Situé à Lyon (69), le centre hospitalier des Massues est un établissement de pointe dans les domaines de la chirurgie du rachis, de la médecine gériatrique, des soins palliatifs et de la réadaptation adulte et pédiatrique. Dès la première vague de l’épidémie, l’organisation de l’établissement a été revue pour accueillir les patients atteints du Covid-19, avec la création d’une unité dédiée. Pour la deuxième vague, la mobilisation des équipes n’a pas faibli : une nouvelle unité Covid-19 a été créée dans une aile du service gériatrie et tous les personnels se sont adaptés pour faire face à cette situation inédite.

Fleuron de la Croix-Rouge française, le centre hospitalier des Massues a été, comme tous les établissements hospitaliers, directement impacté par l’épidémie de Covid-19. Mais à partir du mois de mars, l’équipe a fait le choix de l’agilité et de la réactivité pour faire face à cette situation et accueillir les patients en toute sécurité. La première vague avait ceci de particulier que toutes les activités non impératives ont été reportées sine die pour que l’établissement puisse se concentrer sur la prise en charge des patients atteints du Covid-19. « Dès le 16 mars, nous avons répondu présents à la demande de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes et créé une unité Covid-19 de 24 lits,  au 4e étage du bâtiment A, pour faire face à l’augmentation des besoins tout en respectant les consignes de sécurité très strictes », explique Philippe Orliac, directeur du centre hospitalier des Massues. Un travail d’isolement des flux a été réalisé et une équipe dédiée s’est constituée, sur la base du volontariat. « Même s’il y avait des inquiétudes en raison du caractère inédit du virus, du peu de connaissance sur la maladie ou du manque d’équipements de protection individuelle (EPI), les personnels de l’établissement ont été au rendez-vous et nous avons pu prendre en charge de nombreux patients Covid+ », ajoute Philippe Orliac. Durant cette première vague, 59 malades ont été accueillis en dix semaines dans cette unité.

Une deuxième vague plus forte

Contrairement à d’autres régions, l’Auvergne-Rhône-Alpes a connu une deuxième vague plus forte que la précédente, avec davantage de cas et d’hospitalisations. Alors après un été un peu plus calme, « sans toutefois revenir à la normale », précise Philippe Orliac, il a fallu se réorganiser pour affronter la reprise de l’épidémie. Une nouvelle unité Covid-19 a été créée, au sein du service gériatrie : en effet, des cas de Covid s’étant déclarés dans l’une des unités de ce service, il était cohérent d’installer cette nouvelle unité à cet endroit. Cela impliquait de revoir l’organisation du travail, de passer pour certains à des journées de 12 heures, « mais l’équipe a tout de suite été partante », témoigne Nathalie Rodriguez, infirmière et responsable de l’unité Covid-19. Au total, elle a sous sa responsabilité une trentaine de personnes, agents de services hospitaliers (ASH), aides-soignants et infirmiers. Cinq médecins gériatres sont également pleinement mobilisés au sein du service. « Nous avons accueilli 88 patients en huit semaines, complète Nathalie Rodriguez. Si la mortalité est légèrement inférieure à celle de la première vague, les situations restent compliquées, notamment car les séquelles sont importantes. La plupart des patients sortent de la maladie fragilisés, dénutris, avec des problèmes respiratoires, cognitifs. Après l’unité Covid-19, les soins de suite et de réadaptation sont indispensables. Ceux-ci peuvent être prodigués à quelques dizaines de mètres, dans la partie ‘non Covid’ du service gériatrie. »

La motivation et l’engagement sont au rendez-vous. Ce qui n’empêche pas les moments de doute, de découragement. « En trente ans de métier, je n’ai jamais vu ça, ajoute Nathalie Rodriguez. Les familles ne peuvent voir leurs défunts, il faut même les appeler avant le décès pour préparer les papiers, car la mise en bière doit être faite le plus vite possible… C’est très difficile à expliquer aux proches. » Pour cette mission délicate, Nathalie Rodriguez est en lien permanent avec les assistantes sociales du centre hospitalier : « on fait les choses ensemble, ça aide ». Parallèlement, pour que son équipe tienne le coup, elle a mis en place des « causeries » quotidiennes, des temps de rencontre où les membres de l’équipe se retrouvent de manière un peu plus informelle, à 14h, pour que chacun puisse dire ce qu’il a sur le cœur, partager avec d’autres d’éventuelles situations épineuses.

Un établissement qui regarde vers l’avenir

Dans ce contexte instable, il faut savoir se réinventer, garder de l’énergie malgré le stress et la fatigue. « Par rapport au printemps dernier, nous avons une meilleure connaissance des prises en charge à proposer aux patients, nous ne manquons plus d’EPI, témoigne Philippe Orliac. En revanche, pour l’établissement dans son ensemble, nous sommes confrontés à un manque de ressources humaines paramédicales, notamment d’aides-soignants. Cela ne concerne pas que le centre des Massues, et c’est l’attractivité du métier qui est en jeu. Cependant, quand il manque un maillon de la chaîne de soin – car tout le monde compte ! –, c’est toute notre activité qui est impactée. »

Trouver un équilibre en dépit de ces problématiques de personnels, répondre aux besoins au gré de l’évolution de l’épidémie : chaque jour réserve un certain lot de surprises. Toutefois, le directeur de l’établissement regarde vers l’avenir en continuant de déployer le projet médical de l’établissement, adopté en 2019. Celui-ci doit notamment permettre au centre hospitalier de poursuivre son développement, mettre l’accent sur la télémédecine et la téléconsultation, renforcer son activité gériatrie et multiplier les collaborations avec les autres acteurs sanitaires de la région. Malgré la crise, plusieurs axes de ce projet ont avancé ces derniers mois. « C’est notamment le cas des partenariats, comme en témoigne notre action avec l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes et notre implication dans le dispositif régional mis en place pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 », détaille Philippe Orliac. Un autre volet du projet médical a lui aussi connu un coup d’accélérateur : la télémédecine. Contrainte de devoir reprogrammer la majorité des rendez-vous durant le premier confinement, l’équipe des Massues a fait évoluer son offre « en ligne », mettant en place des modules vidéo de rééducation, proposant des séances de télé-réadaptation en petits groupes. En trois mois, 350 téléconsultations ont été réalisées. En outre, de nombreux patients se sont lancés dans la rééducation à domicile, avec un professionnel pour les guider par écran interposé. Si cela ne remplace pas la rencontre sur site, cette formule peut se révéler bien utile pour des personnes qui sont confrontées à des difficultés pour se déplacer. « Fort de ces constats, je crois pouvoir dire que nous avons su faire face à une crise totalement inédite tout en poursuivant notre projet médical, souligne Philippe Orliac. En cette année où nous devions célébrer les 60 ans des Massues, je tiens à saluer l’engagement de toutes les équipes. Un engagement quotidien au service des patients. »

Reportage : Anne-Lucie Acar

Crédit photo : Nicolas Beaumont

« Médecin gériatre, j’ai commencé à travailler au centre hospitalier des Massues en 2010 et je suis chef du service de gériatrie depuis février 2020. Ce service compte 124 lits, répartis en 4 unités de 31 lits. Quand l’épidémie a repris de l’ampleur, début octobre, la décision de créer l’unité Covid-19 au sein du service de gériatrie s’est imposée naturellement : en raison de l’âge moyen des patients externes accueillis, mais aussi parce que certains de nos propres patients avaient contracté le virus. C’était donc cohérent de l’installer ici et, globalement, cette unité fonctionne très bien depuis sa création, grâce à l’engagement exemplaire de toute notre équipe. Désormais, même si nous ne connaissons pas encore bien cette maladie, nous avons amélioré la prise en charge par rapport à la première vague. Nous avons des protocoles, et un petit peu plus d'expérience qu'il y a six mois. En revanche, cette crise sanitaire est compliquée car nous devons nous réadapter en permanence, redéployer les personnels, jongler entre les ‘lits Covid’ et les ‘lits non-Covid’. De nombreux hôpitaux ont eux-aussi créé leur unité Covid-19. Conséquence ? Il manque aujourd’hui des places en gériatrie traditionnelle… Une autre difficulté caractéristique de cette pandémie concerne l’isolement des personnes âgées : on comprend évidemment qu’il est nécessaire de limiter les visites, mais cette situation est très difficile à vivre pour nos patients, pour leurs familles aussi. » Docteur Lorraine Tedde, médecin gériatre et chef du service gériatrie du centre hospitalier des Massues