Accueillir dignement, c’est accueillir avec soin. Si l'hébergement est l’urgence principale pour les personnes venant d’Ukraine, celle de l’accès aux soins est aussi cruciale. Consultation médicale, premiers secours, soutien psychologique : à Strasbourg, soigner les réfugiés est au cœur de notre mission.

Elle est l’une des portes d’entrée du peuple en exode. Strasbourg, de par sa position géographique, fait face à l'afflux de personnes arrivant par le Bas-Rhin.

Depuis le premier jour de conflit, les bénévoles alsaciens se sont ainsi mis en ordre de marche : “Dès qu'on a eu écho de la guerre, on a eu des réflexes, on a vérifié les lots d’urgence”, témoigne Philippe Breton, Vice-président de la délégation territoriale du Bas-Rhin. Pour accueillir et accompagner dignement les âmes fuyant la guerre, un centre d’accueil et d'orientation s’est installé à la Bourse de Strasbourg, le 11 mars dernier. En quelques jours, ce projet - impulsé par la préfecture - est devenu un point d’entrée central dans le département, mais aussi sur une zone géographique plus large : “c'est par là que passent un grand nombre de réfugiés qui arrivent en France et qui veulent y rester un certain temps”, confirme Philippe Breton.

Pierre angulaire de l’exode sur le sol français, ce dispositif se découpe en 3 actions :

  • celle de l’immigration et de l'administratif régie par la préfecture,

  • celle de la gestion de l’hébergement par une association locale

  • la prise en charge familiale et médicale des personnes venues d’Ukraine par la Croix-Rouge.

Ici, nos bénévoles - médecins, secouristes, infirmiers et spécialistes de la petite enfance - se relaient sans relâche pour écouter et soigner.

Pour un accès aux soins immédiat

“La partie purement Croix-Rouge, c’est le médical : il y a les médecins, mais aussi du soutien psychologique à l’aide des interprètes. Certaines personnes ont besoin de parler, d’être rassurées, d’être mises à l’aise. C’est important, constate Pascal Douvier, président de l’unité locale Schirmeck-Saales. Ce sont des gens qui ont tout perdu, et qui ne savent pas ce qu’ils vont retrouver derrière”. Et précise : “Ici, on n’a pas de psychologue, mais on assure quand même une écoute”.

Dans la grande salle du bâtiment strasbourgeois, femmes, hommes et enfants venant d’Ukraine peuvent bénéficier sur place d’une consultation médicale, avec médecin et infirmier Croix-Rouge - et interprète au besoin. Ils ont également la possibilité de se faire dépister, le Covid étant toujours très présent. "Il y a de plus en plus de personnes qui se présentent ici. Quand on a ouvert le lieu, on a dû avoir une quinzaine de consultations, maintenant on peut monter jusqu’à quarante-cinq par jour”, témoigne Ophélie, médecin bénévole. La docteure, urgentiste de métier, est parfaitement à l’aise dans l’instabilité ambiante, inhérente à la crise : “les changements, c’est tous les jours et on s’adapte”, confie-t-elle après une consultation.

Cette situation changeante nous oblige à être réactifs. Humainement, c’est exigeant”, abonde Raphaël Munoz, infirmier et directeur territorial de l'urgence et du secourisme (Bas-Rhin). 

Face à l’urgence

Côté médical, Ophélie pratique essentiellement de la médecine générale : éruption d’eczéma ou encore abcès dentaire. Assurer la continuité des soins et des traitements fait aussi partie des missions essentielles : “il y en a beaucoup qui sont partis juste avec ce qu’ils avaient, leur boîte de médoc’ ou leur reste de traitement pour 24h, 48h”, souligne Raphaël Munoz.

Le conflit et son exode détériorent inévitablement l’accès aux soins et la prise en charge des malades, angoissés d’être en rupture de traitement, de ne plus être suivis, de voir leur état se dégrader : “on a accueilli des personnes en chimiothérapie dont l'hôpital, en Ukraine, avait été bombardé”, témoigne Philippe Breton.

La fuite d’un pays en guerre confronte aussi nos bénévoles à de la médecine dite “humanitaire”. “On a eu le cas d’une dame, alitée chez elle en Ukraine, qui a dû être déplacée très vite par sa famille pour partir. Ils ont pris le drap sur lequel elle était couchée, ils l’ont traîné pour la mettre dans la voiture, ils l’ont calée avec des coussins sur le siège avant et ils sont venus jusqu’ici”, raconte Raphaël Munoz, encore incrédule. La femme, dans un état très critique, a été hospitalisée d’urgence dès son arrivée au centre d’accueil de la Bourse. “Cela ne devrait pas arriver dans une société moderne, regrette le bénévole. C’est vraiment la guerre, l’urgence humanitaire”. L’infirmier avoue être inexorablement affecté par la situation : “émotionnellement, c’est chargé. On a tellement envie d’aider qu’on ne s’arrête plus”. 

Préserver l’enfance

Non loin des consultations médicales, une petite aire de jeu dédiée aux enfants tranche avec l’ambiance générale. Éclats de rire et activités manuelles ici se côtoient. “Les enfants ont toujours la joie de vivre, c’est ça qui est fascinant avec eux. Ils ont leur innocence, ils sont là juste pour jouer, s’amuser”, constate la bénévole d’un jour Olga, auxiliaire de puériculture de formation.

Salim, réfugié ukrainien, laisse sa fille jouer pendant qu’il patiente pour une consultation médicale - ses dents le font souffrir. La petite se dégourdit les jambes au milieu des autres enfants : ils dessinent, peignent des œufs de Pâques, bricolent avec des perles, et surtout, rigolent entre eux. Pour Olga, le plus difficile, ce n’est pas de distraire les enfants, “c’est d’être en face de leurs mamans, qui les regardent jouer, en larmes.”Car derrière l'innocence fragile et les jeux, les parents, eux, profitent de ce relais parental pour décompresser, faire leurs démarches administratives, consulter un médecin. Et se laissent aussi aller, le temps d’un instant, à quelques larmes.

Crédit photo : Matthieu Suprin - Crédit vidéo : François Goulin

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