Née à Nancy en 1832, Coralie Lévy épouse M. Cahen, médecin chef de la Cie du Nord. Après la perte de sa fille unique en 1862, puis de son mari, elle décide de se consacrer à sa patrie.

Dés la déclaration de guerre contre la Prusse en juillet 1870, elle devient membre du premier comité central des Dames de la Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM). Installée à Metz, alors que la population fuit, elle organise une ambulance uniquement destinée aux sous-officiers et surtout aux simples soldats, prévoyant que les officiers seraient sans peine accueillis et bien soignés chez l’habitant. Le 14 août, elle accourt avec la population relever les 3418 blessés de la bataille de Borny. Du 20 aout au 23 octobre, elle tient son poste dans Metz assiégé.

Après la capitulation, elle gagne Tours. Gambetta lui confie l’organisation du Lycée de Vendôme en hôpital, où elle dirige médecins et religieuses. Elle y accueille aussi bien les blessés français qu’allemands durant trois mois et gagne jusqu’à l’estime de l’armée d’occupation.

Rentrée en Lorraine, elle rencontre à Nancy les prisonniers de guerre de retour. Apprenant que nombre d’entre eux sont maintenus dans les forteresses prussiennes pour des délits de droit commun, elle se rend sur place, précédée de sa réputation. Reçue par l’Impératrice Augusta, elle plaide pour leur libération et visite 66 prisons. Enfin, alors que le gouvernement se refusait à fournir à la France les renseignements sur ses soldats disparus, elle découvre à Berlin 59 000 fiches fixant leur situation et réussit à les ramener à Paris fin 1872. Les familles qui attendaient avec angoisse des nouvelles depuis des mois vont enfin pouvoir être informées.

Quelle reconnaissance ?

A Paris, où la SSBM reçoit tous les directeurs d’ambulance au rapport durant d’interminables conseils, elle n’est reçue que par « mesure exceptionnelle » en mars. Les femmes n’ont pas droit de cité dans cette enclave masculine. Si le conseil reconnait son dévouement en février 1871, rien de plus ne sera dit malgré son courage et l’ampleur de son action. Les autres directrices d’ambulances, engagées avec leur mari dans l’accueil et le soin des blessés, n’auront pas droit à plus d’égards et ne seront jamais nommément citées.

Si les hommes reçoivent aussitôt ou dans les années qui suivent la Légion d’Honneur pour leur bravoure, Coralie Cahen ne l’obtiendra que bien plus tard, en 1888. Elle est la 38ème femme à être décorée depuis 1808, la première à la Croix-Rouge française. Parmi ces récipiendaires, essentiellement des religieuses, figurent seulement 9 civiles dont 3 seulement pour leur action en 1870, l’Année terrible.

Cette absence de reconnaissance explique peut être l’éloignement définitif de Coralie Cahen vis-à-vis de la SSBM, dont le comité central des Dames est dissout après la guerre. Elle se consacre alors à d’autres œuvres, portées sur la protection de l’enfance et l’éducation, comme l’orphelinat des jeunes filles israélites de Neuilly. Cependant, toujours sensible aux principes de la Croix-Rouge, elle rejoint dés sa création, en 1879, l’Association des Dames Françaises, dont elle deviendra l’une des vice-présidentes.

A titre posthume

Le décès de Coralie Cahen en mars 1899 est regretté jusqu’au CICR qui lui consacre une nécrologie aussi importante que celle d’un président. Le jour de ses obsèques, les honneurs militaires lui sont rendus par un détachement d’infanterie. Son histoire laisse des traces. Elle est citée dans les manuels scolaires Larousse pour cours moyens en 1910 ou encore dans le très sérieux Journal du Droit International en 1917, au même titre que Dunant.

Virginie Alauzet et Géraldine Drot

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