Perpignan, 10 novembre 2010. La foule se presse devant une maison d’un nouveau genre. Baptisée "Maison d’Adriana", en hommage à l’ambassadrice de la Croix-Rouge française, elle accueillera des femmes seules en difficulté. Un concept appelé à se développer.

« Je suis fière et honorée que mon nom ait été choisi pour baptiser une maison hébergeant des femmes seules traversant un moment difficile de leur vie », déclare Adriana Karembeu venue inaugurer à Perpignan cette maison d’un nouveau genre. Ce type de structure manquait en effet dans le panel des dispositifs sociaux. L’idée de la Maison d’Adriana est née d’un constat que nous décrit David Rogala, directeur du Pôle de lutte contre les exclusions des Pyrénées-Orientales : « le nombre de femmes seules sollicitant un hébergement d’urgence était en hausse et les solutions proposées non adaptées ». En 2008, un appel à projets national pour financer des idées innovantes en matière d’hébergement de personnes en difficulté sert de déclencheur. La Maison d’Adriana figure parmi les dossiers retenus. L’organisation noue par ailleurs un partenariat avec la mairie de Perpignan qui met gratuitement à disposition un bâtiment occupé il y a peu par une association. Ledit bâtiment se trouve à proximité d’une prison dans un quartier excentré de la ville et cette spécificité a son importance. « S’y trouve un quartier des femmes de 40 places. Or, parmi le public prioritaire pour intégrer la maison, il y a des femmes sortant de prison dont certaines ont bénéficié dans leur jeune temps de l’Aide sociale à l’enfance. Grâce à la Maison, on anticipe donc les sorties, celles-ci sont préparées en amont », précise David Rogala. De fait, parmi les premières personnes à intégrer la Maison d’Adriana se trouve une jeune femme venant tout juste d’achever sa peine de prison.

LIEU DE VIE

La Maison d’Adriana comprend quinze places, réparties en chambres doubles ou individuelles dont une pouvant accueillir une personne handicapée. La plupart des chambres ne sont pas équipées de salle de bain privée et la cuisine est collective. Mais chaque femme aura sa clé, symbole d’autonomie retrouvée. C’est ce qui plaît à Anne-Marie, 48 ans, hébergée depuis un mois dans un centre d’hébergement d’urgence et de stabilisation géré également par la Croix-Rouge départementale. Arrivée là après avoir été expulsée avec son fils d’un logement pour cause d’impayés, elle est heureuse de poser ses valises. Car ici, l’hébergement est pérenne. De plus, le règlement autorise les locataires à accueillir pendant un temps court des visiteurs. Anne-Marie, qui perçoit le Revenu de Solidarité Active (RSA) et devrait également toucher une allocation d’adulte handicapé, pourra ainsi recevoir ses deux plus jeunes enfants actuellement pris en charge par son ex-mari. « Au centre, on se sent un peu enfermée, on doit se réveiller et manger à heures fixes. Là, on sera libre », se réjouit-elle. A terme, Anne-Marie envisage de trouver un logement social et de réunir à nouveau sa famille. Toutes les femmes qui seront hébergées à la Maison d’Adriana n’en sont pas là. Mais une certaine dose d’autonomie – les futures locataires devront par exemple faire leurs courses et cuisiner - est quand même requise pour l’intégrer, ainsi qu’un petit revenu, pour pouvoir verser une contribution financière. Reste qu’un travailleur social, l’un des quatre salariés que comptera la structure, sera également présent pour les accompagner dans leurs démarches. Bref, la structure a de quoi donner envie. « Un lieu comme un centre d’hébergement d’urgence et de stabilisation, qui accueille jusqu’à 60 ou 70 personnes l’hiver, des femmes comme des hommes, parfois très alcoolisés, ce n’est pas très rassurant ni très confortable. A la Maison d’Adriana, les femmes seront contentes de se retrouver entre elles », explique Florence Nebout, travailleur social. David Rogala abonde : « il y a une spécificité de l’accueil des femmes en termes d’intimité, d’hygiène, de sensibilité ; l’approche est différente ». Il ne reste plus qu’à espérer que cette approche donnera envie à d’autres délégations de suivre cette initiative. L’équipe de la Croix-Rouge des Pyrénées-orientales compte faire connaître son projet un peu partout en France. Elle pourra aussi compter sur Adriana Karembeu qui conclut : « Ce type de projet est utile et positif car il permet aux femmes de se ressourcer, de retrouver du soutien et de l’énergie pour repartir à zéro. J’espère que d’autres lieux de vie comme celui-ci verront le jour ailleurs ».

Anne Dhoquois