Le Centre de médecine physique et de réadaptation (CMPR) de Mardor, situé en Saône-et-Loire, a initié depuis fin 2011 une démarche originale, visant à favoriser l’accès de ses résidents à la culture. Ateliers artistiques, concerts, pièces de théâtre ou encore présence d’un artiste en résidence…

Autant de projets destinés à faire avancer les patients dans leur parcours de guérison, tant physique que morale. 

« Je peux, je dois, je veux », « Première main gauche », « Un cri ! J’existe ». Les titres des toiles réalisées par les résidents de Mardor n’ont rien d’anodin. Spécialisé en cardiologie, neurologie, traumatologie et pneumologie, le CMPR de Mardor accueille des personnes ayant vécu un grand traumatisme. « Accident de voiture, AVC, traumatismes crâniens : d’une seconde à l’autre, leur vie a basculé, explique Frédéric Leyret, directeur de l’établissement. Elles doivent dans un premier temps faire le deuil de ce qu’elles ont perdu, puis se battre pour guérir et accepter de vivre autrement. » Et la volonté, pour réapprendre à vivre, est un facteur primordial : « le résultat peut aller de 1 à 10 en fonction de la participation du patient », ajoute-t-il.

Kinésithérapie, ergothérapie, balnéothérapie, exercices physiques… La rééducation est souvent lourde et douloureuse, parfois difficile à accepter. Les patients ne se reconnaissent plus, leur famille est souvent désemparée et le temps est bien long lorsque l’on est hospitalisé. Entre les soins, les heures se traînent et les distractions sont rares. Fort de ce constat, l’établissement a souhaité réintroduire la dimension « plaisir » dans le processus de guérison, en proposant aux résidents des ateliers artistiques et des animations culturelles.

Redonner l’envie de vivre

L’idée de ce projet est née en 2010 et s’est concrétisée à la fin de l’année 2011 par la mise en place d’un partenariat avec une jeune association, « Hors Limites », qui a pour objectif de développer des actions culturelles pour des publics qui n’y ont d’ordinaire pas accès. L’hôpital a ainsi organisé en avril 2012 une première exposition des toiles réalisées par les patients durant les ateliers hebdomadaires encadrés par le peintre Patrice Mortier. Des spectacles et concerts sont par ailleurs proposés régulièrement aux patients, pour qui c’est parfois une véritable découverte. «  Nous sommes en milieu rural, explique  Cécile Fromont, fondatrice de l’association « Hors Limites », et certains résidents prennent contact pour la première fois avec le monde artistique, qu’il s’agisse de peinture, d’arts plastiques ou de musique. L’objectif est donc qu’ils profitent de leur séjour ici, de leur disponibilité forcée, pour s’ouvrir à ces univers. » Afin que ces actions puissent se dérouler dans les meilleures conditions, une commission animation et activités culturelles a été mise sur pied, à laquelle participent des membres de l’équipe médicale et encadrante de tous services. « Les ateliers artistiques sont très intéressants au niveau rééducatif car il s’agit d’une autre médiation pour faire travailler la personne, indique Cécile Ducher, ergothérapeute. Elles réalisent ainsi qu’elles sont capables de faire des choses, malgré leur handicap. De notre côté, nous pouvons leur donner des astuces et faire des aménagements pour leur faciliter la tâche. »

En tant que trait d’union entre l’hôpital et le domicile, lorsque cela est possible, le centre de Mardor insiste particulièrement sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre aux résidents de retrouver une certaine autonomie. « A l’issue des ateliers, les patients sont toujours heureux et fiers de nous montrer qu’ils sont capables de faire autre chose que les exercices de rééducation », complète Aurélie Umbdenstock, professeur d’activité physique adaptée.

Artiste en résidence

Cet été,  un artiste plasticien a investi les murs de l’établissement durant un mois, du 10 juillet au 11 août. « J’interviens directement dans l’établissement en accrochant des œuvres dans des lieux choisis, explique Guy Limone. Je propose également des ateliers quotidiens à ceux qui le souhaitent. Nous travaillons autour de la couleur par le biais de découpages, collages, l’apport d'images prélevées dans des magazines, l’écriture. Le choix des images n’est jamais anodin. Cela permet aux participants de s’exprimer et de respirer ! », constate l’artiste. Les bienfaits de ces séances sont incontestables. « La première fois que je suis venue, je ne pouvais pas utiliser ma main gauche, on m’a donc montré une autre technique pour découper les images, témoigne Salima. Je trouve cet atelier magnifique ! ». « Ca me permet d’oublier les soins, de penser à autre chose », dit Janine, une autre résidente. « C’est une distraction, mais cela nous redonne confiance en nous, raconte Christine. On se sent tellement diminués que l’on est heureux d’être encore capables de faire quelque chose ! Moralement et psychologiquement, cela fait beaucoup de bien. » Retrouver foi en soi, en ses capacités, une autre vertu de la création artistique. A la table de l’atelier, Marguerite, qui a perdu l’usage de la parole, s’applique à compléter sa réalisation, où le bleu domine. « Pour elle, le collage est un vecteur d’expression important », explique le plasticien, entre deux conseils ou coups de ciseaux.

Cette expérience originale pourrait être reconduite l’an prochain, avec un autre artiste. Le concept a séduit autant le personnel que les résidents. Quant à Guy Limone, il prépare une exposition qui aura lieu à l'espace du Carmel de Chalon-sur-Saône à l'automne 2012 et où il présentera des collages réalisés sur de grandes feuilles monochromes, autour du thème de la foule. Une extension de son travail personnel, le fruit de ses échanges, de l'atelier à l'hôpital, de l'individuel au collectif…

Anne-Lucie Acar