La Croix-Rouge française apporte son soutien aux populations de Djibouti et du Yémen à travers des programmes menés selon des approches participatives et intégrées. Les deux pays, de part et d’autre du golfe d’Aden, sont confrontés à une grave crise d'approvisionnement en eau.

Depuis plusieurs années déjà, la Croix-Rouge française (CRF) emploie son expérience au Yémen et à Djibouti. Afin d’aider au mieux les populations rurales sur place, les équipes de la Croix-Rouge française ont déployé différents projets en eau et assainissement (Watsan). La particularité de cette action de terrain consiste en une approche communautaire parfaitement efficace.

Sécheresses meurtrières, épuisement des ressources en eau… les populations rurales djiboutiennes et yéménites sont confrontées à une même problématique : le manque d’eau. (depuis 2003 pour Djibouti et depuis 4 ans au Yémen).

La Croix-Rouge française en étroite collaboration avec les sociétés nationales du Croissant-Rouge des deux pays a développé des projets eau et assainissement à grande échelle, tels que la construction de barrages, en plus des traditionnels points d’eau et latrines.

Donne un poisson à un homme, il mangera un jour…

Aujourd’hui, l’aide humanitaire répond à une idée simple : placer le bénéficiaire « comme acteur du projet, de sa conception à sa finalisation ». Par le dialogue, la réflexion et la coopération avec les communautés bénéficiaires, des solutions efficaces sont mises en place sur le long terme.Une approche développée à Djibouti comme au Yémen.

A partir d’enquêtes de terrain, qui rendent visibles des pratiques existantes et des besoins précis, les communautés peuvent donner un accord de principe à l’aide si l’évaluation des besoins qui a été faites par les membres de la Croix-Rouge convient à tous.

Les communautés constituent ensuite un comité de gestion de l’eau formé par la Croix-Rouge française, mais qui fonctionne en totale autonomie. Le matériel nécessaire est fourni par la Croix-Rouge tandis que l’ouvrage est entretenu par les bénéficiaires.

Cette méthode participative permet d’adapter notre action à l’environnement culturel et aux réalités du terrain. Elle rend aussi possible l’appropriation des structures construites par les communautés ainsi qu’une transmission des techniques qui garantissent la pérennité de l’action.

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D’abord engagé pour permettre un meilleur accès à l’eau, le travail des équipes de la Croix-Rouge est également destiné à inscrire les constructions et les bonnes pratiques dans la durée.

Dans ce contexte, la participation des sociétés nationales Croissant-Rouge yéménite et djiboutien devient prépondérante, notamment par le biais de sessions d’information et de formation à l’hygiène menées par leurs volontaires.

A partir de ces actions menées par les sociétés nationales, la Croix-Rouge française peut alors diversifier son action pour ajouter à l’action sur l’eau et l’assainissement des programmes visant à renforcer la sécurité alimentaire des populations.Cette seconde étape est autorisée par un accès plus régulier à une eau de bonne qualité.

Ici encore, les populations sont au centre de la gestion des espaces de stockage, de la réflexion sur la meilleure utilisation des sols et de la création de petites coopératives agricoles. En agissant sur la qualité de l’eau, la Croix-Rouge française peut intervenir sur la santé, l’hygiène et l’agriculture dans une zone circonscrite. Ce processus a été engagé au Yémen depuis le 1er janvier et à Djibouti depuis le 1er mars.

Au final, deux pays, deux situations, mais une cohérence dans l’aide apportée par la Croix-Rouge sur le terrain qui répond à des besoins réels.De fait, « il ne peut y avoir de standard dans l’aide humanitaire ».

INTERVIEW de Charles Debras, chef de mission au Yémen

Comment s’organise l’aide de la Croix-Rouge française au Yémen ?

C. Debras : « Nous sommes dans le pays depuis 2006, notamment dans les gouvernorats de Shabwah et Dhamar, où nous mettons en œuvre des programmes eau et assainissement. Nous réhabilitons des sources, nous aménageons des barrages et nous installons des équipements d’assainissement. On évite tout ce qui est mécanique, par respect de l’environnement et parce que cela ne correspond pas à la culture yéménite de collecte de l’eau.

Mais avant cela, il y a quand même une étape préparatoire fondamentale :Avant de lancer une opération, nous analysons d’abord le terrain et les pratiques des populations bénéficiaires. Nous entamons ensuite des négociations avec elles pour que l’aide soit la plus adaptée possible aux besoins. Ces négociations peuvent aller jusqu'à 10 mois, car la société rurale yéménite fonctionne selon un système tribal. Il faut donc que tous les bénéficiaires concernés soient d’accord.

Nous prévoyons aussi une étude de comportement en début et en fin de projet, afin de mesurer l’impact de nos campagnes de sensibilisation. Enfin, lorsque les travaux sont terminés, la Croix-Rouge française fournit un kit de maintenance et une formation aux villageois pour l’entretien des installations.

Quelles sont les difficultés que vous pouvez rencontrer ?

C.D : « Il n’y a pas de difficulté particulière car l’approche communautaire fonctionne très bien. Par exemple, une fois que les comités d’eau sont créés, ils jouent un rôle social majeur. Ils sont constitués, en général, de quatre notables reconnus par les autorités locales.

Ce sont eux qui gèrent les problèmes sociaux en rapport avec l’eau et qui assurent la maintenance des installations. De toute façon, la Croix-Rouge française n’intervient pas si l’ensemble des acteurs et des bénéficiaires n’a pas donné son approbation à l’évaluation que nous faisons. De plus, le Croissant-Rouge yéménite est également très présent puisqu’il fait office de relais avec la population et qu’il dispense les formation d’hygiène liée à l’eau.

Cette organisation, la bonne image de la Croix-Rouge française et notre partenariat avec le Croissant-Rouge sont des garanties de succès : C’est une vraie collaboration sur le plan des contacts et du suivi. »

Quels sont les projets de la Croix-Rouge française au Yémen à moyen et long terme ?

C.D : « Nous venons tout juste de lancer une seconde phase dans l’aide, avec un plan de sécurité alimentaire à Dhamar.

Ceci est rendu possible par la construction de barrages qui fournissent une eau d’irrigation. Dans un troisième temps, nous envisagerons des projets de santé communautaire. En fait, c’est cela l’approche intégrée. Je souhaitais pousser le raisonnement « Watsan » un peu plus loin mais la construction d’un réseau d’assainissement centralisé est difficile à mettre en place à cause de la topographie dans les régions où nous travaillons.

Depuis 2006, la Croix-Rouge française est intervenue dans plus de 40 villages, ce qui représente 65 000 personnes au total. A moyen terme donc, nous préférons renforcer notre action à Shabwah et Dhamar plutôt que de disséminer nos capacités. »

Koceila BOUHANIK