3 questions à Olivier Brault, directeur général de la Croix-Rouge française

Vous vous êtes rendu au Japon à la mi-février. Quelle est votre perception sur l’organisation et le travail accompli par la Croix-Rouge japonaise ?Olivier Brault - La Croix-Rouge japonaise est une Société nationale extrêmement solide, avec une capacité d’action opérationnelle impressionnante. Elle a démontré son très grand professionnalisme. Dans l’urgence, c’est la principale organisation médicale japonaise à s’être mobilisée sur le terrain (plus de 2 700 médecins).Dans la phase de post-urgence, elle a adopté un positionnement très juste pour aider et accompagner les personnes affectées : aide matérielle et financière (c’est très important compte tenu du mode de vie japonais) mais aussi soutien psychologique et social pour aider les personnes qui sont touchées au moral.Un an après, la détresse des Japonais est encore très palpable, avec une dimension toute particulière chez les personnes qui ont dû évacuer la zone de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi.À la souffrance liée à l’exil s’ajoute un sentiment de profonde incompréhension à l’égard des autorités, de perte de confiance et une grande incertitude sur l’avenir qui fait obstacle à la résilience. Nul n’est en mesure de leur dire aujourd’hui s’ils pourront un jour retrouver le cadre de leur vie d’autrefois.Exceptionnellement, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rougene sont pas intervenues physiquement au Japon, conformément au souhait de la Croix-Rouge japonaise. Quel regard portez-vous sur cette forme de solidarité à distance ?Olivier Brault - Je trouve formidable que le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge prouve concrètement son unité et trouve, dans chaque crise particulière, les formes de solidarité internationale les plus adaptées à la réponse aux besoins !C’est une des grandes forces de notre réseau mondial, présent dans 188 pays. Dans ce cas précis, la puissance opérationnelle de la Croix-Rouge japonaise, son professionnalisme incontestable dans la gestion et la restitution de comptes, l’obstacle linguistique et l’immense sensibilité de la gestion d’un accident nucléaire majeur font que l’organisation retenue – qui évite les difficultés inévitables de coordination opérationnelle – même si notre Mouvement sait les surmonter, est très certainement la meilleure possible pour l’efficacité de la réponse.

Quelles leçons pouvons-nous tirer d’une telle crise, notamment en ce qui concerne notre capacité de réponse au risque d’accident nucléaire ou industriel ?Olivier Brault - Le Japon est un pays très avancé dans le domaine de la préparation aux catastrophes et de la réduction de l’impact des catastrophes naturelles, en raison de sa forte exposition aux tsunamis, aux typhons et aux séismes. La population a cette culture du risque, enseignée dès l’école.Pourtant, après le drame de Fukushima, la Croix-Rouge japonaise a souligné le besoin de renforcer encore la préparation de son pays face à ce type de situation. De même, elle a fait valider par l’assemblée générale de la Fédération internationale des Sociétés Croix-Rouge et Croissant-Rouge une résolution visant à structurer une meilleure implication des Sociétés nationales dans la préparation des réponses à d’éventuelles catastrophes nucléaires.Au mois de mai prochain, une conférence se tiendra à Tokyo pour que nous profitions des expériences des Croix-Rouge américaine (Three Mile Island), ukrainienne et biélorusse (Tchernobyl) et japonaise (Fukushima-Daiichi) afin de renforcer notre engagement sur des bases solides. Notre pays compte 58 centrales nucléaires. Avec les pouvoirs publics et les autorités concernées, nous allons renforcer encore notre état de préparation.

Propos recueillis par Géraldine Drot

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