Au troisième jour de leur vaste offensive, les forces pro-Ouattara se sont emparées mercredi 30 mars de la ville de Tiébissou, à 40 kilomètres au nord de la capitale politique ivoirienne Yamoussoukro. Dans le même temps, plus d’un million de personnes auraient déjà fui les combats, selon le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR).

« Les déplacements massifs de population, à Abidjan et ailleurs, sont nourris par la peur d'une guerre totale », a déclaré vendredi la porte-parole du HCR, Melissa Flemming. « Selon nos estimations, il pourrait y avoir jusqu'à un million de personnes rien qu'à Abidjan, qui ont été déplacées », a-t-elle ajouté.

La majorité des déplacés fuient en direction du Nord, du centre et de l'Est du pays. L'Ouest - et les 700 kilomètres de frontière avec le Libéria où quelque 100.000 Ivoiriens se sont réfugiés – semble désormais une alternative dangereuse. Le HCR a ainsi affirmé que plusieurs centaines de « mercenaires libériens pillent, violent et tuent » dans la région de Guiglo, devenue une « zone de non-droit ».

La mobilisation du CICR

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Croix-Rouge de Côte d'Ivoire ont, quant à eux, mis en place une aide d'urgence pour la ville de Toulepleu. « Alors qu'elle comptait entre 40 et 50.000 habitants avant les combats, seules quelque 3.000 personnes sont restées dans la ville ou à proximité », s'est alarmé l’institution. Les familles restées dans la zone de Toulepleu manquent de nourriture, d'eau, d'électricité et n'ont pas accès aux soins de santé. La ville est dévastée, aucune maison n’a été épargnée et l’hôpital a été abandonné », explique Dominique Liengme, chef de la délégation du CICR à Abidjan. De fait, le CICR et la Croix-Rouge de Côte d'Ivoire acheminent actuellement des denrées alimentaires (Quinze tonnes de riz, cinq tonnes de haricots blancs, 2.500 litres d'huile et du sel iodé sont en cours d'acheminement.) et y aménagent un poste de santé afin de venir en aide aux familles qui sont restées sur place.

Parallèlement, le CICR tente également de prendre en charge les besoins humanitaires de nombreux déplacés ayant trouvé refuge, à Abidjan, notamment dans la commune d’Abobo. Si la plupart de ces personnes ont pu s’installer chez des proches, beaucoup d’autres ont intégré les centres d’accueil (à la paroisse catholique Saint Ambroise du Jubilé de Cocody Angré, au centre d’écoute d’Adjamé et à la Mission protestante de Yopougon). Là, l’institution a obtenu les garanties de sécurité nécessaires pour pouvoir escorter deux camions jusqu'à la station de traitement d'eau d'Anonkoua Kouté. Toute la population d'Abobo et de la ville voisine d'Anyama, soit plus de 500.000 personnes selon les estimations de la compagnie de distribution, dépendent directement de cette station pour son approvisionnement en eau potable. « Craignant pour sa sécurité, le transporteur n'était plus prêt à assurer l'acheminement des produits chimiques à la station de traitement d'eau potable d'Anonkoua Kouté. Cette action réalisée à la demande de la Société nationale ivoirienne, a été possible grâce aux bonnes relations que notre organisation entretient avec toutes les parties », a souligné Dominique Liengme. De plus, cinq à six cent personnes ont pu bénéficier d’une assistance médicale et matérielle, tandis que les évaluations sur d’autres sites abidjanais se poursuivent.

La crainte d'une guerre civile

Depuis l’élection présidentielle fin novembre 2010, la Côte d'Ivoire est plongée dans la tourmente. Deux camps s’affrontent : celui de Laurent Gbagbo, président sortant, et celui du président élu reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, qui contrôle le nord du pays depuis 2002. Depuis lundi, les forces pro-Ouattara ont lancé une offensive de grande ampleur sur les régions sous contrôle de Laurent Gbagbo et avancent en direction de Yamoussoukro, capitale administrative, et d’Abidjan, capitale économique.A ce conflit politique, vient également s’ajouter un chaos économique ; les banques et les entreprises étant désormais dans l'incapacité de fonctionner normalement à Abidjan, la capitale économique. Par conséquent, le chômage et les prix des denrées alimentaires augmentent, et les gares routières sont prises d'assaut par des gens cherchant à fuir pour des zones plus sûres, dans le Nord, l'Est ou le Sud. Le HCR estime à plus d’un million le nombre de déplacés et de réfugiés ivoiriens depuis le début de la crise.Par ailleurs, alors que toutes les tentatives de médiation internationales ont échoué jusqu'à présent, la France et le Nigeria ont déposé vendredi 25 mars 2011 un projet de résolution devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Celui-ci appelle au départ de Laurent Gbagbo et à l'engagement de l'Onuci* pour stopper les tirs à l'arme lourde dans Abidjan.Aujourd’hui, l’escalade continue de la violence depuis quatre mois fait craindre une véritable guerre civile. Une guerre qui pourrait même menacer même la paix au Libéria voisin, selon l’ONU.

* L'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) est une opération de maintien de la paix créée par la résolution 1528 (2004) du Conseil de sécurité et placée sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le Chapitre VII, qui prévoit - entre autres mesures - le recours à la force, est utilisé par le Conseil en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'actes d'agression. (source Onuci.org)

crédits photo : alertnet/Luc Gnago

Koceila BOUHANIK