Le 4 août 2020, deux explosions massives ont dévasté la capitale du Liban, tuant 192 personnes et faisant plus de 6 500 blessés (bilan provisoire). Très vite, la Croix-Rouge française a lancé un appel à dons pour soutenir la Croix-Rouge libanaise dans son action d’assistance aux victimes et a dépêché sur place deux délégués. Objectifs : favoriser la mise en adéquation des moyens de la Croix-Rouge française avec les besoins de la Croix-Rouge libanaise, et appuyer celle-ci dans son plan de réponse. Explications avec Hélène Avancini, la chef de délégation.

Quand êtes-vous arrivée à Beyrouth et qu’avez-vous constaté sur place ?

Mon collègue Alexis, logisticien, et moi-même sommes arrivés dans la nuit du jeudi 6 août. C’est le lendemain, en allant au bureau de la délégation de la Croix-Rouge française, après avoir passé un checkpoint (la zone était réglementée), que nous avons constaté l’ampleur des dégâts. Les rues étaient jonchées de gravats, de morceaux de verre, de débris en tous genres… Les destructions matérielles étaient énormes et, en même temps, il y avait une mobilisation incroyable pour aider les gens. Avec des gants, des masques et des balais, des jeunes frappaient à toutes les portes pour proposer de nettoyer. D’autres installaient des petits stands de nourriture éphémères pour que ces volontaires spontanés puissent reprendre des forces. Il n’y avait pas une personne en uniforme. Juste une foule de citoyens venue aider les autres. C’était très émouvant.

Une fois au bureau de la délégation, vous avez pu prendre le relais de l’équipe en place, éprouvée par la catastrophe .

Quelle est désormais votre principale mission ?

Puisque nous intervenons en appui à la Croix-Rouge libanaise, notre rôle consiste avant tout à apporter une réponse à ses besoins. Autrement dit, nous devons mettre en adéquation toutes les propositions d’aide et les dons qui sont faits à la Croix-Rouge française avec les besoins formulés par la Croix-Rouge libanaise, en faisant en sorte que cela s’organise le plus rapidement possible. La Croix-Rouge libanaise a établi un premier plan de réponse pour trois mois et a lancé un appel de 19 millions de dollars pour le financer. Nous nous inscrivons dans ce plan, d’autant plus qu’elle est en train de l’étendre sur douze mois et de préparer un nouveau chiffrage.

Ainsi, les fonds collectés dans le cadre de l’appel à dons lancé en France vont permettre de soutenir financièrement les actions désignées par la Croix-Rouge libanaise en fonction des besoins constatés sur le terrain et de ses domaines d’expertise. 

Justement, quelles sont les priorités figurant dans le plan de réponse de la Croix-Rouge libanaise ?

Un volet concerne l’accompagnement des familles sinistrées. Dès les premières heures, la Croix-Rouge libanaise s’est organisée pour accompagner 1 000 familles mais elle souhaiterait en accompagner 10 000 dans les meilleurs délais et sur une durée de douze mois. Distributions de colis alimentaires, de kits hygiène, de « kits abris » (qui permettent de rendre un appartement habitable pour ceux qui souhaitent rester chez eux) et appui financier aux familles sont donc au programme.

Un autre volet concerne évidemment la santé et le soin. Dans les minutes qui ont suivi la catastrophe, la réponse de la Croix-Rouge libanaise a été incroyable : transport de blessés, collectes de sang, cliniques mobiles, installation de deux centres de triages pour désengorger des hôpitaux saturés. D’ailleurs, ces hôpitaux étaient saturés, avant-même le 4 août, en raison de l’épidémie de Covid-19…

Elle est donc intervenue dans l’urgence pour sauver des vies et soigner, mais cette action doit se poursuivre. Trois hôpitaux et quinze centres de santé de Beyrouth sont aujourd’hui hors-service ; le diagnostic sur les dégâts causés aux structures de santé est toujours en cours et va s’alourdir. La Croix-Rouge libanaise a également déployé trois unités de soins pour remplacer les trois centres de santé entièrement dévastés par la catastrophe. En outre, elle va continuer à fournir des soins de santé primaire et apporter un soutien psychologique à la population.

Il faut donc répondre à l’urgence… Tout en essayant de s’inscrire dans le long terme.

En effet, la Croix-Rouge libanaise intervient à la fois sur les services d’urgence et les services de santé traditionnels, qui ont été détruits ou fortement impactés. De la même manière, de nombreuses familles n’ont aujourd’hui plus de maison : il est urgent de les accompagner au mieux… Mais la double explosion est également synonyme de destruction de dizaines de milliers d’emplois : les conséquences seront désastreuses sur les moyens d’existence des habitants. Même si ce n’est pas ce dont on parle le plus aujourd’hui, car nous sommes encore au lendemain de la catastrophe, toutes ces incertitudes sont des raisons supplémentaires pour que notre soutien s’inscrive dans la durée.

Propos recueillis par Anne-Lucie Acar

À lire dans le même dossier