Pour tous les gardois, les inondations de la nuit du 8 au 9 septembre 2002 restent une tragédie. Le bilan s’établissait à 23 morts, une centaines de blessés et 6000 foyers sinistrés. Dix ans après, la délégation départementale du Gard, a lancé une exposition itinérante « Inondations 2002 : se souvenir pour mieux se préparer », en partenariat avec le Conseil général. Une exposition qui va parcourir les communes du département pendant au moins six mois.

Il y a un avant et un après septembre 2002 dans le Gard. Dans la nuit du 8 au 9, des pluies diluviennes se sont abattues sur l’Hérault, le Vaucluse et surtout sur le Gard. Sur 353 communes, 299 ont été sinistrées. La rupture de la digue du Rhône à Aramon explique l’importance des dégâts. De nombreux témoins parlent d’images de guerre. Bilan : 23 morts, une centaine de blessés, 6000 foyers sinistrés, une centaine de maisons détruites, plus de 830 millions de dégâts. Cette catastrophe n’est pas un acte isolé dans l’histoire du département : le 3 octobre 1988, des inondations provoquaient la mort de 11 personnes à Nîmes ;  le 30 septembre 1958, la crue faisait 36 morts sur l’ensemble du département. Ces intempéries sont donc récurrentes et se reproduiront vraisemblablement.

Ce département, tout comme l’Ardèche, l’Hérault et la Lozère, se trouve au pied des Cévennes et est sujet à ce qu’on appelle des épisodes cévenols. Ce phénomène météorologique s’explique : l’air humide venant du bassin méditerranéen est bloqué par le relief des Cévennes et provoque une série d’orages diluviens, l’air chaud revenant sans cesse au contact de l’air froid en altitude. Les fortes pluies engendrées par les épisodes cévenols peuvent produire des lames d’eau. C’est ce qui s’est produit en septembre 2002 : la lame d’eau a atteint 600 à 700 mm d’eau en 36 heures dans le Gard, un record. 

Les leçons de 2002

L’exposition itinérante réalisée par la délégation départementale de la Croix-Rouge revient en images sur ces inondations et permet de visualiser l’ampleur de la catastrophe. Daniel Poudevigne, directeur départemental de l’urgence et du secourisme, était mobilisé cette nuit-là : « je me souviens être arrivé sur Codolet en barque avec les pompiers. Nous sommes passés au-dessus des barres de but du stade de foot, tellement le niveau de l’eau était haut. Après la décrue, nous avons constaté que tout avait été rasé, on ne se doutait pas que l’eau pouvait engendrer autant de dégâts ! »

Dix ans plus tard, presque jour pour jour, l’inauguration de l’exposition a lieu sur le site de la plateforme logistique départementale de la Croix-Rouge française, créée à la suite de la catastrophe de 2002 pour améliorer la réponse à l’urgence, avec le concours de la Préfecture et du Conseil général du Gard.  L’objectif était de regrouper les moyens humains et matériels de la Croix-Rouge française dans un lieu unique et facile d’accès. Un vrai changement par rapport à 2002 ! La plateforme se compose notamment de cinq véhicules logistiques, une infirmerie mobile, un PC mobile, cinq voitures, deux busters de secours (bateau) et également 800 bénévoles prêts à intervenir.

Les secouristes, au même titre que la population, restent marqués par ces inondations. Cette nuit-là, 400 d’entre eux étaient mobilisés aux côtés des 500 sapeurs-pompiers du département, des 520 hommes des unités de sécurité civile et des 1200 policiers et gendarmes. La Croix-Rouge française a géré l’accueil des sinistrés – 3000 personnes au total - dans des centres d’hébergement d’urgence. Viviane Hauss faisait partie des personnes impliquées. Elle avait 2 mètres d’eau dans sa maison mais elle a néanmoins revêtu sa tenue de secouriste car elle était en charge des secours à Bagnols sur Cèze : « C’était l’horreur, on n’était pas préparé à ça, on a fait avec les moyens du bord, on a tout improvisé. J’ai même dû faire appel au régiment de la Légion étrangère car nous n’avions pas assez de couvertures ni de lits picots. » 

Cette catastrophe aura permis à tous les acteurs de la sécurité civile de réfléchir à l’organisation et à la coordination des secours, et d’en tirer les leçons. Aujourd’hui, l’improvisation n’est plus possible. La création de la plateforme logistique permet une grande autonomie et une disponibilité permanente du matériel grâce à des remorques prédisposées dans différents lieux du département. Les autorités préfectorales et les collectivités locales ont mis en place un dispositif d’intervention en cas d’inondation, la Croix-Rouge française en est un des principaux maillons. Les secouristes sont en en charge de l’accueil des impliqués ; « une mission importante car la non prise en charge de ces personnes est un facteur aggravant lors d’une catastrophe », explique Marc Zyltman, le président départemental de la Croix-Rouge française.

Instaurer une culture du risque

Plus de 40% de la population gardoise vit en zone inondable, la prévention est donc un enjeu majeur pour éviter un nouveau drame de cette ampleur. La Croix-Rouge française propose, en parallèle de son exposition itinérante, une formation spécifique et gratuite à tous les visiteurs afin d’apprendre les consignes essentielles et le comportement à adopter en cas d’inondation. Jean-François Mattei, le président de la Croix-Rouge française, qui était présent à l’inauguration officielle, a insisté sur ce point : « Il est important d’agir avant les drames. Pour exemple, le tsunami qui a touché l’Indonésie n’aurait pas fait plus de 200 000 morts s’il y avait eu un minimum d’information auprès des populations. Finalement,  le problème de la prévention est qu’elle coûte mais qu’elle ne se voit pas. Il faut être conscient qu’elle permet de limiter les pertes, car 1 euro investi dans la prévention permet d’en économiser 7 en cas d’intervention ! »

Aujourd’hui, à la moindre alerte de Météo France, tous les acteurs de la sécurité civile –la cellule de crise de la préfecture, les sapeurs-pompiers, les policiers - sont prêts à intervenir. Les bénévoles de la Croix-Rouge française sont également prédisposés aux endroits stratégiques du département pour intervenir au plus vite. Tout a donc été pensé mais la meilleure des actions reste néanmoins la prévention et chaque citoyen est appelé à devenir un acteur de sa propre sécurité.

Nathalie Auphant