En juin dernier, la délégation locale de Lyon a créé une bibliothèque solidaire ouverte à tous. Cette bibliothèque s’inscrit pleinement dans nos offres sociales. Au même titre que l’aide alimentaire ou les vestiboutiques, l’accès à la culture est une mission à part entière.

Ce projet de bibliothèque est né d’une opportunité, le don de 400 livres, et d’un constat, la difficulté d’accéder à la lecture dans les autres établissements d’emprunt. En effet, il faut en général présenter sa carte d’identité et un justificatif de domicile pour s’inscrire. Un barrage, donc, pour les personnes sans-papier, sans domicile fixe ou demandeurs d’asile.Comme en témoigne Tigranouhie, d’origine arménienne, qui vit en France depuis 9 ans : « le fait de ne pas avoir de papier ne doit pas nous empêcher de lire et d’avoir accès à la culture. Personnellement, la lecture m’a permis de perfectionner mon français. »

Depuis quelques mois, Tigranouhie et beaucoup d’autres personnes profitent donc de la bibliothèque solidaire de la Croix-Rouge. Ici, aucun papier n’est demandé et l’emprunt est gratuit.

Un maillon de plus contre l’illettrisme

La Croix-Rouge française accompagne actuellement sur Lyon 90 personnes, en majorité des demandeurs d’asile, qui apprennent le français ou réapprennent à lire et à écrire. Pour Maud Dorville, qui enseigne le français aux bénéficiaires, cette bibliothèque est une nouvelle opportunité pédagogique : « le lieu nous permet d’utiliser des supports de lecture plus variés. Actuellement, nous travaillons sur des publicités ou des articles de journaux, par exemple. Le fait de travailler sur des livres, plutôt qu’avec des photocopies, est plus valorisant et cela amènera peut-être les apprenants à emprunter d’autres livres. »

Francine Blondin, vice-présidente de la délégation locale de Lyon et responsable de la bibliothèque, a pleinement intégré ces éléments dans la gestion des ouvrages : « contrairement aux autres établissements d’emprunt, nous ne fonctionnons pas sur une durée d’emprunt car il est difficile de lire vite lorsque l’on est en plein apprentissage de la langue. Notre souci, c’est que le livre soit lu ; peu importe qu’il soit rapporté six mois plus tard. »

Une ouverture sur le monde

Grace à de nombreux dons de particuliers, d’entreprises et d’établissements publics, comme la bibliothèque municipale de Lyon, la bibliothèque solidaire référence plus de 4 700 ouvrages. Littérature, romans policiers, science-fiction, tourisme, cuisine, livres jeunesse, bandes dessinées… tous les genres sont représentés.

Des ouvrages en langues étrangères sont également disponibles. « Le choix a été fait de promouvoir la diversité car un livre est une ouverture sur le monde. Cette bibliothèque s’inscrit comme un maillon de plus à nos activités d’aide aux plus démunis parce que la culture est un facteur d’intégration et de cohésion sociale,» explique Bernard Blondeau, le président de la délégation locale de la Croix-Rouge.

Ce lieu se veut également un espace de convivialité et d’échange : « nous avons fait le choix d’ouvrir à tous cette bibliothèque afin de privilégier une certaine mixité sociale. Les bénéficiaires peuvent y côtoyer des bénévoles ou des personnes sans lien avec l’association. C’est une manière de valoriser les bénéficiaires », estime Francine Blondin. Des cercles de lecture et des groupes d’échanges seront mis en place ultérieurement dans le but de favoriser davantage encore la convivialité.

Depuis l’ouverture du site, une centaine de livres a été empruntée. Et à la grande surprise des bénévoles, les souhaits des emprunteurs sont pointus. A l’image de Kasmik, un jeune Arménien : « Moi, je veux de la vraie littérature française ! Ce sera certainement plus dur que de lire des livres pour enfants, mais la difficulté ne me fait pas peur. » Kasmik repartira ce jour-là avec « La bête humaine » d’Emile Zola et « Les Fables » de Jean de La Fontaine.

Nathalie Auphant