Ne pas avoir accès à des protections hygiéniques pendant ses règles, c’est ça la précarité menstruelle. Elle concerne de nombreuses femmes, en France et partout dans le monde. Elle est taboue, touche à l’intime et aux nombreuses croyances et préjugés qui entourent les règles. Alors, comment lutter ?

C’est un non-sujet, un tabou parmi tant d’autres gravitant autour de la santé gynécologique. Les menstruations, communément appelées “règles”, sont encore souvent considérées comme honteuses, sales, ou ne devant être évoquées qu’entre femmes. Les préjugés et la désinformation ont la peau dure et contribuent à la précarité menstruelle de nombreuses personnes. En France, 1 femme sur 3 est confrontée à cette précarité, c’est-à-dire au fait de ne pas avoir accès à des protections hygiéniques en quantité suffisante. 4 millions de femmes et de personnes menstruées manquent de protections périodiques, rappelait en 2024 le ministère chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

En 2021, un programme dédié a vu le jour au sein de notre association. Son but ? Accompagner au mieux les femmes rencontrées dans nos missions - en maraude, en centre d’hébergement d’urgence. “Au départ, c’était vraiment de la distribution de serviettes hygiéniques”, rembobine Pauline Casteras, chargée de mission accès à l’hygiène. “Il a été décidé ensuite de faire de la sensibilisation et de la formation auprès des équipes, afin qu’elles soient outillées pour répondre aux questions sur le sujet et soient un peu plus à l’aise pour en parler. On a fait des ateliers avec les équipes et notre partenaire historique, l’association Règles Elémentaires, pour parler de la précarité menstruelle, de ce que ça implique pour les femmes, et leur donner des clefs pour aborder le sujet.”

Des ateliers de sensibilisation ont aussi été menés auprès des femmes hébergées dans nos établissements de la filière lutte contre les exclusions. Une fois encore, le but était de mettre des mots sur les règles, d’expliquer le cycle menstruel et de présenter toutes les protections hygiéniques possibles - jetables ou réutilisables. 

Après ces premières étapes de distribution, de formation et de sensibilisation, d’autres projets ont germé, comme les ateliers couture.

De fil en aiguille, ouvrir le dialogue

Animés par l’association Menstru’elles, ces ateliers offrent la possibilité de coudre une serviette lavable, en 3 heures. “La première partie, c’est 1h30 d’échange sur la santé sexuelle et reproductive, ce qu’est la précarité menstruelle… On parle des règles autour d’une activité manuelle. C’est un format assez apprécié”, constate Negar Yahaghi, chargée d'animation de lutte contre la précarité menstruelle. Et d’ajouter : “C’est plus facile d’inviter les gens à un atelier couture de serviettes que de proposer un échange sur les règles.” 

En effet, la première problématique pour les équipes sur le terrain reste d’aborder tout simplement le sujet, “notamment en maraude, et d’autant plus si ce sont des hommes. Ils ne se sentent pas légitimes (...) On leur donne des pistes pour ouvrir le dialogue avec les femmes pour qu’elles n’aient pas peur de demander des protections hygiéniques. On a également des stickers pour signaler qu’ici, on peut demander des protections. Quand les femmes voient qu’il y a une affiche, un guide, des protections, ça libère la parole”, explique Pauline Casteras.  

Le libre accès est aussi une solution dans nos établissements. Des distributeurs ont été financés, permettant d’avoir des serviettes et tampons à disposition, sans avoir à les demander.

La santé sexuelle, suite logique de la sensibilisation 

Permettre la discussion, donner accès à de l’information fiable : voilà les enjeux forts du programme. C’est dans cette optique que le guide de la santé menstruelle a été créé. Tous les types de protections y sont recensés, avec notamment leurs risques associés - le choc toxique pour la cup menstruelle ou encore le tampon, par exemple. “Il y a aussi une version papier et audio du guide, qui a été traduite en plusieurs langues : en anglais, russe, arabe, espagnol, dari, une version créole est également en cours…” énumère Pauline Casteras, qui souligne que ce dernier est accessible aux salariés comme aux bénévoles. Negar Yahaghi précise le cadre de la démarche du guide et plus largement des sensibilisations : “On explique toutes les vigilances qu’il faut avoir par rapport aux protections hygiéniques, mais on n'est pas là pour encourager telle ou telle pratique. Ce n’est pas à nous de décider à la place des personnes quoi utiliser. Il faut garder une autonomie dans la façon de gérer ses règles, et ne pas préjuger d’une préférence.” 

Outre les protections, un volet santé sexuelle et contraception est également présent dans ce guide - comment mettre un préservatif féminin, masculin… “On a fait une fiche sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), une autre sur l’interruption médicale de grossesse (IMG). C’est ce qui est dit dans la loi, c’est légal, et c’est important que les femmes puissent avoir accès à l’information”, argue Pauline Casteras. 

Les 33 fiches conçues balayent tant les questions d’hygiène menstruelle que de santé sexuelle et gynécologique. “Car quand on touche aux règles, on touche à la sexualité, aux problèmes d’excision, aux violences sexuelles, à l’endométriose… On ne peut pas se contenter de parler des règles, car nos ateliers amènent d’autres questions”, constate la salariée.

C’est ainsi qu’avec l’association Menstru'Elles , des ateliers sur la vie affective et sexuelle vont être mis en place en 2025, notamment au sein des établissements Croix-Rouge de protection de l’enfance, faisant face à des problématiques de violences et de questionnements autour du consentement. 

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