Loïs a 16 ans, il vit en région parisienne avec sa sœur aînée et ses parents. Nous le rencontrons au Centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) Pierre Nicole de la Croix-Rouge française lors d’une consultation jeunes consommateurs où il se rendait avec sa mère.

Depuis la rentrée, Loïs est inscrit dans un établissement privé, adapté aux jeunes présentant des troubles de la concentration. Ses parents, préoccupés par sa situation, ont préféré le mettre en internat pour éviter qu’il soit tenté par le jeu en ligne la semaine. Déprimé, renfermé sur lui-même, peu motivé par les études, Loïs ne rêve que d’une chose pour son avenir : devenir pro gamer. Il précise : « Les jeux, c’est la seule activité dans laquelle j’ai envie de me dépasser, le reste je m’en fiche, ça ne m’intéresse pas. Je trouve que l’on est trop restreint en cours, que l’on n’a pas assez de liberté. J’aimerais que l’on apprenne uniquement le dessin, le sport et  les maths ». Aujourd’hui, Loïs n’a pas le niveau pour passer en première générale : « Mes parents veulent que j’aie un vrai métier, ils ne comprennent pas que joueur professionnel est un vrai métier ; ils ont l’impression que je suis un « no life addict » mais moi je ne suis pas d’accord, j’essaie juste de m’épanouir avec ce qui me plaît. »

League of Legends alias LOL, un jeu vidéo Multi Players Online Battle Arena (MOBA), disponible exclusivement sur ordinateur, développé et édité par Riot Games, est la raison principale pour laquelle la mère de Loïs a insisté pour participer à une médiation familiale : « Ma mère essaie de comprendre le jeu en ligne mais quand je lui montre, elle dit que ça lui fait mal à la tête et finalement ne reste pas plus de cinq minutes. Mon père comprend un peu mieux mon goût pour les jeux mais ne souhaite pas que j’en fasse mon métier ».

Loïs ne joue plus que le week-end,  « parce que je n’ai pas le droit en semaine mais je regarde des vidéos en streaming de LOL pour améliorer ma pratique. En cours, je pense à quelle stratégie je vais adopter pour réussir les niveaux ». Côté sociabilité, l’adolescent avoue : « Je me sens complètement en décalage parfois ; je n’ai pas de mal à me faire des amis mais les autres ne m’intéressent pas globalement ». Côté loisirs et activités, Loïs est inscrit aux scouts depuis plusieurs années mais ses amis d’enfance sont eux aussi des joueurs en ligne. Les adolescents préfèrent jouer ensemble chacun chez soi plutôt que de se voir physiquement pour discuter, comme le feraient des jeunes de leur âge.

Loïs a commencé à jouer sur PC lorsqu’il avait 8 ans puis est passé aux « gros titres », à l’âge de 11 ans. Depuis l’âge de 14 ans, les rapports que Loïs entretient avec ses parents se sont tendus, le dialogue est aujourd’hui presque rompu.  Les jeux en ligne comme World of Warcraft ou League of Legends misent sur l'intensité du divertissement, ils sont organisés pour captiver les joueurs. Pour la majorité d’entre eux, ces jeux restent un loisir mais pour les plus fragiles, qui sont une minorité, ils s’avèrent un moyen de fuir une réalité plutôt douloureuse.

A la fin de la consultation, Loïs acceptera de continuer la médiation familiale en présence de ses parents. L’objectif des consultations sera bien entendu d’écouter les frustrations et revendications du jeune mais surtout de renouer le dialogue avec ses parents afin d’éviter que le cercle vicieux ne s’installe durablement.

Entretien réalisé en février 2017.

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