En huit jours, les incendies géants de Landiras et La Teste-de-Buch ont brûlé plus de 20 500 hectares de forêt. 32 000 personnes ont déjà été évacuées. Pour accueillir ceux qui n’ont nulle part où aller, nous avons ouvert 6 centres d’hébergement d’urgence et mobilisé 150 bénévoles. Reportage à Langon, sur le plus grand centre de la zone.

Il est 21 heures, lundi 18 juillet, dans le gymnase de Langon, situé à 60 km au sud de Bordeaux. La température dépasse encore les 30 degrés. Au loin, un énorme panache de fumée obscurcit l’horizon, voilant un soleil couchant rougeoyant. « C’est le grand rush !», lance Sabrina, l’une de nos bénévoles, tout en se précipitant pour ouvrir la porte de l’enceinte sportive. Direction le parking. Une ambulance l’attend, phares allumés. Accompagnée de trois autres secouristes, Sabrina organise ce que les bénévoles appellent une « évacuation ». Un vieux monsieur en fauteuil roulant est installé sur un brancard. « On l’emmène vers un Ehpad, pour qu’il bénéficie d’un lit médicalisé ce soir, détaille-t-elle. Ici, il n’y a pas de quoi le prendre en charge.»  À l’intérieur du gymnase, une cinquantaine de personnes est encore rassemblée. Le complexe a été mis à notre disposition par la mairie pour en faire un centre d’hébergement d’urgence pour toutes les personnes ayant dû évacuer leur domicile dans la journée en raison des feux qui continuent leur terrible avancée.

« Je ne sais pas combien de temps ça va durer »

Tous ces gens habitent les communes de Villandraut, Noaillan, ou encore Landiras. La plupart s’apprêtent à passer la nuit sur des lits picot installés au fond du gymnase. « Je me demande si je ne vais pas plutôt dormir dans ma voiture », appréhende Véronique, une femme de 60 ans. Assise dans un coin de la salle depuis bientôt un heure, elle vit dans un lieu-dit, sur la commune de Noaillan. Elle reste encore abasourdie par ce qui vient de lui arriver. « Je suis partie ce matin sur Bordeaux pour des soins, explique-t-elle. Quand je suis rentrée, la gendarmerie était devant la maison. Ils m’ont dit de partir au plus vite. J’ai tenté d’attraper mes trois chats. C’était sportif. J’ai pris quelques affaires et j’ai filé ». Direction, donc, le centre d’hébergement d’urgence le plus proche. «Je suis inquiète, admet-elle. Je ne sais pas combien de temps ça va durer. C’est la première fois que je vis une telle situation». Assis près d’elle, un groupe de personnes évacuées comme elle évoque cette journée hors du commun. « Chacun cherche un peu ses marques, glisse Véronique. Mais tout va bien. On est en sécurité, on s’occupe de nous. On a reçu des sandwiches. Chacun participe un peu. Les bénévoles sont courageux.»

6 centres d’hébergement ouverts

Comme Véronique, environ 16 000 personnes ont dû plier bagages dans la seule journée de lundi. Au total, 32 000 personnes ont été évacuées au cours de ces 8 derniers jours suite aux feux géants de Landiras et La Teste. Pour les accueillir, 5 centres d’hébergement comme celui de Langon ont été ouverts sur la zone, gérés par la Croix-Rouge française. « Le premier jour, ça a commencé par un “Elec”, autrement dit une évaluation, se souvient Corentin Ory, qui coordonne les opérations entre tous les sites depuis plus d’une semaine. Il n’y avait pas beaucoup de monde. Et puis un premier centre a ouvert à Louchats et les évacuations se sont enchaînées. On en a alors ouvert un autre. Et encore un autre…» C’est la plus grande opération que Corentin ait connue en 8 années de Croix-Rouge.

Sur les différents sites, pas moins de 150 bénévoles se relaient jour et nuit. 3 700 personnes ont déjà été prises en charge. « C’est une collaboration entre tous les services et les associations, ajoute Corentin. Sécurité civile, pompiers, préfecture, on bosse tous ensemble pour aider les gens. Les mairies se chargent d’apporter les repas. On est là pour écouter, rassurer, proposer un endroit où dormir et se nourrir. On s'occupe aussi de transporter les personnes à mobilité réduite.»

« Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive »

Autour du centre, quelques voisins sont aussi venus prêter main forte.Le club de basket local a apporté de quoi faire des sandwiches. D’autres discutent simplement avec les habitants évacués. «C’est dur à vivre, admet Sabrina, qui a appris à marcher dans le coin et voit aujourd’hui sa forêt s’enflammer. Cet élan de générosité est aussi touchant à voir ». Comme ses compagnons, elle essaie d’apporter du réconfort : « Ils ont été évacués dans l’urgence. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils sont parfois un peu en colère. On essaie de leur parler.»

Sabrina montre une petite dame assise dans un fauteuil roulant : « Elle a 100 ans et 6 mois. Elle est perdue. Tout ce qu’elle veut, c’est rentrer chez elle ». Un peu à l’écart, se trouve un homme, la trentaine,. « Il est sourd et muet, explique-t-elle. Il m’a tendu un bout de papier et s’est mis à m’écrire. Depuis, on communique comme ça ». L’obscurité tombe peu à peu. Le site restera ouvert toute la nuit et les jours suivants s’il le faut pour accueillir de nouveaux évacués.

À lire dans le même dossier