Le 8 février dernier s’est tenue la conférence « Convergence de solutions pour lutter contre le sans-abrisme en Europe », co-organisée par le Bureau Croix-Rouge Union européenne et la Croix-Rouge française. Cette conférence, soutenue par Essity et réunissant des représentants nationaux et européens, a été ouverte par Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement et par Jean-Christophe Combe, Directeur Général de la Croix-Rouge française. Labellisé Présidence française de l’Union européenne, cet événement a été l'occasion d’analyser les obstacles quotidiens auxquels sont confrontées les personnes sans-abri et celles à risque de le devenir ainsi que de mettre en place des stratégies d’aide autour de la prévention, la réponse aux besoins et les actions pour en sortir.

La Prévention

La crise du COVID-19 a rendu le sans-abrisme plus visible que jamais. Lors des premiers confinements, les personnes sans-abri ne pouvaient pas « rester chez elles ». Pour ces personnes, dormant dans la rue ou vivant dans des lieux d’hébergement temporaire, la crise sanitaire et ses effets ont été un point de bascule qui a augmenté le risque d'exclusion sociale et de pauvreté.

La première session de la conférence a ainsi été consacrée aux efforts de prévention du sans-abrisme. Les intervenants ont mis en évidence l'importance des services de prévention déjà fortement intégrés dans les politiques nationales de logement car ils permettent de prévenir la perte de domicile et d’accompagner les personnes risquant de se trouver dans une situation de sans-abrisme.

Johanna Saunders, Conseillère spéciale à la Croix-Rouge suédoise, a montré l'importance des approches intégrées en soulignant le rôle vital que ces dernières jouent dans la prévention de l'exclusion sociale et du sans-abrisme parmi les mineurs non accompagnés en Suède. C’est grâce à ces approches qu’il est possible aux différents services d'identifier, de soutenir et de travailler avec les personnes qui risquent de perdre leur domicile. « Il est très important de travailler avec les services d’aide psychologique et de formation afin de permettre aux individus de se sentir en confiance et de leur fournir la force nécessaire pour franchir les nouvelles étapes de leur vie », a-t-elle insisté. De même, les cadres politiques et les budgets publics doivent soutenir une approche commune aux différents services dans le but de prévenir le sans-abrisme et s'attaquer à ses causes. 

« Le sans-abrisme n’arrive généralement pas de manière soudaine ou inattendue. Il résulte souvent d'un mélange de circonstances personnelles et de problèmes structurels qui exacerbent ou perpétuent la situation. C'est pourquoi il est si important d'adopter une approche intégrée, centrée sur l'individu et autour de valeurs humaines pour résoudre cette crise ainsi que de traiter les problèmes systémiques qui rendent plus difficile l’apport du soutien nécessaire », a déclaré Christian Fillet, président du European Social Network.

La Réponse

Il est crucial d’orienter les personnes sans domicile vers des services de soins accessibles afin de prévenir des problèmes de santé majeurs. Il est donc essentiel que les services qui répondent aux besoins immédiats des individus en situation de précarité reçoivent un financement adéquat pour effectuer ce travail vital.

Lors de la deuxième session de la conférence, intitulée « Répondre aux besoins des personnes en situation de sans-abrisme », Malik Berkani, Directeur régional du Pôle Lutte contre les exclusions dans le Gard et l’Hérault, à la Croix-Rouge française, a noté l'importance de la mise en place d’un climat de confiance avec les individus sans domicile afin de faciliter leur accès aux services et de les guider vers des solutions de logement plus durables. « L'accès aux services doit toujours être offert sans discrimination afin de garantir que l'hébergement, la protection sociale ainsi que l'aide psychosociale et matérielle soient accessible à toutes les personnes qui en ont besoin », a-t-il souligné. Grâce à leur travail de proximité, les bénévoles de la Croix-Rouge française aident les personnes sans-abri à bénéficier de services et accompagnements essentiels, tout en travaillant avec elles pour leur fournir un logement de moyen à long terme.

Sortir du sans-abrisme

L'objectif final du processus de réintégration est celui d’un logement abordable et stable, destiné en particulier aux personnes ayant des besoins de soutien complexes mais qui passent souvent par différents services résidentiels avant d'être relogées. Il convient de garantir un financement cohérent et à long terme afin que les individus aient les moyens de conserver leur logement et que des services adéquats leur soient proposés. Chiara Borio, Chargée de mission au sein de l’Unité Inclusion Sociale de la Croix-Rouge italienne, a présenté le projet « Housing First » : une solution de relogement rapide ayant permis l’autonomie et renforcé l’inclusion sociale. En effet, l'antenne locale de Bénévent a mis à disposition des logements stables et abordables à 15 personnes en utilisant des fonds européens pour couvrir les loyers (Fonds social européen) et les charges (Fonds européen d'aide aux plus démunis). « Housing First » est un modèle qui préconise un changement systémique dans l'approche actuelle de l'accompagnement des personnes sans domicile car il place l'accès à un logement abordable et stable au début du processus d'intégration et non en objectif final. Cette innovation fondamentale doit faire partie d'une stratégie intégrée de lutte contre le sans-abrisme et en tant que modèle, elle ne peut réussir de manière isolée, mais aux côtés des mesures de prévention et autres formes d'accompagnement des personnes sans-abri.

« Nous devons mettre fin à la gestion du sans-abrisme par le recours aux centres d'hébergement et aller vers des solutions axées sur le logement », a déclaré Freek Spinnewijn, Directeur de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA). 

Se tourner vers l’avenir 

La plateforme européenne de lutte contre le sans-abrisme (EPOCH) rassemble des représentants d'organisations de la société civile, des gouvernements de l'UE et des institutions européennes (à savoir la Commission européenne et le Parlement européen). En 2022, la plateforme continuera à partager ses avancées afin de permettre aux autorités publiques et aux organisations à but non lucratif d’apprendre des bonnes pratiques de chacun. Ces politiques et pratiques bien établies serviront de base sur laquelle viendront s’appuyer les stratégies nationales de combat contre la perte de domicile. « Cette plateforme est une opportunité pour les États membres de coopérer et d'offrir leur expertise dans l’élaboration de stratégies de lutte contre le sans-abrisme », a affirmé Jan Vrbický, Ministre parlementaire par intérim des Services sociaux et de la politique familiale de la République Tchèque. 

« Il est fondamental d'investir dans le secteur des services sociaux pour lutter contre le sans-abrisme », a conclu Mette Petersen, Directrice du Bureau Croix-Rouge UE. La lutte contre le sans-abrisme exige que les acteurs à but non lucratif, tels que les sociétés nationales de la Croix-Rouge, aient accès à un financement stable et adéquat. Katarina Ivankovic-Knezevic, Directrice des affaires sociales et inclusion à la Commission européenne, a souligné dans son discours de clôture que « le financement n'est pas important, il est crucial ». Les sociétés nationales de la Croix-Rouge ont établi une relation de confiance avec les personnes sans domicile grâce à leur longue expérience et à leur connaissance du terrain, leur permettant ainsi de fournir des aides et des services de première ligne intégrés, holistiques et viables.

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