L’expérience de la pandémie de Covid-19 nous a montré combien les épidémies pouvaient générer du stress et toutes sortes de phobies. Les émotions, plus ou moins rationnelles, sont inévitablement présentes en contexte épidémique. Pour éviter des conséquences psychologiques à long terme, mieux vaut agir vite. Les premiers secours psychologiques sont une première réponse.

Peur de la contamination, pour soi et pour les autres, peur de la maladie, de la mort, anxiété, dépression, perte de sommeil ou de concentration… « Nous avons tous fait l’expérience d’une épidémie et traversé certaines de ces phases émotionnelles. La crise liée au Covid-19 nous a en effet ouvert les yeux et fait prendre conscience des enjeux psychiques liés à un contexte épidémique », souligne Irène Bogicevic, psychologue et formatrice aux premiers secours psychologiques à la Croix-Rouge française.Toutes ces émotions peuvent avoir des impacts psychologiques plus ou moins importants selon les personnes et leur environnement culturel ou social. Inévitablement, la peur de la mort est présente. Le Covid-19 et bien d’autres épidémies comme le choléra, la maladie à virus Ébola, réapparus notamment en Afrique centrale, la tuberculose ou encore Zika et le Chikungunya, provoqués par les piqûres de moustique, ont presque inévitablement des conséquences sur la santé mentale.  Si les messages de santé publique ne manquent pas, prévention des risques et cultures locales ne font pas toujours bon ménage. Parfois, le poids des coutumes ou des croyances constitue un frein aux bonnes pratiques. La population ne comprend pas toujours pourquoi, en période d’épidémie, il est fortement déconseillé de manger dans un plat commun, pourquoi il faut isoler un proche contaminé, ne pas serrer la main, ni pourquoi les rituels d’enterrement sont proscrits. De plus, les épidémies génèrent souvent de la stigmatisation. De ce fait, les personnes préfèrent parfois le silence et le déni à l’isolement social ou au rejet de leur communauté.Bien comprendre toutes les causes possibles de ces souffrances et savoir en reconnaître les signes, permet de limiter les impacts psychologiques et participe à la prévention de traumatismes, selon l’Organisation mondiale de la santé. Les symptômes peuvent apparaître soit immédiatement, soit bien des années plus tard. D’où l’importance d’agir vite.

Les premiers secours psychologiques, une première réponse à apporter

Au même titre que les gestes de premiers secours face à un malaise ou un arrêt cardiaque, les premiers secours psychologiques sont une première réponse. C’est bien la conviction de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui milite pour former tous les volontaires exposés à des situations de crises ou dans leurs missions quotidiennes (maraudes, accueils de jour, centres de soins, etc.). Nous en faisons aujourd’hui une priorité, que ce soit au niveau international ou national.Les premiers secours psychologiques visent à apaiser, réconforter et orienter les personnes. « Cette écoute, cette observation, ce diagnostic permettent de collecter des éléments de compréhension des troubles », précise Osama Afaneh, référent santé à la direction des opérations internationales de la Croix-Rouge française.

Se former pour mieux diagnostiquer

Une formation a ainsi été organisée en septembre dernier auprès d’une quarantaine de volontaires à Cayenne, en Guyane française, dans le cadre du projet REMPART * épidémique. Ce projet, lancé en juin 2021, vise à réduire l’impact des épidémies et des maladies vectorielles sur les populations des territoires de la Guyane française, du Suriname et du Guyana. A partir d’études de cas, ils ont appris à identifier toutes ces situations complexes pour mieux prendre en charge des personnes en situation de détresse ou de blessures psychologiques.Hors contexte épidémique, tous les volontaires sont régulièrement confrontés, dans l'exercice de leur mission, à ces situations. C'est le cas, dans les opérations d'urgence comme dans les missions du quotidien telles que les maraudes ou les dispositifs de secours. A l’international, plusieurs programmes de soutien psychologique sont menés depuis des années en Guinée, auprès des personnes apprenant qu’elles sont atteintes du VIH/sida. En République centrafricaine et aux Comores, auprès des femmes victimes de violences sexuelles. Dans les situations de conflits et de guerre, auprès des personnes exposées à des traumatismes (par exemple en Moldavie et en Roumanie auprès des Ukrainiens ayant fui leur pays). Au Niger et en Mauritanie, auprès des migrants. En Guadeloupe et ailleurs, après des catastrophes naturelles.Autrement dit, les premiers secours psychologiques sont une compétence transversale qui s’adresse à nous tous, que ce soit dans l’urgence ou au quotidien.

*REMPART : Réseau d’expertise et mobilisation participative pour le renforcement de la lutte contre les épidémies sur le Plateau des Guyanes, financé par l’Agence française du développement (Afd), les Fonds européens de coopération interreg Amazonie et la Fondation BNP. Le projet a démarré en juin 2021 pour une durée de 18 mois.