire pour la prise en charge de ces personnes, tant au plan médical que social ;

  • La prise en compte de la parole des personnes sans domicile dans la réflexion sur l’adaptation des conditions d’accueil à leurs besoins ;

  • Le développement de structures de proximité et à taille humaine offrant des conditions d’accueil dignes, durables et adaptées ;

  • Des actions concrètes de prévention des expulsions.

Ces demandes que nous avons défendues lors des groupes de travail ont été reprises pour partie dans les propositions du Ministre. Elles doivent maintenant se mettre en œuvre concrètement sur le terrain.

Quels sont pour la Croix-Rouge les principales avancées ?

La refondation de l’hébergement était nécessaire et n’a que trop tardé ! Devant la complexité et l’opacité des dispositifs, leur inadaptation et leur efficacité très relative, il était indispensable de repenser la chaîne de l’hébergement (urgence, stabilisation, insertion) en simplifiant l’offre et en améliorant la coordination et le pilotage territorial.

Le renforcement des équipes mobiles, partout et toute l’année, conforte notre conviction que les maraudeurs sont un maillon primordial de la lutte contre l’exclusion. La mise en place d’une meilleure coordination territoriale entre les acteurs permettra de mieux répondre aux besoins des personnes sans-abri. Autre point positif, la prise en compte des problématiques de santé des personnes vivant à la rue. Le renforcement du lien avec le secteur sanitaire était largement attendu car il répond à une problématique majeure et à un besoin urgent.

Devant la multitude des acteurs sociaux, il était urgent également de mettre en place un référent unique, garant d’un accompagnement global, simplifié et plus efficace du parcours de la personne.Enfin, la mise en place d’un référentiel pour harmoniser les prestations et les coûts des structures permettra, à terme, d’être en capacité de mettre en œuvre de véritables contrats d’objectifs et de moyens. C’était là encore une de nos demandes prioritaires.

Ces propositions vous semblent-elles suffisantes, aller assez loin ? Avez-vous des réserves sur certaines mesures ?

Nous désirons aller plus loin encore, évidemment, dans la question du "sans-abrisme". Selon nous, la mise en place d’un observatoire renforcé de manière systématique et stratégique manque. Une stratégie de connaissance efficace induit une stratégie d’action efficace. De ce point de vue, une approche avec un objectif clair et ambitieux, un but affiché, chiffré, quantitatif est indispensable. Un objectif de type "zéro sdf d’ici 2015" devrait être posé.

Nous pensons, en outre, qu’il est indispensable de recueillir davantage l’avis des usagers eux-mêmes sur toutes les questions qui les concernent, que ce soit sur l’hébergement, la santé, les aides dont ils ont besoin, etc. Nous nous sommes aperçus en réalisant une enquête au printemps dernier auprès des personnes à la rue et de nos équipes mobiles, que nos représentations divergeaient souvent avec les besoins réels des personnes sans domicile fixe. Ce point n’est pas suffisamment pris en compte selon nous.

Enfin, ces propositions ne prennent pas en compte la situation des demandeurs d’asile, des déboutés du droit d’asile, des réfugiés et des personnes sans-papier, alors qu’elles sont sous-tendues par le principe d’inconditionnalité d’accueil.

Pour conclure, la réussite de cette refondation ne sera efficiente pour la Croix-Rouge française que si elle n’est pas portée seulement par le Ministère du logement chargé de la cohésion sociale. En effet, cette politique ne réussira qu’à la condition qu’elle émane d’une stratégie interministérielle associant la santé, l’immigration, la justice et Bercy …