Au moment où la lutte contre la pauvreté et le combat pour l’inclusion sociale reviennent sur le devant de la scène, il parait salutaire de sortir de la rengaine hivernale et de l’incantation compassionnelle pour tenter de soulever quelques questions à la mesure des enjeux.

D’abord, malgré toutes les propositions des nombreux rapports sur le sujet, malgré une protection sociale parmi les meilleures au monde, malgré tous les dispositifs déjà en place, il faut se rendre à l’évidence : le système ne protège plus contre l’exclusion. Il ne marche pas. Pourquoi un tel dysfonctionnement ? Qui peut répondre aujourd’hui en l’absence de toute évaluation des politiques publiques à partir d’indicateurs précis et pertinents ? Comment s’assurer de ne pas reproduire les mêmes erreurs ?

Ensuite, dans la lutte contre la pauvreté, quel est le cap qu’il faut fixer ? Certes, l’urgence humanitaire s’impose devant les victimes déjà tombées dans l’exclusion et la pauvreté. Mais ne faut-il pas accorder la même attention à ceux qui ont perdu une des sécurités vitales, tel leur emploi ou leur logement, et qui sont menacés par la spirale de l’exclusion ? Ou encore à ceux qui, dans la précarité, livrent leur dernier combat (tel le surendettement) avant de sombrer à leur tour ? A mon sens, dans ces deux dernières situations, l’urgence de la prévention s’impose tout autant. La précarité, comme la pauvreté requiert tous nos efforts.

Ensuite encore, ne faut-il pas admettre que le temps du tout Etat, de l’Etat-Providence, est sans doute révolu ? Tout attendre de l’Etat est devenu sclérosant, voire déresponsabilisant. N’est-il pas temps de repenser un nouveau modèle de société en intégrant au côté des Pouvoirs publics, les citoyens eux-mêmes, les entreprises et les associations dans un effort de solidarité partagé, car ce combat est commun ? A chacun de ces acteurs sa responsabilité  en fonction de ses capacités. Chacun doit agir à sa place. N’est-ce pas là retisser les premières mailles d’un lien social salvateur ?

Enfin, le rôle indiscutable des associations ne doit-il pas être revisité et repensé ? Parer aux seuls problèmes de l’urgence permet rarement de résoudre les problèmes de fond. Certains des dispositifs, en maintenant les personnes dans une forme d’assistanat, ne favorisent pas l’inclusion sociale et le retour à l’autonomie, qui sont pourtant les objectifs affichés par tous. Sans doute faut-il tout autant penser aux effets  durables de l’action qu’à l’urgence immédiate.

Il serait vain de croire qu’une nouvelle liste de dizaines de mesures conjoncturelles pourrait vraiment changer les choses, sinon jusqu’au prochain hiver. Ce qui s’impose d’abord, outre un changement d’état d’esprit, ce sont de véritables  réformes structurelles qui marquent la fin d’une époque et de nouvelles ambitions.

Jean-François Mattei