Très peu évoqués à la COP26, les impacts sanitaires des changements climatiques sont rarement pris en compte. Et pourtant, ces impacts sont multiples et toutes les populations les ressentiront, en particulier les plus vulnérables. Pour nous, santé et changements climatiques et gestion des risques de catastrophes sont étroitement liés. Regards croisés de Mercedes Aguerre, coordinatrice de projets Réduction des Risques de Catastrophes et Santé, et Thuy-Binh Nguyen, référente technique Réduction des Risques de Catastrophe/Adaptation aux Changements Climatiques.

Mercedes Aguerre : La santé est généralement un domaine isolé qui reste l’apanage des médecins et des scientifiques. Nous revendiquons au contraire une collaboration multisectorielle car les changements climatiques ont des conséquences multiples sur la vie et la santé des populations. C’est aussi ce qu’affirme l’OMS dans son dernier rapport publié à l’occasion de la COP26 : « pour protéger la santé des personnes, il faut prendre des mesures radicales dans tous les secteurs, notamment ceux de l’énergie, des transports, de l’environnement, des systèmes alimentaires et de la finance. » Nous avons tous besoin d’air pur, d’eau et de nourriture pour vivre correctement. Nous sommes donc tous concernés par les conséquences sanitaires des changements climatiques.

Thuy-Binh : En notre qualité d’acteur humanitaire, nous sommes le témoin direct de l’augmentation des catastrophes liées aux changements climatiques, de l’intensité croissante des phénomènes extrêmes – vagues de chaleur, inondations, sécheresses, tempêtes, etc.) et de leurs conséquences sur les vies. Nul n’est à l’abri, certes, mais ce sont souvent les populations les plus vulnérables qui en pâtissent le plus. Le nombre de personnes affectées est d’autant plus important lorsque les systèmes de santé sont fragiles ou insuffisants. C’est pour cela que réponse humanitaire et développement doivent aller de pair. Au Niger, par exemple, où les sécheresses sont récurrentes, nous avons mis en place des actions permettant d’assurer la sécurité alimentaire de la population : le réapprovisionnement régulier de banques de céréales communes, revendues à moitié prix, un système de bons alimentaires (vouchers) pour les plus pauvres, des opérations de sensibilisation des communautés. Cette logique d’anticipation favorise ainsi la résilience de la population.

Mercedes : Pour donner un exemple en France, on peut évoquer la canicule. Le nombre de victimes des épisodes caniculaires est beaucoup plus faible depuis l'introduction des mesures de préparation aux canicules, comme le développement du Plan Canicule de la Croix-Rouge française. Cela confirme que les bénévoles et la population en général sont mieux préparés et plus résilients, et que les messages de prévention sont efficaces. Là encore, on voit bien que santé et gestion des catastrophes sont liées.

Binh : Pour être efficaces, nous devons essayer de comprendre les causes des catastrophes mais aussi les causes profondes des vulnérabilités. Je cite souvent l’exemple de l’ouragan Maria qui a frappé l’île de Puerto Rico aux Caraïbes, en septembre 2017. Cette catastrophe a fait 2 975 morts dont la plupart sont dues à la faiblesse des systèmes de santé sur ce petit territoire. Cela démontre toute l’importance d’un travail de fond et à long terme indispensable pour réduire les vulnérabilités, d’autant plus sur des zones particulièrement exposées aux aléas climatiques.

Mercedes : La gestion de l’urgence passe en effet par une bonne connaissance des territoires, des risques et des vulnérabilités. Cette démarche dépasse la préparation et la prévention. Il s’agit d’identifier des défaillances éventuelles, de jauger les risques encourus pour anticiper des solutions. Nos plateformes d’intervention régionales en Amérique Caraïbes et à La Réunion (PIRAC et PIROI) s’inscrivent dans cette même logique lorsqu’elles mettent à disposition de la population des applications sur les cyclones, par exemple. Tout le monde dispose ainsi du même niveau d’information en amont des phénomènes climatiques pour être prêt, le jour J, mais aussi au quotidien.

« Entre 2030 et 2050, on s’attend à ce que le changement climatique entraîne près de 250 000 décès supplémentaires par an, dus à la malnutrition, au paludisme, à la diarrhée et à la chaleur » - Rapport 2021 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Géraldine Drot