La Croix-Rouge française du Loir-et-Cher a organisé deux sessions d’AFPS (Attestation de Formation aux Premiers Secours) du 10 au 14 octobre, à destination de non-voyants et de malvoyants. Deux groupes de six personnes ont été initiés aux gestes qui sauvent durant deux jours chacun par une formatrice elle-même non-voyante. Une belle rencontre entre la Croix-Rouge et l’Association Valentin Haüy, qui œuvre depuis plus d’un siècle en faveur des personnes atteintes de cécité ou de malvoyance. Un test concluant.

Philippe, Line et André sont tous trois non-voyants. Ils sont venus en couple, soit avec leur compagne ou leur compagnon, soit avec leur guide, pour assister à ces deux jours de formation dans les locaux de l’Association Valentin Haüy (AVH) dont ils font partie.Le trésorier, Abdel Moummad, a eu l’idée en mai dernier de contacter la Croix-Rouge locale pour mettre sur pied ces journées d’AFPS. Didier Gheysen, représentant de la DD41, a tout mis en œuvre pour relever le défi, avec le concours de la DNUS. Son appréhension initiale s’est littéralement évanouie devant la motivation de ces hommes et femmes : « Les résultats vont au-delà de mes espérances ! Je souhaitais qu’ils acquièrent simplement quelques notions de secourisme. Or, non seulement ils ont eu une formation très complète, mais en plus ils se sont montrés passionnés et performants ».

Cours particulier…

Postée au centre de la pièce, Christiane Melin, la formatrice, semble parfaitement maîtriser l’espace. D’un ton ferme, elle explique aux apprenants les gestes à accomplir en cas de malaise cardiaque, démonstration à l’appui sur le mannequin d’un enfant. Autour d’elle, l’assemblée, extrêmement concentrée, s’imprègne de ses paroles. Christiane les invite à s’approcher pour répéter ensemble la procédure à suivre. S’ensuit une véritable chorégraphie : les mains se tendent vers le mannequin, le palpent, rejoignent celles de Christiane, épousent ses doigts pour bien repérer leur position et enregistrer leurs mouvements. Une fois cette première approche accomplie, chacun est invité à reproduire les gestes. Ce qu’ils font avec une grande concentration. Ainsi, durant douze heures, la formatrice passera en revue tous les modules de l’AFPS, sur adulte, enfant et nourrisson.

Christiane répond à toutes les questions des apprenants, trouve des anecdotes pour chaque situation, a les mots qui rassurent, les mots pour dire l’indescriptible : la couleur du sang, la différence entre une brûlure et une coupure, pas évidente au toucher, mais plus à l’odeur.Lorsque la parole est insuffisante, elle utilise des instruments comme de la pâte à modeler et des voitures miniatures pour montrer ce qu’il faut faire en cas d’accident de la route, ou encore une coupe de tête tactile pour expliquer comment dégager les voies aériennes d’une victime. « Par rapport aux voyants, eux ont besoin d’énormément de descriptions et d’explications pratiques. Il me faut souvent faire appel à l’imagination pour compenser le manque de matériel adapté et l’absence de films explicatifs en audiovision, ce qui nous ferait gagner beaucoup de temps et nous faciliterait la tâche », constate-t-elle.

Pour Christiane aussi, ces journées sont une première. Formatrice à la CRF depuis 2004 au sein de la délégation de Lens qui la soutient depuis toujours, elle n’avait jusqu’alors formé que des voyants. Cette expérience blésoise la conforte plus encore dans l’idée qu’il faut généraliser ces formations. Le secourisme, au même titre qu’une activité sportive ou culturelle, s’avère être un formidable vecteur d’autonomisation des personnes handicapées, ainsi qu’un moyen d’ancrage plus fort dans la société des voyants. La délégation du Loir-et-Cher est d’ailleurs décidée à aller plus loin en permettant aux mal et non-voyants de se recycler chaque année au sein de sessions d’AFPS classiques et/ou adaptées.

Géraldine Drot. Photos : © CRF / L.Carlsson