Le Président de la République a lancé le 15 janvier 2019 un « grand débat national » pour répondre au mouvement social qui traversait notre pays depuis plusieurs mois. Sans porter de jugement sur le bien-fondé de cette initiative, il nous est apparu utile de nous saisir de ce moment de dialogue avec les pouvoirs publics pour porter 20 propositions concrètes articulées autour du « pouvoir de vivre », du « pouvoir d’agir » et du « pouvoir de donner ».

Depuis 150 ans, la Croix-Rouge française est une association résolument tournée vers l’action. Cette action repose sur la qualité de nos savoir-faire issus d’une longue expérience en matière de protection des populations et d’accompagnement social. La puissance de notre action repose aussi sur la force de notre ancrage sur tous les territoires de métropole, d’outre-mer et à l’international : 60 000 bénévoles et 20 000 salariés qui interviennent dans plus de 1500 implantations locales et dans 15 pays. Au cœur des villes et des villages, nous observons et répondons aux vulnérabilités existantes et émergentes de la population.

Depuis de nombreuses années, notre pays se débat dans un contexte économique et social difficile. Les perspectives de croissance sont incertaines, l’argent public est plus rare, les inégalités se creusent, une partie de notre jeunesse décroche et le chômage de longue durée est installé et frappe durement des territoires entiers, brise des familles et enferme des femmes et des hommes dans une détresse infinie.

Au lieu de faire bloc, notre société est plus que jamais divisée. Les fractures culturelles sont nombreuses, les séparations déstructurent les familles, les violences et la xénophobie se répandent et nous peinons à trouver des solutions durables.

A ces fractures s’ajoute une fracture territoriale particulièrement dévastatrice pour le lien social. A la périphérie des grandes métropoles et dans nos campagnes, le sentiment d’abandon et de déclassement monte. L’accès au soin, au logement, aux services publics : tout semble dégradé.

Enfin, nos modes de production et de consommation aggravent chaque jour une crise écologique dont les premières victimes sont les personnes les plus vulnérables.

De cette quintuple crise, économique, sociale, culturelle, territoriale et écologique, découle une crise de confiance, une crise de sens. Pour répondre à ces crises qui divisent, notre devoir est d’œuvrer sans relâche pour une société inclusive, une société dans laquelle chacun trouve sa place, dans laquelle chacun compte et peut s’engager pour remettre la solidarité au cœur de notre pacte social.

Voilà le sens des propositions que nous souhaitons mettre sur la table à l’occasion de ce « grand débat national ».

Les 20 propositions de la Croix-Rouge française

Le pouvoir de vivre

Renforcer l’accès aux droits des plus vulnérables

  • Assurer la production ambitieuse d’une offre de logements très sociaux, dignes, adaptés aux besoins, aux différentes compositions familiales et accessibles aux ménages les plus modestes.

  • Développer les SAMU sociaux disposant d’une expertise d’accompagnement à l’accès aux droits.

  • Proscrire la remise à la rue à l’issue de la trêve hivernale.

  • Renforcer le rôle des départements dans l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables pour éviter les sorties « sèches » de l’aide sociale à l’enfance.

  • Proposer automatiquement l’aide d’un interprète et un soutien psychologique pour garantir une véritable protection inconditionnelle de toute personne en détresse.

  • Conditionner toute démarche d’évacuation à l’évaluation sociale et à des situations de mise à l’abri digne.

Développer l’accès aux soins

  • Généraliser le tiers-payant et fusionner l’Aide Médicale d’Etat (AME) avec la PUMA pour lutter contre le non-recours aux droits de santé.

  • Augmenter le maillage des dispositifs publics d’accès aux soins des plus démunis et homogénéiser leurs pratiques.

Construire une société numérique inclusive

  • Mettre en place un dialogue renforcé entre les usagers des services publics, notamment ceux en situation de pauvreté et/ou d’exclusion numérique, et les administrations afin d’identifier les mesures excluantes et simplifier le langage administratif.

  • Redéployer une partie des économies de la dématérialisation dans un fonds dédié au financement de l’accompagnement des usagers au numérique dans des espaces variés permettant l’accueil de l’ensemble des publics.

  • Cadrer juridiquement l’aide numérique pour faciliter le développement de la formation des aidants et des médiateurs de l’accueil et l’accompagnement des personnes en situation de grande exclusion ou de handicap.

Soutenir la mobilité inclusive et solidaire

  • Affecter une partie du « versement mobilité » au financement des solutions de mobilité inclusive.

  • Reconnaître les services de transport d’utilité sociale en publiant des conditions d’application des dispositions de la loi du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes.

Le pouvoir d’agir

Promouvoir l’engagement bénévole

  • Ouvrir dès le cycle élémentaire l’école aux bénévoles et aux acteurs de la solidarité et proposer tout au long de la scolarité des sensibilisations et des initiatives solidaires (option au Brevet et au Bac).

  • Valider les acquis de l’expérience et mettre en œuvre des mesures concrètes (autorisation d’absence en cas d’urgence pour les bénévoles étudiants dans l’enseignement supérieur, généralisation du Compte Engagement Citoyen, mise en place d’un Passeport Engagement).

  • Valoriser l’expérience de Service Civique Volontaire en ouvrant des droits nouveaux : aide personnalisée au logement, aide au permis de conduire, bilan de santé physique et psychosocial pris en charge par l’Assurance Maladie. 

Renforcer la résilience des populations et l’adaptation aux changements climatiques

  • Promouvoir une politique nationale de protection civile au service d’une population plus résiliente.

  • Intégrer de manière obligatoire l’éducation au secours et à la prévention des risques tout au long du cursus scolaire (6-18 ans).

Le pouvoir de donner

  • Transformer la réduction d’impôt pour les dons en crédit d’impôt.

  • Introduire une défiscalisation à 100% des 50 premiers euros de dons aux organismes d’aide aux personnes en difficultés.