Un navire, affrété par la Croix-Rouge française, a réussi à livrer mercredi 6 avril dans la journée, 102 tonnes de matériel humanitaire au Croissant-Rouge libyen dans le port de Misrata.

Cette mission, menée avec le soutien de la Croix-Rouge maltaise, permet de fournir à 20.000 personnes, pour une durée d’un mois : médicaments (malles Tulipe), denrées alimentaires de première nécessité (pâtes, riz, huile, sucre, farine,…) et kits d’hygiène.

L’ensemble de la cargaison a été remis aux mains des responsables du Croissant-Rouge libyen de Misrata qui prendra en charge la distribution auprès de la population de la ville.

Interview d'Antoine Peigney, directeur des relations et opérations internationales à la Croix-Rouge française

Antoine Peigney, vous rentrez de Misrata où vous avez livré du matériel humanitaire au Croissant-Rouge libyen, quelle est la situation sur place ?

AP : Misrata est une ville en guerre. La première chose qui frappe est le nombre de personnes déplacées refugiées en attendant d’être évacuées, égyptiens, ghanéens, tchadiens entre autres, pris au piège de ce conflit interne.La deuxième chose est l’organisation de défense des insurgés qui tiennent la moitié de la ville et leur détermination à continuer de se batte. De nombreux check-points ponctuent les déplacements dans la ville. Les bombardements se font plus proches à mesure que l’on progresse vers le centre ville.

Pour beaucoup, c’est une situation de survie. Le comité de secours et le Croissant-Rouge libyen distribuent l’aide le mieux qu’ils peuvent. Les soins sont dispensés à travers des cliniques reconverties en hôpital de campagne. Nous avons visité deux centres, un qui traite les blessés et fait la régulation avant de les adresser au second, tenu par le Croissant-Rouge libyen qui pratique de nombreuses opérations chirurgicales. Les médecins donnent une impression de calme et les soins sont apportés avec beaucoup d’attention par les médecins libyens et des infirmières philippines. Nous avons pu constater le professionnalisme et l’attention avec lesquels les blessés sont traités y compris les soldats gouvernementaux.

Quelle a été votre mission à Misrata ?

AP : Elle consistait à apporter, avec le concours de la Croix-Rouge maltaise, de l’aide humanitaire médicale, alimentaire et d’hygiène ainsi que de l’eau pour la confier au Croissant-Rouge libyen qui nous en avait fait la demande précisant que Misrata était une priorité absolue en matière d’aide humanitaire.

Nous avons affrété un navire, le Saint-Antoine Marie II qui est parti du port de Sète en fin de semaine dernière. Après une escale à Malte, nous avons pu faire route dans la nuit de mardi à mercredi vers Misrata et délivrer l’ensemble de la cargaison au Croissant-Rouge libyen.Au moment où nous partions nous avons été saisis par une demande des autorités espagnoles à Paris d’évacuer une famille espagnole de Misrata. Nous avons donc pris en charge ces 8 personnes pour les accompagner jusqu’à Malte où elles ont été accueillies par Madame l’ambassadrice d’Espagne à La Valette.

Quelles difficultés avez vous rencontrées ?

AP : Finalement, la plus grande a été de faire assurer le navire pour l’amener jusqu’à son point de destination. Les autres difficultés font partie de notre métier et nous en connaissons les contours : ce sont les questions de frêt, de constitution de l’équipe et aussi les règles de sécurité à respecter, mais cela fait partie de notre quotidien d’action humanitaire.

Comment expliquez vous l’absence d’humanitaires dans cette ville ?

AP : Je pense que c’est en partie lié aux risques. Misrata est une zone enclavée ou les combats ont été très violents ces derniers jours et sans doute les humanitaires n’ont pas pu ou pas voulu prendre ce risque, ou n’ont pas encore eu le temps de mener a bien une action qu’ils sont en train de préparer.

La discrétion dans la préparation de ce type d’opération est une condition de la réussite ?

AP : On a toujours le choix ; soit de l’annoncer afin que l’aide s’achemine conformément aux conventions de Genève avec l’accord des parties au conflit ; mais on doit être pragmatique et considérer dans certains cas que la discrétion est le meilleur gage de réussite pour éviter toute publicité d’autant plus que toutes les conditions de la réussite ne sont pas forcément réunies dès le départ.

Vous préparez une deuxième mission ?

AP : A l’heure où je vous parle cette décision n’est pas prise. Mais le plus important est de savoir que le Mouvement Croix-Rouge a déjà engagé d’autres initiatives dans ce sens. Il est certain que la Croix-Rouge française restera associée de près ou de loin à ces initiatives et voudra le rester.