Chaque année, la journée internationale des personnes handicapées est l’occasion de pointer du doigt cette question de société et de rappeler aux entreprises leur obligation légale.

Force est de constater que malgré la loi du 11 février 2005 (pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) qui impose aux sociétés de plus de 20 salariés d’engager au moins 6% de personnes handicapées, la situation reste fragile et insatisfaisante.

Fin juin 2011, on dénombrait 273 000 demandeurs d’emploi (chiffres Agefiph*), soit une hausse de 14% en un an, contre 4,3% pour l’ensemble de la population active ! La crise économique est passée par là, certes, mais elle n’est pas la seule en cause.Ces chiffres montrent également que les personnes handicapées n’ont pas encore accès au monde du travail autant qu’elles le devraient. «Elles travaillent moins bien, plus lentement, coûtent plus cher…».Les préjugés ont la vie dure.

La Croix-Rouge française, employeur unique à établissements multiples, ne fait pas exception à la règle. Son taux d’emploi de personnes handicapées est en constante progression.De plus, depuis 2001, l’association s’est engagée à travers l’accord de branche « OETH » en faveur de l’emploi des personnes handicapées (www.oeth.org ) et a créé une mission handicap, cellule dédiée de la direction des ressources humaines (Page de contact dans la colonne de droite), visant à encourager les démarches en ce sens.

Pourquoi faire appel aux ESAT ?

Outre l’embauche directe de personnes handicapées, les entreprises ont la possibilité de recourir aux contrats de sous-traitance, de fournitures ou de mise à disposition de personnel, notamment auprès d’ESAT ou d’EA (Entreprise adaptée).Une solution intéressante pour l’employeur qui peut ainsi s’acquitter de la moitié de son obligation d’emploi de travailleurs handicapés.

On dénombre en France 1400 ESAT qui proposent à environ 140.000 personnes handicapées des conditions de travail adaptées à leurs capacités, assorties d’un accompagnement médico-social et psycho-éducatif. L’orientation dans un ESAT vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Le siège, les établissements et les délégations de la Croix-Rouge française ont recours aux ESAT et entreprises adaptées et font appel aux travailleurs handicapés du milieu protégé pour de nombreuses prestations : entretien d’espaces verts, blanchisserie, mise sous pli, conditionnement, stockage, réception et expédition de dons en mature, numérisation de documents, etc.

Cette stratégie participe de l’ambition plus globale de l’association de développer la participation des personnes handicapées aux actions de la Croix-Rouge, qu’elles soient bénévoles ou salariées, en secteur ordinaire ou protégé, déclinée dans le plan d’action 2011-2015 de notre association : accueillir plus de personnes handicapées dans les délégations, améliorer l’accès à la formation professionnelle continue, promouvoir et renforcer la sous-traitance auprès du secteur adapté et protégé.

Au-delà des considérations légales et financières, l’emploi de personnes handicapées constitue aussi un « devoir de solidarité » envers des personnes défavorisées et vulnérables et participe à leur intégration sociale et professionnelle. Le montant moyen de la rémunération d’un travailleur en ESAT tourne aux alentours de 90% du SMIC. Cet argent est le garant d’une certaine autonomie. Depuis leur origine, les ESAT – anciennement CAT – ont eu pour objectif, entre autres, de rendre la personne handicapée citoyenne. Ce principe perdure et reste au cœur de leur mission mais il faut se battre pour faire face à une concurrence féroce.

L’art de s’adapter et de se renouveler

Affectés par la crise économique et des évolutions structurelles depuis les années 1980, les ESAT ont été contraints de faire preuve de créativité et de démarchage commercial intensif pour pouvoir survivre, « d’autant plus que le secteur manque de visibilité, quand il ne souffre pas d’une mauvaise image ou d’une représentation qui le cantonne dans des tâches simples et répétitives », explique Gérard Zribi, président de l’association Andicat (interviewé dans le magazine Décryptage de mai 2011). Il faut donc se remettre en question en permanence. Les 8 ESAT gérés par la Croix-Rouge française (dont un ESAT « hors les murs ») et les deux entreprises adaptées - sont le reflet de cette dynamique.

En règle générale, les établissements ont dû suivre l’évolution de l’économie locale, à l’instar de l’ESAT de Recoubeau-Jansac (Drôme), qui fabriquait des palettes de bois dans les années 1980-1990 et s’est tourné ensuite vers la préparation de câblage pour des entreprises de l’aéronautique ou encore vers la soudure à ultrason pour des produits dérivés de l’agroalimentaire et le secteur paramédical.

C’est cas également de l’ESAT Les Echelles (Savoie), dont les activités étaient à l’origine liées à 100% à la sous-traitance industrielle. « Etre totalement dépendant de l’industrie était trop risqué », a estimé son directeur actuel, Christian Jacob.Aujourd’hui, ses quarante travailleurs sont répartis sur cinq secteurs : les espaces verts, l’entretien de locaux, le négoce de fournitures de bureau et de produits d’hygiène, la mise à disposition de travailleurs en entreprises ordinaires, sans négliger la sous-traitance qui reste nécessaire.

Les établissements assurent donc des métiers multiples, au gré des demandes. L’ESAT Le Pech-Blanc (Lamothe- Capdeville) produit par exemple des boitiers électriques pour une entreprise locale, dans le cadre de son atelier de sous-traitance. Les Ateliers « Sud Rhône-Alpes », qui regroupent les ESAT de Beauchastel et Alain Boubel ainsi que l’EA de Montélimar, constituent également un pôle intéressant car il mêle activités traditionnelles et ateliers nécessitant des compétences techniques fortes (menuiserie, serrurerie, mécanique et câblage). L’EA est quant à elle centrée sur une activité unique de restauration tournée vers les collectivités et gère par ailleurs un restaurant ouvert au public.

Dans un autre registre, l’ESAT Jardin des plantes (Doué-la-Fontaine) comprend notamment un pôle agricole, dont les produits (plantes aromatiques et médicinales en agriculture biologique) sont destinés à l’industrie cosmétique, pharmaceutique et agroalimentaire.L’offre commerciale proposée par les ESAT dépasse donc largement les idées reçues. On voit ainsi fleurir des prestations originales, d’une structure à l’autre, avec un dénominateur commun : la volonté d’allier travail et épanouissement de la personne.

Reste à mieux faire connaître cette réalité du secteur adapté et protégé. C’est dans cette optique que la Croix-Rouge française organisera le 16 mai 2012 un colloque intitulé "Sens du travail, travail du sens", visant à nous interroger sur la signification de l’exercice professionnel pour toutes les personnes sans emploi ou qui ont du mal à s’inscrire dans le milieu dit ordinaire : personnes en situation de handicap, de précarité, ou touchées par le chômage de longue durée.Cette journée portera également, en corollaire, sur la signification du travail social et de l’accompagnement bénévole aujourd’hui.

*L’Agefiph est une association qui gère le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Géraldine DROT

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