Depuis mars 2022, l’unité locale de Toulouse accueille de nombreux ressortissants ukrainiens. Parmi eux, Karina, 23 ans, nous raconte comment ce soutien lui permet de se reconstruire.

Dans la petite chambre étudiante qu’un de nos partenaires lui met gracieusement à disposition, il n’y a que l’essentiel, donné à son arrivée par les bénévoles de l’unité locale toulousaine. “Et ce qui était dans le sac à dos que j’ai réussi à emporter la nuit où nous nous sommes enfuis de chez nous”, ajoute Karina, les yeux embués.

Mi-février 2022. Karina, qui a alors 22 ans et termine ses études d’économie, fourmille de projets. Celui d’épouser Marco, son fiancé, et de fonder une famille. Elle a un projet : ouvrir d’ici quelques semaines son propre salon de beauté. Elle vient juste de récupérer les clés du local.

Une semaine plus tard, elle se réveille sous le bruit des bombes. Sa ville natale, Starobilsk, située à l’extrême est de l’Ukraine et à cent kilomètres de la frontière russe, est l’une des premières cibles bombardées. Le 1er mars, à l’issue d’une bataille féroce, les chars font leur entrée dans Starobilsk.

Comme celle des 45 millions d’Ukrainiens, la vie de Karina va voler en éclat. Pendant deux mois, elle se terre dans l’appartement qu’elle partage avec Marco. Deux mois à écouter, terrorisée, les bruits de la guerre, sous ses fenêtres. Début mai, elle fuit son pays, laissant derrière elle son fiancé, ses proches et sa vie. Cinq jours d’un périple éprouvant, avec ses parents et sa petite sœur de trois ans, la mènent à Annecy, où la famille est prise en charge par nos bénévoles.

En octobre, l’équipe lui propose de rejoindre l’unité locale de Toulouse pour y suivre des cours intensifs de français et bénéficier d’un appartement dans une résidence universitaire. Nouveau départ, nouveau déchirement...

De l’accueil à l’engagement

“A son arrivée, elle était complètement perdue loin de ses parents restés à Annecy et elle n’avait rien d’autre que ce qu’elle portait sur elle”, se souvient Joëlle Laverny, responsable Français langue étrangère /Accueil-écoute et vice-présidente de l’action sociale de l’unité locale de Toulouse.

Dès son installation, Karina fréquente quotidiennement les bénévoles. Elle y apprend peu à peu à parler français et vient se ravitailler à l’aide alimentaire, dans des créneaux réservés aux Ukrainiens pour qu’ils puissent se retrouver et nouer des liens. Rapidement, la jeune femme s’investit comme bénévole pour assurer l’accueil de ses compatriotes et participer à la distribution de l’aide alimentaire les lundis et jeudis après-midi. “Je m’attendais à trouver de l’aide en France, mais pas autant, raconte la jeune femme dans un très bon français. C’est très important pour moi de devenir bénévole parce que je considère que si je prends, je dois donner en retour. Et ça m’aide à me sentir utile : m’engager auprès de la Croix-Rouge, c’est une façon de lutter pour l’Ukraine.”

Un pas après l’autre

Aujourd’hui, Karina ne sursaute presque plus lorsqu’elle entend un bruit dans la rue. “En France, j’ai appris à être plus tranquille, à moins m’inquiéter, confie-t-elle. Le plus dur, c’est de ne plus avoir de nouvelles de mes proches restés en Ukraine car tous les moyens de communication ont été coupés.”

A Toulouse, Karina réapprend tout doucement à vivre. Depuis janvier, Marco l’a rejointe dans la ville rose. Traumatisé par des mois d’horreurs, il se reconstruit lui aussi pas à pas.

Pour la jeune femme, la prochaine étape est de trouver un travail afin d’être plus autonome. Grâce à ses progrès en cours, elle prévoit de passer le diplôme d’études en langue française d’ici à l’automne prochain. Joëlle Laverny ne doute pas un instant que l’incroyable énergie de Karina lui permette de continuer sur la voie ouverte par les volontaires : “Au fil des mois, j’ai vraiment vu Karina changer, s’investir pour elle et pour les autres. Elle a vraiment repris confiance en elle.”

“Grâce à l’aide de la Croix-Rouge, j’ai effectivement pu reprendre ma vie en main et c’est déjà énorme, conclut Karina. Mais après la guerre, c’est la vie que j’ai laissée en Ukraine que je veux reprendre. Enfin, seulement si mon pays est libre... Mais pour le moment, je n’ose même pas y penser, car pour nous, les Ukrainiens, l’avenir est trop incertain.”

© Emmanuel Charret / lagencecdigital.com

Valérie Bauhain

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