« A la Croix-Rouge, on se sent protégé, on a des personnes avec qui parler »

Clotilde, jeune femme originaire du Bénin, est arrivée en France en 2014, accompagnée de sa fille alors âgée de 4 ans. Atteinte d’un glaucome congénital, la fillette perd la vue : sa mère décide de prendre rendez-vous avec un spécialiste français pour se battre contre l’avancée de la maladie. Le début d’une bataille inachevée.

« Esther a commencé à aller à l’école au pays à l’âge de 3 ans, mais cela s’est révélé compliqué : diagnostiqué trop tard, le glaucome lui avait déjà fait perdre la vue de l’œil gauche et d’une partie de l’œil droit… » Clotilde, maman de deux fillettes, consulte alors plusieurs ophtalmologistes : ils lui recommandent de se rendre à Paris, à l’hôpital Necker, où des spécialistes pourraient encore faire quelque chose… Sa sœur vit en France ; elle décide de tenter le coup par amour pour sa fille – « je ne pouvais pas ne rien faire si une seule chance de l’aider était envisageable », confie-t-elle – et elle décroche un visa d’un mois pour l’hexagone.

Visa pour un mois

C’était en 2014, et Clotilde raconte son histoire avec émotion. « Je n’avais pas l’intention de rester ici, j’ai laissé ma seconde fille à ma mère alors qu’elle n’avait que 2 ans…». Or, après quelques consultations, les médecins sont unanimes : aucune opération n’est possible pour Esther. Elle peut aller à l’école mais à condition d’être accompagnée par des professionnels. Ergothérapeute, orthoptiste et éducateurs sont ainsi régulièrement à ses côtés. Un soutien indispensable, tant pour pouvoir poursuivre son apprentissage que pour s’intégrer. « Les enfants ne sont pas tendres avec une camarade qui ne voit quasiment rien », témoigne Clotilde. Quant aux perspectives, elles ne sont pas nombreuses : « je vais tout faire pour qu’Esther puisse intégrer l’Institut National des Jeunes Aveugles ».

Retour impossible

Quatre ans après son arrivée, Clotilde n’envisage donc pas de retour au pays, pas tant que l’avenir d’Esther est en jeu. « Même si je suis en situation irrégulière, je ne peux pas abandonner ma fille : au Bénin, les personnes malvoyantes sont livrées à elles-mêmes… » Alors elle prend le risque. Clotilde a fait plusieurs demandes de papiers pour soins, mais le pronostic vital de sa fille n’étant pas engagé, les retours ont été négatifs. Depuis 9 mois, elle fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et attend avec impatience sa prochaine audience. Car son intégration est par ailleurs bien amorcée : elle garde des enfants et sa « patronne » a accepté « sans hésiter » de la déclarer : les feuilles de paye peuvent être utiles pour une régularisation pour travail…

Écoute et accompagnement

Depuis un an, Clotilde réside dans une structure de la Croix-Rouge française qui accueille les familles, en région parisienne. Il s’agit d’un dispositif d’hébergement d’urgence, vers lequel elle a été orientée par le 115. Ainsi, grâce à des rendez-vous réguliers avec l’équipe encadrante, elle y bénéficie d’un accompagnement individuel. « Ici, je suis entourée, je suis conseillée, et j’ai des gens avec qui parler », confie Clotilde. Dans le cadre de cette prise en charge, la piste de l’obtention des papiers grâce au travail est plébiscitée, même si la jeune femme fait valoir que la maladie de sa fille serait l‘équivalent d’une condamnation dans son pays d’origine.

Laisser sa place à d’autres

Au quotidien, entre son travail et les démarches administratives, Clotilde n’a qu’un objectif : tout faire pour que sa fille Esther puisse recevoir les meilleurs soins possibles. Elle aimerait également avoir un logement autonome, « pour laisser ma place au sein de la structure familles à ceux qui en ont le plus besoin. Mon grand rêve ? Avoir des papiers, être autonome, ne plus dépendre de personne… » Pour l’aider à y parvenir, toute l’équipe de la Croix-Rouge l’écoute et l’encourage, la soutient dans son combat. Clotilde n’oublie évidemment pas sa benjamine. Elle en parle avec retenue : c’est un sujet trop sensible…  Mais l’espoir est là, celui de se retrouver bientôt en famille.

Anne-Lucie Acar

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