Le Tremplin est le seul établissement pour handicapés moteur en Ile-de-France. L’ESAT, implanté au cœur de la zone industrielle de Meaux (77), emploie 110 personnes et travaille avec une quarantaine de clients, parmi lesquels la Croix-Rouge française.

C’est notamment ici que transite la plupart des dons en nature pour l’association. Ici, polyvalence et exigence sont de mise.Des dizaines de palettes emplies de vêtements sont en attente sur la plateforme supérieure d’un des hangars. Il s’agit de dons en nature en provenance de grandes marques pour la Croix-Rouge française. Max, moniteur d’atelier, gère avec une petite équipe la chaîne des commandes : réception des stocks, inventaire, tri par catégories d’articles (vêtements, chaussures, etc.) et/ou par âge et sexe, constitution et envoi des colis aux délégations et établissements de l’association.Ce scénario se reproduit plusieurs fois par an, l’ESAT de Meaux constituant l’une des plateformes logistiques de la Croix-Rouge française.

C’est d’ici que partent également les commandes des 800 délégations à l’occasion de la collecte nationale, chaque année. Les travailleurs de l’ESAT réceptionnent les bons de commande, les saisissent sur informatique, mettent à jour les fichiers d’adresses, assurent l’expédition des colis (urnes, goodies, affiches, brochures et gadgets destinés à la campagne).Le siège de la Croix-Rouge fait lui aussi régulièrement appel à l’établissement pour des activités de stockage, d’expédition, mais aussi de routage et de publipostage (envoi de mailing, mise à jour de fichiers, édition et collage d’étiquettes, mise sous pli de documents, envois postaux, etc.).

Une exigence de qualité et de diversité

Ici, la grande majorité des travailleurs sont des handicapés physiques. Tous ou presque sont polyvalents. L’un n’empêche pas l’autre, au contraire. Chaque travailleur effectue deux à trois activités différentes, adaptées à ses capacités et à ses affinités.Cette diversité est voulue par la direction, pour casser la routine et faire évoluer les personnes. Régulièrement, des formations professionnelles sont organisées en interne. Tout le monde y a droit. Le jour de notre visite, un petit groupe de dix personnes apprend justement à utiliser un logiciel de numérisation industrielle.

Daniel, le formateur, initie les participants aux solutions de capture. « Tout les intéresse !, dit-il, enjoué, ils sont curieux de tout, posent des questions souvent plus pertinentes qu’à l’ordinaire, avec un vocabulaire très précis, parce qu’ils veulent comprendre comment ça fonctionne, de A à Z. » « Ils ont besoin de comprendre le sens de tout ce qu’ils font et il y a chez les personnes handicapées une forte exigence de qualité et d’effort, et une grande motivation », renchérit Joël Soler, le directeur.

Donner du sens au travail… Mettre en place des activités innovantes et valorisantes. Une dimension symbolique forte en ESAT. Plus prosaïquement, il faut aussi s’adapter aux lois du marché, à la concurrence, et être rentable. Pour trouver un juste équilibre, l’ESAT mixte métiers classiques et métiers plus pointus, comme la mise sous film de pièces d’hélicoptère, par exemple, ou la numérisation de documents rares et précieux.

Dans son « labo », une petite pièce dissimulée dans un coin de hangar, Angélique, munie de gants de chirurgien, remet en état un manuscrit datant du XIXème siècle. Une commande de la Chambre des notaires. Avec minutie, elle décorne et frotte les feuilles à l’aide d’un pinceau. Seuls quatre travailleurs sont en mesure d’accomplir ce travail délicat. «Un atelier à forte avaleur ajoutée », comme le qualifie le directeur.Et lorsqu’on l’interroge sur une éventuelle lenteur ou qualité moindre du travail fourni par rapport à une entreprise ordinaire, Joël Soler rétorque : « il n’y a aucune raison de dévaloriser le travail effectué ici car c’est un travail de qualité ».Pas question donc de brader les prestations de l’ESAT, affirme-t-il avec fermeté. « Je ne vends pas du handicap, je vends de la qualité. Ce sont les personnes qui font la qualité et la richesse de l’ESAT.»

Géraldine Drot

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