Dans ce discours, Bekele Geleta , Secrétaire général de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge tient à inviter les médias occidentaux à traiter autrement le continent africain et son développement. Quel est le dernier article que vous avez lu sur l’Afrique? De quoi parlait-il? Je suis tenté de croire qu’il ne s’agissait pas d’un regard positif, mais plutôt d’une énième histoire déprimante au sujet d’un continent où il n’y a pas de place pour l’espoir, un continent rongé par la corruption, les maladies, la famine et les guerres.

La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a récemment fait procéder à une enquête sur la façon dont les médias et les responsables politiques occidentaux perçoivent l’Afrique. Les trois quarts environ des 2607 articles de presse passés en revue étaient essentiellement négatifs, et les rares évocations positives mettaient l’accent sur le monde des affaires et non pas sur les réussites dans les domaines du développement ou de la santé.

Précisons d’emblée que ce constat ne constitue en aucun cas une mise en cause des médias. Les journalistes sont souvent les premiers à révéler des problèmes et des souffrances réclamant notre attention. Ce sont eux qui, souvent, prennent des risques pour découvrir ce qui se passe à l’écart des "lumières de la ville". Les médias sont un allié des plus précieux pour toutes les organisations humanitaires, en particulier pour la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge.

Nous-mêmes, les humanitaires, devons assumer nos responsabilités à cet égard. Nous savons que les "bonnes nouvelles" font rarement les grands titres de l’actualité et qu’elles n’incitent pas nécessairement les gens à ouvrir leur porte-monnaie. C’est pourquoi nous devons prendre garde aux messages que nous diffusons quand nous insistons sur les aspects négatifs, quand nous évoquons des crises et des catastrophes en alignant les commentaires les plus pessimistes. Nous devons impérativement alterner nos modes de communication et recourir plus fréquemment à des approches positives si nous voulons toucher les cordes sensibles et dénouer les cordons de la bourse.

Il ne s’agit bien évidemment pas de nier que l’Afrique est confrontée à d’énormes défis. Les Nations unies ont parfaitement raison de marteler que le continent n’accomplira vraisemblablement aucun des Objectifs du Millénaire pour le développement. Ce cri d’alarme doit être pris au sérieux. Toutefois, nous devons aussi nous garder d’enfermer l’Afrique et les Africains dans une vision réductrice.

Les "bonnes nouvelles", en effet, ne manquent pas.

Chaque jour, à travers le continent africain, des progrès concrets et significatifs sont réalisés. Parmi le brouillard des images de guerre, de famine et de sécheresse, de crises sanitaires, de corruption et d’instabilité politique, se détachent d’innombrables exemples de réussites malheureusement ignorées.

Commençons par une des plus spectaculaires: depuis 2000, la mortalité liée à la rougeole a enregistré un recul phénoménal de 91 pour 100, un résultat atteint en grande partie grâce au dévouement et aux efforts énergiques des volontaires communautaires de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il est essentiel de reconnaître à ce propos que les gens travaillent activement à améliorer leurs conditions d’existence. Notons aussi que les systèmes de soutien et les gouvernements se montrent de plus en plus responsables. La mobilisation sociale est déterminante également dans le combat contre le paludisme, comme en témoigne une récente étude indépendante révélant une augmentation de 23 pour 100 dans l’utilisation des moustiquaires en Sierra Leone suite aux visites à domicile de volontaires de la Croix-Rouge qui s’assurent que les gens emploient correctement ces protections vitales destinées plus spécialement aux enfants de moins de cinq ans et aux femmes enceintes.

En quatre ans, depuis la Conférence panafricaine de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge tenue en 2004 à Alger, le nombre des opérations d’urgence menées par les Sociétés nationales de l’Afrique subsaharienne a plus que doublé. Les organisations de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont œuvré sans relâche pour répondre à la multiplication des catastrophes résultant, en partie, du changement climatique et de la fréquence accrue des phénomènes climatiques extrêmes.

Mais tournons à présent nos regards vers les villes, les cités et autres agglomérations qui parsèment le continent africain.

Penchons-nous sur ces volontaires du Zimbabwe qui, au cœur d’une dramatique crise alimentaire, distribuent de la nourriture à une population exceptionnellement vulnérable: plus de 260 000 personnes directement ou indirectement touchées par le VIH. Ou sur ces volontaires d’Afrique du Sud qui, sans escompter la moindre récompense pour leurs services, sillonnent les townships afin d’offrir un soutien psychologique et pratique aux habitants co-infectés par le VIH et la tuberculose.

La communauté humanitaire toute entière – donateurs, praticiens, gouvernements – doit impérativement donner une priorité accrue à l’action communautaire. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés en Afrique ne pourront être résolus qu’à travers des efforts concertés et intensifs pour développer les capacités des communautés locales. Ce sont elles qui sont les mieux placées pour identifier leurs propres vulnérabilités et pour trouver les solutions appropriées. Mais elles ont besoin de notre appui.

Cette approche essentiellement communautaire est au cœur de l’action de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les problèmes ne sont pas résolus à Londres, à New York ou à Genève, mais au sein même des villes, cités et communautés du continent africain. Et la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge font partie intégrante de ces communautés.

Cette semaine, les dirigeants des 53 Sociétés africaines de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont réunis à Johannesburg aux côtés de représentants d’organisations internationales et de gouvernements afin de formuler un plan stratégique pour les quatre prochaines années. Nous profiterons de l’occasion pour promouvoir une image plus positive de l’Afrique en lançant à l’intention des médias du continent un concours intitulé “Good News for Africa” (Bonnes nouvelles pour l’Afrique), dont les lauréats seront désignés en novembre 2009 à Nairobi.

Nous ne devons pas détourner nos regards des énormes défis qui pèsent sur l’Afrique. Mais nous ne devons pas non plus nous laisser égarer. Nous devons célébrer les avancées enregistrées jour après jour. Ces avancées, aussi modestes puissent-elles paraître, seront les graines des succès et progrès à venir sur le continent.

20 octobre 2008

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